— Le n°255 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —
Le titre de cet article n’est pas seulement un clin d’œil au petit ouvrage de Karl Marx. (on ne saurait trop en recommander la (re) lecture). C’est aussi l’indication des trois notions liées, dont l’examen est indispensable si l’on veut s’orienter dans le débat actuel sur la vie chère, et les moyens de la réformer. Ce débat, en effet, ne peut faire abstraction de la division en classes sociales de la société.
Tout récemment, un intellectuel engagé dans le débat économique et social, a proposé une trouvaille : on supprimerait l’abattement de 30% du revenu imposable dont bénéficient les contribuables, et on consacrerait ce supplément de recettes fiscales encaissé au financement de paniers repas de produits agricoles locaux au bénéfice des défavorisés.
Ainsi, on réaliserait le transfert d’un avantage des classes moyennes vers les plus pauvres. Quand on lui demande ce que mettraient de leur côté dans le pot, les grosses fortunes des colonies, déjà fort allégées en matière d’impôts, il répond que « la révolution sociale » n’est pas à l’ordre du jour !
En revanche apparemment, la contre révolution sociale, elle, le serait sous la forme d’une ponction sur la partie du peuple payant les impôts, sans toucher ceux qui ont le plus de moyens de payer.
Aucun doute pourtant que si les super profits sont intouchables, les conséquences seront évidentes pour les prix et pour les salaires ! Or les prix élevés et les bas salaires ont les mêmes victimes principales, c’est-à-dire les classes laborieuses salariées.
Une autre idée, très courante mais fausse, est que pour baisser les prix, la panacée serait dans la « concurrence libre et non faussée ». Il n’est pas besoin d’être un as de la dialectique pour comprendre que, en régime capitaliste, la concurrence est vouée à se transformer en monopole ou en oligopole, l’oligopole étant un monopole à quelques uns. Ils s’entendent pour fixer un niveau de prix garantissant leurs profits maximum (Ho Ho Hen aux Antilles éliminé par G.B.H. et Parfait…de même que pour Lancry !).
La fin du monopole d’Air France, des P et T, S.N.C.F. et autres E.D.F., a–t–elle provoqué une baisse générale des prix ? On ne s’en est pas spécialement rendu compte !
Les plus « audacieux » des réformateurs parlent de s’intéresser aux marges bénéficiaires des distributeurs mais comme ces mêmes réformateurs sont pour la liberté d’entreprendre et le secret des affaires, on ne peut que constater la distribution de dividendes.
La dernière tarte à la crème de ce type de réformateurs, s’appelle la suppression de l’octroi de mer. Ce remède miracle pose plus de problèmes qu’il n’en résout. D’abord, parce que cet octroi de mer pèse peu dans la cherté de la vie. Ensuite, parce que remplacer l’octroi de mer par la dotation globale aux communes, fait dépendre ce financement de décisions aléatoires sans une pression radicale sur l’État. Enfin, parce que le rôle de l’octroi de mer dans la protection de la production locale est reconnu, même s’il est en contradiction avec le dogme européen de la concurrence libre et non faussée.
En disant cela, nous savons bien que tout impôt indirect est injuste (octroi de mer autant que T.V.A.) puisqu’il frappe indistinctement riches et pauvres, alors que les pauvres consacrent à la consommation ordinaire un pourcentage plus élevé de leurs revenus, contrairement à l’impôt direct fonction de la richesse.
C’est donc l’ensemble du système qu’il faut revoir, si l’on veut concilier coût de la vie, financement des communes, production locale. Cela n’intéresse pas les réformateurs bourgeois qui veulent tout, sauf faire payer les riches pour que le peuple puisse vivre. Au notre prochain numéro : quelles pistes réelles pour lutter contre la vie chère ?
En hommage à Jocelyn Présent
Un militant sincère, perspicace et lucide s’en est allé. Personnalité attachante par sa simplicité, son intérêt pour le dialogue respectueux des convictions et des personnes, sa disparition n’a laissé personne indifférent. La grande presse a répété pendant 24 heure que sa disparition va laisser un vide dans le syndicalisme enseignant, mais une journée plus tard, elle estimait qu’il était inutile de rendre compte de l’hommage que nous reproduisons ici. Il mérite d’être connu.
Profitons en pour un point d’histoire qui n’a été rappelé nulle part. Le SNETAA–FO, que Jocelyn Présent a un peu porté sur les fonds baptismaux en Martinique, est le dernier aboutissement, dans le secteur de l’enseignement professionnel public, de l’éclatement de la grande Fédération de l’Éducatiin Nationale, Fédération qui était née justement du refus louable de suivre la scission de la CGT de l’époque (1947) par la création de la CGT-FO.
La majorité des responsables de la FEN–Martinique de l’époque de la nouvelle scission, avait malheureusement refusé de saisir l’occasion de se transformer en Fédération Martiniquaise, en sauvant leur propre unité. Malgré le dévouement de militantes et de militants comme Jocelyn Présent, on peut penser que le syndicalisme enseignant en paye encore les conséquences.
JOCELYN PRÉSENT, SECRÉTAIRE DU SNETAA-MARTINIQUE N’EST PLUS
Il y a plus de dix ans, Jocelyn avait accepté au pied levé de prendre les rênes du SNETAA-Martinique.
À tort ou à raison, beaucoup, dont Jocelyn, pensaient qu’il était difficile d’occuper le fauteuil où des militants chevronnés s’étaient succédés avant lui : Philippe Pierre-Charles, Claudinette Patrice, Christian Jean-Étienne….C’est dire que les candidats ne se bousculaient pas au portillon… ! Arrivé à cette réunion du conseil académique comme « simple membre », Jocelyn en ressortit Secrétaire Académique.
Il ne met pas longtemps à endosser le costume. Sa grande humilité le rend ouvert aux conseils des anciens qui l’accompagnent dans ses premiers pas.
Les militants, les collègues comme les autorités académiques apprécient ou redoutent sa compétence, sa grande disponibilité, sa connaissance des dossiers, son verbe incisif, en un mot : sa combativité.
Il s’est investi pleinement dans son métier de professeur de Math-Physique, d’élu au conseil d’administration, de commissaire paritaire pour défendre les intérêts des collègues, leur notation, leur mutation, les cas difficiles, notamment les néo-titulaires nommés en France. Il a lutté avec détermination et dévouement contre les fermetures de postes et de sections.
Au-delà des aspects corporatifs, Jocelyn fait que le SNETAA-Martinique tient sa place dans les combats qu’il faut mener à tous les niveaux, local comme ministériels, pour que l’enseignement professionnel reste une voie d’excellence, non dilué dans l’apprentissage, pour que la recomposition syndicale opérée en France ne mette trop à mal l’autonomie originelle du syndicalisme enseignant exposé aux appétits des grandes centrales.
C’est une grande perte pour le monde syndical en Martinique et pour le SNETAA en particulier.
Toute notre sympathie va à sa famille et à ses proches.
Lucien LOUISON, ex-secrétaire du SNETAA-MARTINIQUE