V.O. Madiana Jeudi 21 et Lundi 25 Avril 2016 à 19h30
Synopsis
Tous les ans, Bruno fait la route des vins… sans quitter le salon de l’Agriculture ! Mais cette année, son père, Jean, venu y présenter son taureau champion Nabuchodonosor, décide sur un coup de tête de l’emmener faire une vraie route des vins afin de se rapprocher de lui. Et s’ils trinquent au Saint-Amour, ils trinqueront bien vite aussi à l’amour tout court en compagnie de Mike, le jeune chauffeur de taxi embarqué à l’improviste dans cette tournée à hauts risques entre belles cuvées et toutes les femmes rencontrées au cours de leur périple…
Entretien avec les réalisateurs Benoît Delépine & Gustave Kerven
COMMENT EST NÉ SAINT AMOUR ?
Benoît Delépine : Il a une genèse un peu particulière. Il y a quatre ou cinq ans, on avait eu l’envie de faire un film un peu comme un tour de force, entièrement situé au Salon de l’Agriculture, qu’on aurait tourné en quelques jours. La route des vins, on la faisait à l’intérieur du salon… L’histoire était déjà structurée par une relation père-fils : on avait contacté le comédien Jean-Roger Milo pour jouer le père, et on pensait à Grégory Gadebois pour le fils. Mais c’était un film plus social et plus dramatique, qui se terminait par un suicide. Bizarrement, le Salon de l’Agriculture a refusé (rires)… Après notre sixième film NEAR DEATH EXPERIENCE, on avait cette fois envie de retravailler avec Gérard Depardieu, et on a repris une partie de ce projet, en réécrivant totalement l’histoire.
IL Y AVAIT UNE DIMENSION AUTOBIOGRAPHIQUE, À L’ORIGINE ?
Gustave Kerven : C’est sûr qu’on en a faites des petites routes des vins…
Benoît Delépine : Sur l’alcool, on sait de quoi on parle… Et d’un autre côté, mes parents étaient agriculteurs, donc le sujet résonnait beaucoup en moi. Mon père s’appelle Jean, il est venu sur le tournage rencontrer Gérard… La question de reprendre l’exploitation familiale ne s’est jamais posée pour moi parce que je n’étais vraiment pas doué, j’étais une catastrophe vivante – j’ai même cassé le tracteur familial ! Donc mon père m’a vite éloigné des outils agricoles. Mais le dilemme s’est posé pour des cousins ou des amis. Quant à la tendresse pour le monde paysan et les animaux, on la trouve déjà dans nos
précédents films…
Gustave Kerven : Moi j’adore L’Amour est dans le pré, c’est une de mes émissions préférées. Je trouve les paysans extraordinaires. Et on voit bien que le problème de trouver une femme est réel…
Benoît Delépine : Mon père a vendu sa petite exploitation avant la retraite, mais ma sœur a récupéré le corps de ferme pour en faire un club hippique. Elle joue d’ailleurs un petit rôle dans le film. Les problématiques du monde paysan, je les connais un peu.
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CELA VEUT-IL DIRE QUE CERTAINS SUJETS ARRIVENT DE VOUS BENOÎT, ET D’AUTRES DE GUSTAVE ?
Gustave Kerven : Je suis né à l’île Maurice, mais on n’a pas encore fait de film sur le ski nautique…
Benoît Delépine : Il faut un sujet qui nous mette d’accord, qui nous inspire tous les deux, dont on voit ensemble le potentiel. Le Salon comme lieu de tournage, on trouvait ça une belle idée.
Gustave Kerven : C’était un pari de tourner au Salon de l’Agriculture avec des gens connus. Se lancer des paris un peu dingues, c’est ça qui nous guide. Tourner un film en neuf jours avec Michel Houellebecq en était un. Le Salon en était un autre…
Benoît Delépine : C’est comme se lancer dans une aventure de pirates. Au final, aucun de nous deux ne décide, c’est le film qui tranche. On le voit au montage : il y avait dans SAINT AMOUR une scène assez réussie à la fin dans un dancing, une scène en plan-séquence avec Céline Sallette et les trois garçons. Au montage, le film l’a rejetée,
on l’a enlevée…
CONCRÈTEMENT, COMMENT SE DÉROULE L’ÉCRITURE À DEUX ?
Benoît Delépine : On discute beaucoup. Même si j’habite en province, je viens toutes les semaines à Paris pour Groland. Et sinon, on est des grands gambergeurs de nuit. On fourmille d’idées, même de mauvaises. Comme on s’entend bien, ce n’est pas grave : quand j’ai une idée que je crois bonne, j’appelle Gus : « On pourrait faire ça », etlà, il y a une espèce de long blanc au téléphone, et je comprends que l’idée était vraiment mauvaise. Il y a des gens qui peuvent rester bloqués dix ans sur une fausse bonne idée ! Nous, on l’élimine vite…
Gustave Kerven : De plus en plus, on écrit chacun de notre côté, ce qui est bien parce qu’on perdrait beaucoup de temps à deux, à choisir un mot plutôt qu’un autre, à tourner autour d’une table… Là, on se répartit les scènes, on écrit chacun de notre côté et on juxtapose. Au final, il en sort quelque chose. Un scénario. Mais ce scénario n’est que le début de quelque chose de vivant.
Benoît Delépine : Chacun essaye de surprendre l’autre, et à la fin, généralement, ça colle bien.
LE CHOIX DES TROIS COMÉDIENS PRINCIPAUX S’EST-IL IMPOSÉ D’EMBLÉE ?
Gustave Kerven : Les comédiens nous motivent et nous inspirent, on les choisit dès le départ. C’est comme les lieux de tournage qui comptent aussi beaucoup…
Benoît Delépine : Gérard Depardieu en paysan, c’était une évidence, à partir de ce qu’il est physiquement et mentalement. Et pourtant, on ne l’a pas souvent vu dans ce genre de rôles. On savait que Benoît Poelvoorde et lui s’apprécient beaucoup. Tant pis s’ils ne se ressemblent pas tant que ça : mon père est un gros costaud, et il a eu un filscomme moi, qui est une tige à côté.
Gustave Kerven : Au tout début, le chauffeur de taxi devait être Michel Houellebecq,il était partant sur le principe. Mais après les attentats, plus son livre, ça devenait compliqué : déjà tourner au salon, ç’avait été l’enfer sur terre ! Imaginez deux personnes hyper-connues,sans sécurité… Les gens n’arrêtaient pas de filmer, de prendre des photos avec des flashs, c’était la folie. Si en plus on avait eu Michel là-dedans… Vincent Lacoste (que l’on suit depuis longtemps) a accepté et cela nous a plu parce que cela faisait trois générations d’hommes. La boucle était bouclée : on parlait des relations hommes-femmes à trois âgesde la vie.
SAINT AMOUR EST PLUS OUVERTEMENT TENDRE QUE VOSPRÉCÉDENTS FILMS. L’IDÉE DE LA RÉCONCILIATION PÈRE-FILS S’EST-ELLE IMPOSÉE D’EMBLÉE ?
Benoît Delépine : Oui, c’est l’histoire d’un père aimant qui essaye de remettreson fils dans un chemin à peu près droit. Il voit que son fils est malheureux, qu’il a des problèmes avec l’alcool et avec les filles…
Gustave Kerven : Le père était moins aimant dans le scénario, il était plus raide.
C’est Gérard qui l’a tiré vers ça. C’est son génie. Les films évoluent souvent au gré des tournages : on a toujours voulu écrire des pures comédies et on s’est souvent aperçu quenos comédies partent vers l’émotion…
Benoît Delépine : Ce film-là est plus tendre, on s’en est rendu compte au dérushage. Les personnages n’ont rien de normal, mais on reste dans une grande tendresse. Même la musique de Sébastien Tellier y contribue : au départ on l’avait appelé pour faire un contrepoint, pour que le film ne soit pas trop sentimental, et à l’inverse de ce que l’onattendait, il a composé une grande musique de film qui va dans le sens des sentiments évoqués par le récit. Lui aussi nous a bluffé par son inspiration. À peine le scénario lu, il avait déjà composé cinq morceaux. Fascinant.
Gustave Kerven : Il y a quand même souvent dans les scènes une petite pirouette, qui empêche d’aller à fond dans le sentimental. Par exemple quand Gérard et son fils, aux toilettes, parlent entre eux de téléphoner à la mère (de Benoît), il y a cette fille qui dit tout à coup : « Vous êtes chez les filles… »
DONC, LÀ, C’EST AU TOURNAGE QUE LES SENTIMENTS ONT PRIS LE DESSUS ?
Benoît Delépine : Et au montage, où on a changé beaucoup de choses. Dans le passage avec Chiara Mastroianni, quand le père et le fils boivent, que Gérard donne une petite leçon – « On peut boire du vin tranquillement » – on avait tourné une fin de scène où Gérard buvait trop, devenait violent, presque fou. On comprenait pourquoi autrefois, il avait arrêté de boire. Mais finalement on l’a coupée. Ça nous emmenait de façon forcée dans l’humour trash. Dommage pour Chiara qui était formidable, mais on se reverra sur un prochain film !
Gustave Kerven : Dès que ça devient un peu lourd, ça nous guide pour enlever des séquences et le film prend une autre tournure… La fluidité psychologique d’un film, c’est dur de la voir à l’avance, ce n’est pas une chose sur laquelle on s’attarde comme des fous à l’écriture. C’est au montage qu’elle prend forme. On ne voulait pas faire un film de pochetrons ; les femmes rythment davantage le récit que le vin.
AU-DELÀ DE L’APPELLATION VINICOLE, LE TITRE EST DONC AUSSI À PRENDRE AU PIED DE LA LETTRE ?
Benoît Delépine : Il y a les deux sens, oui. On nous dit : « Votre film est moins radical que les précédents. » En même temps, on n’est pas là pour se répéter. On a été saisi par cet amour, filial ou sentimental, sujet qu’on n’avait jamais abordé.
Gustave Kerven : Le trash, on le fait déjà dans Groland. Au cinéma, on se laisse guider par des émotions qui nous ressemblent finalement davantage.
LES LIEUX VOUS INSPIRENT, DITES-VOUS : LES REPÉRAGES ONT-ILS NOURRI LE FILM ?
Benoît Delépine : On a fait un voyage pour voir les vignobles, qui n’a pas modifié beaucoup le script. Quant à moi j’avais déjà repéré pas mal de lieux en faisant du vélo autour de chez moi, vers Angoulême…
Gustave Kerven : Cela nous faisait rire d’imaginer une route des vins qui ne soit pas celle des grands crus…
Benoît Delépine : Surtout ne pas tomber dans le film de tourisme, un SIDEWAYS à la française.
Gustave Kerven : Et aussi ne pas s’écarter de l’autoroute. Des gens intelligents auraient montré les plus beaux paysages de France, façon retransmission du Tour. Ils auraient fait survoler les régions par des drones. On n’a pas fait ça !
Benoît Delépine : Au début, j’avais même imaginé un truc très conceptuel, à la limite de l’art contemporain, où on ne voyait pas le paysage mais juste les panneaux en bord d’autoroute : « Vignobles de la Drôme », etc. On n’est pas allé jusque-là non plus, d’autant que sur l’autoroute, on a vite fait de les rater, les panneaux, et qu’il faut faire des dizaines de kilomètres pour les retrouver !
Gustave Kerven : On a gardé un plan d’une caravane installée devant un panneau… La loose.
QUAND ON FAIT UN ROAD-MOVIE, LE TOURNAGE DOIT CONTENIR SA PART D’AVENTURES ?
Benoît Delépine : En fait, le tournage du salon avait été tellement rock ‘n’ roll, on en a fait un premier montage en se disant : « Si ce n’est pas bien, on annule la suite ». Mais ce sont des acteurs tellement géniaux que bien sûr c’était énorme. Alors, oui, on a continué, pour un mois et demi d’aventures.
Gustave Kerven : On n’est pas des Werner Herzog, même s’il y a eu des moments un peu « herzogiens ». Ils ne nourrissent pas le film, ils nourrissent seulement la fatigue.On aurait pu tourner tout le film quasiment au même endroit, mais on aime bien bouger et on a voulu faire une partie de la route des vins en vrai. Un tournage doit être un objet vivant. Pour tout le monde, les techniciens comme les acteurs.
Y A-T-IL BEAUCOUP D’IMPROVISATION OU LES DIALOGUES DU SCÉNARIO SONT-ILS RESPECTÉS ?
Gustave Kerven : Dans l’ensemble, ils sont là. Mais on est restés sur le qui-vive, jour après jour, ouverts à l’imprévu. Benoît Delépine : Quand je revois le film, le moment qui me fait hurler de rire, c’est quand tu bois avec Benoît Poelvoorde, au Salon. Il faut savoir que cette scène, comme celle des « dix stades de l’alcool », Benoît l’a jouée très Actors studio. Bref, ce n’est pas du jus de raisin qu’il buvait. Et on voit à l’image que tu chuchotes ses dialogues tellement tu as peur qu’il n’y arrive pas…
Gustave Kerven : Comme les parents à L’École des fans ! On sent chez Poelvoorde une grande liberté ; il lui est arrivé parfois, dans son parcours, d’être trop à l’étroit dans les dialogues. Dans SAINT AMOUR, on peut dire qu’il n’était pas du tout à l’étroit.
Benoît Delépine : Il prenait pas mal de libertés avec le texte. D’autres que nous peut-être auraient craqué, mais on se connaît depuis tellement longtemps… Et c’est un comédien extraordinaire, personne ne pourrait faire ce qu’il a fait.
Gustave Kerven : Depardieu aussi est dur à manœuvrer, parfois, mais c’était un choix de départ. Et puis c’est sa façon de tourner : ne jamais être dans la facilité, le prévisible. Avec lui, sur un tournage, pas de danger de s’embourgeoiser !
Benoît Delépine : C’est la première fois qu’on tourne tout un film à deux caméras. D’abord par obligation sur la Salon de l’Agriculture, avec le public en arrière-plan qui prenait des selfies ! Et puis par choix : on voulait mieux saisir les visages de nos acteurs et de nos personnages. En repensant à nos premiers films, on s’est aperçu qu’on ne les montrait pas assez. C’est un changement radical : dans AALTRA, on ne montrait jamais le visage de Poelvoorde, mais seulement son cul ! L’idée, ici, était de privilégier l’émotion par le visage.
LEQUEL DE VOUS DEUX SE SENT DAVANTAGE « DIRECTEUR D’ACTEURS » ?
Gustave Kerven : En l’occurrence, le mot « dompteur » serait peut-être plus approprié… Il y avait aussi beaucoup de plans en voiture qui sont pénibles pour tout le monde.
Benoît Delépine : On est dans une autre voiture à l’arrière, on ne suit pas hyper-bien. On juge surtout sur le son et on sent quand c’est juste ou pas.
Gustave Kerven : Et avec ces acteurs-là, on n’avait pas trop de problème sur la justesse. Le plus dur c’était de les faire arrêter de déconner. Vincent Lacoste réussissait, lui, à rester calme. Il fallait le faire, dans un tel truc de fous. Une anecdote qui résume tout : quand on a tourné la scène de la chambre d’hôtes, avec Michel Houellebecq, c’était chez un voisin de Benoît, près d’Angoulême. On n’avait pas touché au décor : quand il est bien, on ne change rien. Poelvoorde arrive, va directement vers une sorte de buffet, voit une petite fiole de calvados, posée sur deux roues comme un canon. Il boit ça direct. Le proprio arrive, furieux : c’était un cadeau de mariage, auquel il n’avait pas touché depuis dix ans. Il voulait nous virer du décor. Benoît a été obligé de s’excuser, de lui racheter une bouteille. Ça a duré des heures ! Et c’était tout le temps comme ça. À la limite Vincent était le plus adulte du plateau !
VOUS RÉPÉTEZ AVEC LES ACTEURS ?
Gustave Kerven : Jamais. Ni répèt’, ni lectures, ni essais caméra.
Benoît Delépine : C’est un peu de l’art brut. Avec Poelvoorde, on s’était vus avant LE GRAND SOIR. Il nous avait dit : « J’en ai discuté avec ma femme, on ne peut plus faire comme avant, il faut qu’on bosse, qu’on fasse au moins une lecture. » Très bien. On se donne rendez-vous dans un resto à Montparnasse, il essaye vaguement un costume, et une après-midi de travail doit suivre. Entre temps, le repas. Infernal. Le lendemain, on ne se souvenait plus de rien. Lui : « Vous n’aviez pas mis des médicaments bizarres dans le vin ? J’avais rendez-vous avec un autre cinéaste après, je voulais vraiment faire son film, mais je l’ai insulté… »
COMMENT TOUTES CES ACTRICES ONT-ELLES ACCEPTÉ DE VENIR DANS SAINT AMOUR ?
Benoît Delépine : On a eu de la chance qu’elles acceptent, on a été les premiers surpris ! Celle qu’on n’a pas eue, c’est Tilda Swinton, avec laquelle on a longtemps été en contact pour être Vénus. Mais si Vénus était finalement française, ça ne pouvait être que Céline Sallette, que nous avions adorée dans MON ÂME PAR TOI GUÉRIE… Pour la première fois et pour nous, elle a appris à faire du cheval… et du Depardieu ! Autre envie de cinéma, Solène Rigot qu’on avait vue dans TONNERRE, où elle était extraordinaire.
Gustave Kerven : Izïa Higelin, on aime sa façon d’être. Ana Girardot, on l’avait appréciée dans LES REVENANTS.
Benoît Delépine : Chiara Mastroianni, on a été conquis. On n’est pas des mondains,nous, notre seule façon de rencontrer des gens, c’est de faire des films ! Non, pardon,Ovidie, on l’avait rencontrée au Festival du Film Grolandais, il y a deux ans.
Gustave Kerven : En fait, on fait tourner tous les gens qui nous étonnent. Même Jean-Louis, un vrai prophète de Montmartre trouvé dans un bar !
Benoît Delépine : Il est vrai qu’à part Yolande Moreau, Miss Ming et Isabelle Adjani,on n’avait pas beaucoup travaillé avec des actrices. Sur SAINT AMOUR, les filles, toutes très différentes, ont fait le charme du tournage. Et du film, nous l’espérons.
ANDRÉA FERREOL, C’EST UN CLIN D’ŒIL À LA GRANDE BOUFFE ?
Gustave Kerven : Oui, Ferreri, ça compte. C’était du cinéma audacieux. Bon, on ne va pas faire du « c’était mieux avant », mais on peut quand même dire que c’était plus ambitieux !
La presse en parle
Il souffle sur ce « Saint Amour » un grand vent de liberté. Celui qui rend les joues roses et pique au nez. Qui enivre aussi, sans pour autant filer la gueule de bois.
La nonchalance du film, voire sa lenteur, cadre parfaitement avec le souffle de poésie sereine que Delépine et Kervern déposent sur l’écran.
Ode aux femmes et aux sorties de route, « Saint Amour prend », avec son dénouement, des airs de comédie à la Bertrand Blier.
Depardieu et Poelvoorde, acteurs extrêmes, en père et fils spiritueux sur la route des vins, ça aurait pu ressembler à un gros film qui tache. Mais ce serait compter sans la poésie roots du duo Delépine-Kervern, l’énorme subtilité du menhir Depardieu, et la folie déroutante de Poelvoorde.
Sur le papier, il y avait tout pour que ce long métrage soit un grand cru : des réalisateurs d’ordinaire lumineux comme des soleils, des acteurs à maturation, une flopée de seconds rôles prometteurs et tutti quanti. Mais à l’arrivée, le produit n’a hélas aucune ampleur en bouche.
On est mal à l’aise tout le temps parce qu’on voit à chaque séquence que toute cette petite cuisine, qui ne tient pas debout et s’en félicite, ne repose plus sur rien sinon des bouts de gags qui font pitié (…) et des lambeaux d’idées inaccomplies.
Pour qui a pu trouver touchants quelques films du duo Kervern-Delépine et aurait pu se laisser attendrir par une débauche de bons sentiments sur fond de sinistrose, ce film-ci est si navrant et lénifiant qu’il propose une épreuve, une mission impossible : comment en parler sans être trop vache ?
Ça et là, un ballon de situations, des rasades de dialogues cul sec arrachent un sourire, l’esquisse d’un vague espoir, le soupçon d’un ressaisissement mais la chute bascule dans un grand n’importe quoi. Pouvait-il en être autrement ? Une piquette, à ne voir que si l’on a soif.