— Yves-Léopold Monthieux —
Le billet du 28 mai dernier de Montraykréyol à propos des résultats des élections européennes m’avait échappé. Davantage qu’un commentaire, j’y vois l’expression d’une réalité politique et d’une naïveté inquiétante de la part d’universitaires. Ceux-ci se sont dit « médusés » d’entendre de la bouche d’une ministre la déclaration suivante :
« Ecoutez, la Martinique a toujours refusé d’avoir des secrétaires d’état et des ministres, elle a la population la plus vieille de France, elle est d’ailleurs dirigée par un vieillard sénile qui est indépendantiste en plus, elle n’a aucun projet d’avenir ». Les professeurs ont-ils été estébékwés au point d’attendre un an et demi avant de divulguer la déclaration de la ministre, laquelle n’est toujours pas désignée par son nom. Complice de cette réserve, la presse n’est pas prompte à relayer ce genre d’information susceptible de faire des vagues dans la mare politico-médiatique.
A vrai dire, seul le motif du grand âge de la population me paraît inapproprié car non opposable à la politique locale. C’est la conséquence mécanique de la « démographie galopante » des années 1950 – 1960, stimulée par les progrès sociaux qui commençaient. Le nombre de vieillards aurait été plus important encore si les départs en métropole n’avaient pas eu lieu. De même que la densité démographique de notre « île-ville », la plus importante des DOM- TOM, s’en fût trouvée renforcée. On peut comprendre qu’ait émané de cette population vieillissante un président de collectivité qui lui ressemble, sauf que la gérontocratie n’a pas attendu ce début de siècle pour se manifester en Martinique.
Quoi qu’il en soit, les informations de la ministre qui visent l’incohérence martiniquaise ne devrait pas provoquer la stupéfaction des grangreks ! En effet, qu’y a-t-il de nouveau dans le propos ministériel lorsque celui-ci rappelle que les Martiniquais refusent d’être ministres de la France ? Ne doit-on y voir l’origine de l’inappétence des étudiants martiniquais pour les fonctions dites régaliennes (haute fonction publique et magistrature). N’est-ce pas l’évidence, par ailleurs, que la Martinique n’a pas de projet d’avenir ? C’est à ce projet que l’ancien député Pierre PETIT s’était époumoné, en vain, à en appeler les responsables martiniquais. Enfin, comment ne pas reconnaître que, de tous les territoires français d’outre-mer, la Martinique est, par les représentants qu’elle se donne, la plus hostile à la France ? Les termes « autonomistes » et « indépendantistes », les articles « 73 » et « 74 » ainsi que les couleurs de drapeaux sont inaptes à distinguer les uns des autres. Faire mine de croire que « l’Etat français » n’a pas conscience du point commun de cette confusion, le désir de séparation, c’est faire preuve d’une perfide candeur.
Il est peut-être amusant d’imaginer ce que pourrait cacher les échanges de tweets entre le président de la région Guadeloupe et le président de la République. Mais point n’est besoin de petite souris pour prévoir les conséquences de notre comportement politique abracadabrantesque. La ministre les résume sèchement en une phrase : « Sachez donc qu’elle [la Martinique] n’intéresse pas le président »
Fort-de-France, le 7 juin 2019
Yves-Léopold MONTHIEUX