— Par Félix Relautte —
« Voici en clair ce qu’on nous a dit – Ou vous partez volontairement avec une petite monnaie, oualors, sé déwô san ayen ! Ce qui est dur c’est de voir comment cette véritable machine à gagner del’argent a été vite démolie par quelques rapaces écervelés qui ont pillé et esquinté la boite ; et c’estnous qui faisons les frais… On s’étonnera après que des révoltés par l’injustice fassent n’importequoi… » Victime anonyme.
Un silence de mauvais augure
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de bruit qu’il ne se passe rien. Au contraire. Alors que la menacede la fermeture du site Alstom de Belfort menaçant 400 emplois a provoqué la réactionimmédiate des politiques français au plus haut niveau, le licenciement sec de près d’un tiers dupersonnel de la Sarl Sacherie Capron se déroule dans un silence assourdissant et l’indifférencetotale des nôtres. Les différentes alertes médiatiques depuis que la majorité du personnel aadhéré à la CDMT auraient pourtant du suffire pour que les responsables s’interrogent sur lesconditions dans lesquelles une société ayant bénéficié de si importantes subventions publiques,en vient à licencier une dizaine de travailleurs, sans aucune garantie de sauver les restes. Toutesproportions gardées, une telle saignée équivaudrait à 1 660 pertes d’emploi en France.Le déroulement de l’affaire Sacherie Capron offre une véritable leçon de chose à qui veutcomprendre l’ampleur des difficultés auxquelles sont confrontées des personnes voulant exercerleurs droits légitimes, notamment quand elles ont peu de relations et de moyens. Il est même uncommentateur pour oser dénoncer la prétention de syndicalistes voulant s’immiscer dans lagestion des entreprises, comme si les résultats des prétendus managers étaient aussi brillantsque ça. Voyons un peu, au risque de contrarier quelques « décideurs ».
Persistance d’un pouvoir illégitime
Premier sujet d’étonnement : l’entreprise est dirigée par une seule associée dont la gestion estdésapprouvée par les six autres. Même si l’on accepte l’idée qu’elle aurait été mise à ce poste parson père, il est évident que cela n’explique pas qu’elle s’y trouve toujours, d’autant qu’à chaqueAG annuelle (si elle est convoquée), les associés dénoncent un management calamiteux. Il fautdonc savoir qu’après le décès de Max Capron, 65% des parts sociales sont restées dansl’indivision et que leur administration a été confiée à un Représentant désigné par le tribunal,Me Alain Miroite en l’occurrence. On s’imagine logiquement que ledit représentant prendraitl’avis de ses mandants, au moins avant chaque décision importante. Erreur. Il n’en fait qu’à satête. Hormis les cas de scandale trop risqué, il approuvera sans relâche le management de sapréférée, en dépit de l’opposition de tous les autres associés. Quel peut être le ciment de cettefidélité résistant aux dérives les plus périlleuses pour la société, on ne sait pas.
Autre hasard si l’on veut, il se trouve que l’administrateur judiciaire nommé en décembre 2015dans le cadre d’un plan de redressement judiciaire prononcé à la demande de la gérante, n’estautre que l’ex représentant des parts indivises, le même Alain Miroite, administrateur judiciairequ’on ne saurait taxer d’hypocrisie : « Pour nous les administrateurs judiciaires, les entreprises (ilaurait pu ajouter en difficulté) c’est notre coeur de métier » (France Antilles 21/10/15).Simplement parce qu’il n’y en a pas d’autre de disponible sur le territoire. Ainsi, le même tandemqui depuis 2004 conduit résolument la Sarl à la faillite, est supposé piloter son redressement.Drôle d’idée en vérité. Seul petit bémol à leur pouvoir absolu, un cogérant bénévole en lapersonne de Louis Suivant, a été nommé par l’assemblée générale du 21/12/15.
Inconfortablement installé dans ses fonctions en janvier 2016, il n’a à ce jour aucun accès à lacomptabilité bien verrouillée par la cogérante Josiane Capron et ses très proches. Ce sontd’ailleurs les mêmes qui centralisent le numéraire notoirement volatile dans cette Sarl.
Redressement à l’envers ?
Les raisons de ce redressement judiciaire sont assez mystérieuses et jusqu’ici, ni le cogérant, niles associés n’ont eu connaissance du dossier ayant emporté la décision des magistrats. On saitque quand elle est prise, le bénéfice connu est celui de décembre 2014, soit une perte de 25000€ sur un actif net de 4 850 000€. Les associés n’ont aucune information émanant depersonne. Pas la moindre allusion dans les rapports de la gérante. Pas d’alerte du commissaireaux comptes alors que l’AG statuant sur les comptes de 2014 se tient deux semaines plus tard.On ne leur a pas demandé d’avancer des fonds comme c’est d’usage quand une société se trouveen difficulté. Il suffit de parcourir les entrepôts pour comprendre l’origine de la chutevertigineuse du chiffre d’affaires : les stocks sont au plus bas. Ni matières premières, ni produitsfabriqués, ni articles d’importation. Pourtant, comme nos sources nous le confirment, lesdisponibilités abondent en fin 2015. Il est bien clair à ce moment que la clé du redressement estsimple : acheter des matières premières et marchandises, produire, vendre. C’est tout. Mais,manifestement le tandem vise un autre objectif. Le tribunal se garde de désigner un expert quin’aurait aucun mal à relever tout cela.
Élément non moins troublant : on a aussi du mal à admettre que la gérante de la Sarl, se trouvantà la barre d’un navire dont l’organisation a fait ses preuves, s’arrange pour tout détricoter et sediriger résolument vers les falaises. On a même la fâcheuse impression que tout est mis en placepour rendre inévitable la catastrophe. On multiplie les points de vente qui se font concurrence.On immobilise la trésorerie par acquisitions inutiles d’immeubles. On fait des embauches decomplaisance. On approvisionne de façon sporadique les ateliers. On fait de lourdsinvestissements sans aucune étude prévisionnelle. On laisse disparaître le numéraire. Onalourdit les charges externes. Etc.
Deux fausses opportunités
Deux choses qui pourraient être apparaître positives viennent en réalité embrumer le tableau.La première, c’est qu’en mars 2015, la gérante reçoit le trophée de capitaine d’industrie. Cettedistinction est généralement accordée par « l’ensemble des acteurs économiques », AMPI(Association pour la promotion de l’industrie) logiquement en tête. Comme Josiane Capron estvice-présidente de cette l’AMPI, il paraît plus décent de faire appel à un intermédiaire comme laCCIM. Mais l’orgueil fait que sur la photo souvenir, l’heureuse capitaine est entourée de ses amisdu bureau. Si on peut considérer le saccage d’entreprise industrielle comme un grand exploit,elle n’aura pas volé son grade. Grand bravo à Pierre, Richard et Manuel, qui ont encouragécomme il se doit ce bel exemple de désindustrialisation !
Mais ce qui ressemble à une simple coquetterie, ou au pire à une imposture, joue un rôle dont les capit maîtres d’oeuvre – on espère quand même – ne se doutent pas : quelques mois plus tard, leTribunal de grande instance se fondera sur cette preuve de compétence pour accorder à lacapitaine, l’attribution préférentielle des parts sociales restées dans l’indivision. En mêmetemps, grâce à la mystérieuse mise en redressement, la valeur de ces parts s’effondrera. Jolicoup. Moralité : « Tifi tala ni vis pasé an lizin » disait le père. Bien vu l’ancêtre.L’autre occurrence pourrait passer inaperçue dans la mesure où il n’y a que péché par omission,par nature moins voyant que les autres. Quand on sait que l’administrateur judiciaire Miroite estun éminent membre du CIP (Centre d’Informations sur la Prévention des difficultés desentreprises), sa désignation à la tête de la Sarl pourrait apparaître comme une chance inespérée.En effet, la saisine de cet organisme était tout indiquée pour fournir d’utiles conseils à unadministrateur subitement propulsé industriel, quoi qu’à sa demande, dans un domaine dontson ignorance est sidérante. Des collègues auraient certainement eu le bon sens élémentaire delui suggérer d’éviter de laisser aux commandes une personne ayant fait preuve de si peu dequalités en matière de management. Il s’en garde bien, se contentant de suivre à la lettre le plande sa préférée : les licenciements, en visant prioritairement les indésirables de la production etpréservant les favoris grassement payés.
Navrantes perspectives, encore évitables
La fin de l’histoire ne s’annonce donc pas bien pour tous. La charrette de 10 licenciés risque den’être ni la dernière, ni la plus chargée. La raison de cette issue évitable est simple : La cogérantechargée de l’anti-redressement n’a qu’une idée en tête : se débarrasser de l’usine qu’elle ressentcomme le mal absolu. En puis, on y trouve d’anciens employés témoins de turpitudesembarrassantes. Elle a frappé un grand coup il y a quelque cinq années, en supprimantsimultanément les postes clé de Directeur technique et de responsable de production. Elle vientde réussir un beau doublé en licenciant la secrétaire de production tout en obtenant la tête ducogérant trop acharné au réamorçage de la production ; et devenant trop curieux aussi… Danscet ultime sans faute, Miroite a suivi ses consignes comme un vrai soldat de la faillite.
Remarquons en passant qu’il prend quand même goût à l’aventure industrielle en lançant demodestes commandes réalisées à l’atelier, avec de la main d’oeuvre extérieure sans souci desécurité. Curieux quand même…Non ?
Les chiffres dont nous avons eu connaissance montrent clairement que le moteur duredressement se trouve à l’usine, avec de puissantes potentialités en dépit des sabotagesrépétés. Encore faut-il que les responsables à tous niveaux ouvrent les yeux, fassent unindispensable double-clic sur « cerveau », et prennent les mesures adéquates. Ce qui n’est pasgagné comme le montrent les épisodes précédents avec les jugements toujours miroitementprononcés.
Il n’est pas besoin d’être grand mercaticien pour comprendre que si elle se positionne sur uneactivité uniquement commerciale, la Sarl est morte et tous les salariés restants, dans la rue. Cequi est peut être l’objectif du clan des pwofiteurs, prêts pour les enchères.
À bon entendeur salut !
Fort-de-France le 22/09/2016
Félix Relautte