Le dernier album du groupe éponyme.
— Par Jean-Marc Terrine —
« Sakitanou WAPA ». Un nom pour dire des pratiques et des gestes autour du ladja et du bèlè. Des expressions traditionnelles des mornes de la Martinique, notamment de Sainte-Marie d’où viennent certains artistes majeurs de cette expérience. Sonia Marc et Christian Vallejo, les potomitan de « Sakitanou WAPA » ont su s’entourer de pointures de cet univers. Notamment le Maître bèlè Benoît « Ben » Rastocle qui nous offre encore sur cet album la beauté de son souffle et de son chant en mode pentatonique.
Cet album est très certainement le fruit d’une longue pratique du groupe dans les swaré bèlè mais surtout aussi sa capacité d’écoute pour entendre la voix de derrière des anciens, comme par exemple feu Théonore Casérus. En effet, il me disait avec son grand sourire et sa sagesse de danseur-lutteur ladja: « Man ka kriyé lavwa épi yo. Mé sé pa kon avan. Yo ka chanté ek réponn tro vit. Yo ka kouri ».
Visiblement le groupe « Sakitanou WAPA » nous offre cette parole espérée de feu Théonore Casérus dans ce dernier album. Avec Charly Labinsky, musicien- percussionniste d’expérience à la direction musicale, les militants du bèlè se sont bien entourés pour capter l’esprit-bèlè.
« Sakitanou WAPA » fait avec ce geste un magnifique pas, an bel pa. Le groupe nous ramène avec cet opus l’expression de la cadence et nous plonge dans l’univers du bèlè-ladja. « Sakitanou WAPA » nous redonne l’expression et la couleur du son qui chantait bèlè là-haut, dans le pays des hauteurs. La direction artistique, en retenant juste le rythme qui jouait trop pressé empressé, pris probablement par les bruits et la vitesse du monde nous ramène des choses fabuleuses dans la ronde.
Cet album nous donne à entendre et réentendre le grand Maître du chant bèlè-ladja qui chante cette manière de vivre. Benoît Rastocle est comme à son habitude : grandiose. Il y dans cet album un morceau « Anglo », un beau texte qui mérite une écoute en replay. Une nouvelle écriture par ailleurs du ladja d’un jeune auteur-interprète. Un chant construit autour d’une histoire de la vie. Un texte poignant que chante Albert Marie-Joseph. Il marque désormais son nom et sa présence dans la ronde bèlè.
Sonia « Soso » Marc, aussi nous restitue des classiques comme « IDA-É et MANZÈ KÒZÉ » avec une voix posée qui va jusqu’à réveiller et faire sourire Siméline là-haut, dan jaden bondjé. Woulo bravo au groupe « Sakitanou WAPA », à son directeur artistique « Charly Labinsky », aux arrangements de Christian Vallejo et à son jeu qui nous donnent en cette fin d’année un album collector. Une direction artistique qui a réussi ce challenge en posant juste le rythme pour entendre la voix, les sons et phrasés des djouba, et le chant hystérique de l’ostinato des ti-bwa. Une manière de placer des espaces dans le jeu et de mieux jouer pour la danse qui court la won.
Plateau fofo
Le 19 décembre 2024
Jean-Marc Terrine