Jeudi 19 avril 2018 à 20 h. Tropiques-Atrium.
— Présentation par le metteur en scène, Rachid Akbal —
Une journaliste mène l’enquête pour découvrir l’identité de migrants perdus en mer alors qu’ils tentaient la traversée vers Lampédusa. Elle part à la rencontre d’Hatem, un artiste qui vit en retrait de la société, au bord d’une plage. Pour dépasser sa colère face à l’indifférence générale, il créé, à partir d’objets rejetés par la mer, des œuvres pour bousculer et interroger les consciences.
Nous découvrons alors un groupe de migrants déjà morts mais toujours en quête de passage. Dans un espace saturé de vêtements, manipulé à vue par Hatem, sorte de marionnettiste-illusionniste de cette histoire, ces âmes en peine veulent continuer leur voyage à tout prix. Pour cela, elles utilisent un nouveau procédé pour passer les frontières : le catapultage.
Avec un humour décapant, une énergie communicative et une langue chatoyante, Rivages, invite à décentrer les regards sur les migrations : au-delà d’une même humanité c’est avant tout d’une existence commune dont il faut prendre acte.
Pourquoi un spectacle sur les migrants ?
Aujourd’hui l’actualité rattrape et dépasse tous les récits qu’on a pu écrire sur cette question.
Devant le chaos des bouleversements (armés, économiques, écologiques…) qui n’en finissent plus depuis des années, jetant sur les routes des milliers de personnes, les états européens agitent les bras afin de calmer les craintes de leur opinion publique, sans réussir à apporter de réponse satisfaisante. Les peurs s’étendent, les portes se referment, les murs s’élèvent.
L’ampleur des morts, lors de la traversée des déserts ou de la mer Méditerranée, interpelle notre conscience, notre humanité. On est d’autant plus touché que nous vivons maintenant ces drames en direct : dans ce monde où l’image domine, les migrants se filment eux-mêmes et certains reporters (Fabrizio Gatti, Olivier Jobard…) n’hésitent pas à prendre des risques incroyables pour témoigner des réalités que vivent les candidats à l’exil dans leurs parcours. Mais ces enquêtes en immersion se heurtent aux réalités de production. Le public cathodique est friand de ces reportages émouvants. Du monde de l’information on glisse vers le monde du sensationnel.
Comment faire une œuvre scénique avec une telle matière ?
Comment écrire une histoire sans tomber dans le sensationnel, comment éviter l’indécence de s’emparer d’un tel sujet ?
Comment décrire la construction de l’information devenue objet/spectacle ?
Quelle est la place des journalistes dans ce grand jeu médiatique ?
Comment informer, comment témoigner et sauvegarder son intégrité ?
Et surtout comment donner corps à ces hommes et ces femmes devenus des images ?
Comment traiter des espoirs mais aussi de la résignation des migrants ?
Comment construire une identité entre ces deux mondes ?
De la réalité à la fable
Rivages est d’abord le résultat d’une réflexion menée de longue date sur l’exil. C’est aussi le fruit d’un processus initié en 2014 avec la réécriture de L’Odyssée. Premier texte littéraire sur l’exil, Ulysse et ses compagnons sont les premiers naufragés de la mer Méditerranée. Ce travail sur l’Odyssée m’a amené à poser un regard sur le drame des migrants d’aujourd’hui.
C’est ainsi que j’ai écrit un long texte mêlant récits de vie et fiction, pour le festival Hybrides de Montpellier. Je racontais le périple de migrants quittant la Syrie, l’Erythrée et la Tunisie, et qui se retrouvaient sur la côte libyenne juste avant leur départ pour Lampedusa. Dans ce récit, il y avait, sur l’île italienne, un chien appelé Argos qui rapportait les objets rejetés par la mer et qui les enterrait dans un jardin.
Depuis, j’ai entendu, dans une émission sur France Culture, l’interview d’un homme, Morsen Lihideb, qui ramasse les objets des disparus en mer rejetés sur les plages. Le reportage de Martine Abat pour France Culture m’a offert un point de départ pour Rivages.
Le texte que j’ai écrit nous emmène dans l’univers mental de Hatem qui fait glisser les spectateurs de son imaginaire sur la vie des migrants vers un lieu de mémoire où vivent les disparus. Les aller-retours entre le réel et la fable forment alors un puzzle, l’un nourrissant l’autre sans que l’on ne sache plus d’où cela est parti. Ce mouvement donne une direction à l’écriture.
Est-ce que toute cette histoire est dans la tête d’Hatem ou bien la journaliste crée-t-elle une fiction pour échapper à la réalité ?
Voici les premiers éléments de discussion que j’ai eus avec l’équipe. Le parcours des comédiens et de l’équipe artistique donnent des indications sur la direction future que je compte emprunter avec eux.
Les glissements successifs de la réalité à la fable, du réel à l’imaginaire, ce mouvement permanent qui est quelquefois inscrit à l’intérieur même des scènes, va imprimer, que ce soit dans le jeu ou dans la scénographie, des renversements brutaux.
Ainsi dans les registres, on passe du jeu très naturel de l’interview à la farce, l’humour et la dérision, du texte très écrit à un texte très parlé, du drame à la comédie, d’un jeu tout en retenue à un jeu physique à limite de la chorégraphie.
Et puis il y a la question de l’adresse au public qu’il faudra traiter, j’ai écrit ces moments pour créer une forme de jeu en miroir afin que les personnages prennent le temps, une respiration, et s’interrogent à haute voix avant de repartir ou de basculer vers l’inconnu.
La scénographie sera constituée d’éléments plus que qu’un décor, des éléments qu’on va bouger ou qui vont bouger. Ces circulations vont créer en permanence des espaces comme si les personnages avaient besoin d’une limite, eux qui sont à la recherche d’un infini. Et il y a la mer à représenter, cette poubelle, réceptacle de tous nos gâchis, qui est, en même temps, génératrice d’une grande énergie vitale.
La lumière va évidemment jouer un rôle très important dans cette fable, d’autant plus que le décor sera constitué essentiellement d’éléments et de matière qu’elle saura modifier, elle pourra ainsi accentuer l’illusion générale que nous voulons créer.
La musique et/ou la bande son devra traduire poétiquement et/ou crûment les intentions que j’ai distillées tout le long du texte, mais aussi imposer sa partition indépendamment du texte et du jeu, comme si elle n’appartenait pas vraiment au drame qui se joue devant nos yeux.
Quant aux costumes, pas de misérabilisme, pas de réalisme, et pourtant des lignes très soignées, quelque chose qui apportera de la légèreté aux corps lourds en mouvement, comme des ombres qui refusent de disparaître.
Rachid Akbal
Inspiré du personnage de Mohsen Lihideb qui collecte des milliers d’objets ramenés par la mer, Rivages met en scène l’interview d’Hatem, le jardinier de la mer, par une journaliste en quête d’un reportage sur les migrants. Mais la fable s’invite dans la réalité : ces hommes et femmes venus de partout sont-ils des âmes errantes sorties de l’imagination d’Hatem ou des personnages réels ?
Avec une langue vibrante qui manie l’humour et la poésie, ces hommes et ces femmes affirment leur soif de liberté et leur droit de circuler. Ils dessinent la carte d’un monde pluriel et polyphonique. « Rivages » est aussi le fruit d’un processus initié en 2014 avec la réécriture de L’Odyssée. Premier texte littéraire sur l’exil, Ulysse et ses compagnons sont les premiers naufragés de la Méditerranée… »
Rachid Akba
Scolaires les 18 & 19 à 9 h30
Conception & Mise en scène : Rachid Akbal
Collaboration à la mise en scène : Camille Behr
Avec : Marcel Mankita, Christine Guenon, Abdon Fortuné, Rachid Akbal, Teddy Bogaert & Mathieu Duval (sous réserve de modification)
Scénographie : Blandine Vieillot
Création & Régie lumière : Hervé Bontemps
Création son & Régie générale : Clément Roussillat
Costumes : Fabienne Desfleches
Formé à Paris, il crée en 1992 la Cie Le Temps de Vivre. Conteur, comédien et metteur en scène kabyle, il propose un théâtre hybride où la narration tient une place centrale. Témoin de son époque, il n’a cessé d’écrire et de raconter des histoires vécues par les algériens en France pendant la Guerre d’Algérie jusqu’aux récentes révolutions arabes. De Rachid Akbal Cie Le Temps de Vivre rivages Production : Compagnie Le Temps de Vivre
Coproduction : L’Avant Seine / Théâtre de Colombes (92) & Tropiques Atrium Scène nationale
Avec le soutien de la DRAC d’Île-de-France, Ministère de la culture et de la communication dans le cadre de l’aide à la production dramatique
Spectacle créé en résidence au Collectif 12 à Mantes-la-Jolie, à La Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée, à la salle Jacques Brel de Champs-sur-Marne et à l’Espace 89 de Villeneuve-la-Garenne
Avec le soutien du Fonds d’Insertion pour Jeunes Comédiensde l’ESAD – PSPBB et de La Maison des métallos.
Avec l’aide du Tarmac – La scène internationale francophone
Spectacle accompagné par le collectif À Mots Découverts
Le Temps de Vivre est conventionnée par la Région Île-de-France au titre de la permanence artistique, par la ville de Colombes et subventionnée par le Conseil départemental des Hauts-de-Seine