— Par Jean Samblé —
L’Autorité de la concurrence a infligé une amende de 14,5 millions d’euros aux compagnies aériennes Air Caraïbes et Air Antilles, ainsi qu’à la société de conseil spécialisée Miles Plus. Cette sanction, qui porte principalement sur des pratiques anticoncurrentielles entre 2015 et 2019, touche particulièrement le secteur des liaisons aériennes inter-îles dans les Caraïbes françaises.
La majorité de la pénalité, soit 13 millions d’euros, revient à Air Caraïbes et à Miles Plus, une société de conseil proche du secteur aérien, tandis qu’Air Antilles, via sa maison mère K Finance, se voit sanctionnée de 1,5 million d’euros.
Un « pacte de non-agression » au cœur de l’affaire
L’Autorité de la concurrence a démontré qu’Air Caraïbes et Air Antilles avaient mis en place une entente visant à manipuler les prix et à réduire l’offre sur des lignes clés reliant les Antilles, Saint-Martin, Sainte-Lucie et Saint-Domingue. Les lignes concernées, notamment celles entre Pointe-à-Pitre et Fort-de-France, sont essentielles pour les déplacements dans la région, où ces deux compagnies détenaient une position de quasi-monopole.
Les enquêteurs ont révélé que, sur une période de quatre ans, ces entreprises se sont accordées sur des hausses tarifaires significatives et ont convenu de maintenir des niveaux de prix élevés, empêchant ainsi toute concurrence sur ces liaisons court-courrier. Ces pratiques ont permis aux deux transporteurs de préserver leurs parts de marché tout en augmentant substantiellement les prix des billets d’avion.
Une dissimulation sophistiquée
Les autorités ont également souligné le degré de sophistication de ces ententes. Les discussions entre les compagnies ont été soigneusement dissimulées grâce à l’utilisation de pseudonymes et de noms de code. L’implication de Miles Plus, ainsi que celle d’un salarié d’Air Antilles agissant en toute discrétion depuis la métropole, ont permis de rendre ces pratiques encore plus difficiles à détecter. Selon l’Autorité, la stratégie de « non-agression » entre les deux compagnies comprenait également une coordination sur les horaires et l’offre, visant à maximiser les profits tout en évitant toute concurrence directe.
Impact sur les consommateurs et l’économie régionale
Ces pratiques anticoncurrentielles ont eu des conséquences directes sur les consommateurs de la région. Les hausses tarifaires ont alourdi le coût des déplacements dans un contexte où les habitants des Antilles sont déjà confrontés à un coût de la vie élevé. Pour l’Autorité de la concurrence, il s’agit d’un manquement grave, d’autant plus que les compagnies mises en cause dominaient le marché des transports aériens dans cette zone géographique.
Dans un communiqué, Air Caraïbes a réagi en prenant acte de la décision, tout en soulignant que ces faits étaient liés à des pratiques anciennes, exclusivement concernant leur réseau régional antillais. La compagnie a précisé qu’elle était en train d’analyser cette décision avec ses conseillers juridiques afin de déterminer les suites à donner à cette sanction.
L’affaire met en lumière les pratiques anticoncurrentielles dans un secteur où les consommateurs sont souvent contraints de recourir à un nombre restreint de transporteurs, et soulève des questions sur la régulation et la surveillance du secteur aérien dans cette région stratégique.