— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Le niveau de l’inflation actuellement très élevé en Guadeloupe et Martinique met à l’épreuve les comptes en banques des ménages, les entreprises locales sont confrontées à des incertitudes massives, et ce d’autant que les perspectives économiques de la zone euro sont sombres. La probabilité d’une récession – deux trimestres de suite de contraction de l’activité – augmente en Europe. Et puis, L’euro est retombé sous la parité avec le dollar américain pour la première fois depuis la mi-juillet, conséquence de la vigueur du billet vert et des craintes de récession dans la zone euro..La fin de l’année 2022 s’annonce difficile pour les économies européennes et la France ne fait en aucun cas figure d’exception. A brève échéance, revenir à la règle des 3 % maximum de déficit budgétaire, pour la France, comme le demande instamment les autorités européennes de Bruxelles, c’est au bas mot l’exigence d’une économie sur le budget de l’État de 80 milliards d’euros sur 2 ans. Une équation impossible à satisfaire sans une politique très dure d’austérité pour la France hexagonale et particulièrement aussi pour la Guadeloupe et la Martinique.
Avec toutes les caractéristiques de la crise inflationniste actuelle se rajoutera la diminution drastique de la dépense publique, des coupes budgétaires dans tous les services publics ( notamment le social et la santé ), l’asphyxie financière des collectivités locales avec la baisse prévisible des dotations et autres subventions à l’économie, l’augmentation exponentielle des impôts locaux et taxes diverses, l’effondrement des prix de l’immobilier et de la valeur locative des maisons, et les restrictions sur les libertés fondamentales…etc
L’inquiétude des français quant à l’avenir reste forte. La courbe est très similaire au jugement porté sur le passé. 86 % de la population estime que la pauvreté va croître dans les cinq prochaines années (donnée 2021). Ce chiffre a progressé durant la décennie 2000 de 60 % à plus de 80 %. Ni la reprise de l’emploi constatée entre 2016 et 2022, ni les politiques publiques mises en œuvre ne sont assez fortes pour entraîner un changement d’appréciation des économistes sur la prochaine apparition d’une crise économique et sociale majeure de la société française.
Pour contrecarrer ce mauvais scénario de crise et endiguer une crise sociale d’ampleur, le gouvernement veut relancer la machine économique de la France en tentant de s’appuyer sur la croissance et le plein-emploi, pour réduire le déficit budgétaire et la dette de presque 3000 milliards de la France. Pour ce faire, il envisage des coupes claires dans les dépenses de l’État et des collectivités locales, pour revenir à un relatif équilibre des comptes de la Nation.. L’ambition est immense et louable, mais à notre avis, ces objectifs sont impossibles à atteindre, car en 2023, selon mes prévisions et celles de certains experts économiques, la croissance sera nulle voire même négative, et le chômage devrait repartir très fort à la hausse. On nous endors avec des chimères. La réalité c’est qu’il faudra nécessairement engager des réformes douloureuses de l’assurance chômage, de l’éducation nationale, de la politique migratoire, du système de santé, du code du travail, et des retraites. Tout cela fleure bon la vague de colère sociale.
Oui, n’en doutons pas , au train où vont les choses, le gaz, l’électricité, le prix des courses, les carburants, tout est aujourd’hui difficile à financer, et le pire c’est pour demain. Toujours plus d’inflation, un budget contesté par des hausses de prix incessantes, et un risque réel de récession en France : les nuages peuvent s’amonceller dangereusement sur l’économie de la Guadeloupe et Martinique.
Déjà les économistes s’alarment très fortement pour l’activité du quatrième trimestre et n’excluent pas une récession en France. Si cette prévision venait à se manifester dans les semaines et mois qui viennent, alors la Guadeloupe ne sera pas épargnée par les effets de cette récession économique dans l’hexagone. Déjà, l’on peut constater les dégâts causés à l’économie de la Guadeloupe par la poussée inflationniste actuelle. Le prix de toutes les matières premières, grimpe actuellement. Le baril de Brent en fait de même, le coût du carburant va au dernier trimestre de l’année 2022 flirter avec des records et les cours du gaz et de l’électricité poursuivent leur ascension. Tout cela fait augmenter les frais de fabrication des produits alimentaires ou non alimentaires sur le marché local. Dans la mesure où l’explosion des tarifs de l’énergie et des matières premières aggrave une situation déjà délicate, il est important pour les Guadeloupéens de connaître les causes et les conséquences d’une inflation qui accélère. En effet, les prix des produits manufacturés ( voitures, gros et petits électroménagers, meubles, téléphones, télévisions, ordinateurs, Etc….), des alcools, des transports, de la facture d’électricité et gaz connaissent et vont bientôt encore connaître de fortes accélérations au niveau augmentation des prix. Et donc tout cela va mécaniquement alimenter une nouvelle spirale inflationniste, qui sera directement responsable d’une hausse insupportable du coût de la vie…
Quels sont les conséquences de la récession pour la France et plus particulièrement pour la Guadeloupe ainsi que pour la Martinique ?
La première conséquence directe et de taille est que de nombreuses entreprises, si elles ne sont pas aidées, font faillite en raison de leur incapacité à s’adapter au climat économique et à cause de la baisse de la production. Ce qui provoque alors la suppression d’emplois et une hausse du chômage.
La récession entraîne mécaniquement une hausse du taux de chômage. Les pertes d’emplois riment avec une perte de revenu pour les individus et une diminution des dépenses, donc un net recul de la consommation qui est un facteur important en Guadeloupe de la croissance économique mesurée par le produit intérieur brut ( PIB). La croissance des entreprises ralentit, ou devient même négative dans certains cas… D’où des faillites en série des entreprises les plus impactées par la crise. Les consommateurs sont de ce fait portés à suspendre leurs dépenses. Par ailleurs, une crise financière risque de survenir dans la zone euro avec l’augmentation exponentielle du coût de la dette et de la dérive des déficits budgétaires des Etats et provoquer ainsi logiquement une chute des cours boursiers. De plus, les banques qui seront contraintes de réagir à cette crise financière vont opérer encore de plus fortes restrictions sur la demande de crédit. Aujourd’hui déjà, la remontée des taux bancaires permet difficilement d’obtenir un prêt bancaire. Que les personnes aient des revenus modestes ou élevés, elles sont confrontées au taux d’usure. Près de 45% des acquéreurs de biens immobiliers ne peuvent pas obtenir un accord de financement (ce fameux sésame pour les primo – accédant à la propriété ), car les dossiers de demande de prêt sont en majorité rejetés par les banques.
Même au niveau de la politique de distribution du crédit à la consommation par les organismes de crédit, les choses vont se durcir avec une flambée prévisible des incidents de paiement. Aujourd’hui déjà, l’on note d’après les informations du journal économique les Échos que les incidents bancaires étaient en forte hausse en juillet dernier, en raison notamment de l’inflation. Les retraits de carte bancaire (9000 ) et les inscriptions au fichier national des incidents de paiement ont augmenté de près de 30% par rapport à juillet 2021. Une nouvelle preuve que la santé des ménages se fragilise. Mais plus grave encore, ce sont les guerres commerciales qui peuvent se déclarer à l’échelle mondiale, et qui vont accélérer la démondialisation avec son lot de mesures protectionnistes. C’est là, dans ce contexte que l’on doit également s’attendre à une forte réduction des dépenses publiques de l’État français, avec bien entendu des répercussions à attendre sur le volume des transferts publics en direction de la Guadeloupe et de l’ensemble des régions et collectivités d’outre-mer.
De même, qu’une perturbation soudaine de l’offre ou de la demande des produits de base comme le pétrole, le gaz, les produits alimentaires, risque de faire encore plus exploser les prix. Une récession peut toucher tout le monde, les riches comme les pauvres. Certains vont peut-être perdre leur emploi en raison de la faillite de leur entreprise. D’autres vont subir une lourde perte de revenu à la suite de l’accélération de la poussée inflationniste. Beaucoup de gens qui se croyait à l’abri du besoin vont bientôt être surpris par le retournement de conjoncture économique et sociale. Dans tous les cas de figures, la pauvreté et l’insécurité vont très sensiblement progresser en France hexagonale et en Guadeloupe comme en Martinique. La classe moyenne va perdre beaucoup en pouvoir d’achat et va connaître une importante paupérisation. Pour beaucoup de gens, il va être très difficile de payer les factures ou de mettre de l’argent de côté. Certains risquent de s’endetter pour effectuer les paiements nécessaires. En outre, le ralentissement des marchés financiers peut avoir des répercussions sur les placements de l’épargne. En somme, beaucoup d’éléments d’inquiétudes en perspectives pour les français de l’hexagone et des Antilles. Gardons toutefois espoir car « Un oiseau perché sur un arbre n’a jamais peur que la branche casse parce que sa confiance n’est pas dans la branche, mais dans ses propres ailes. »
Moralité, face à cette situation stressante et grandissante d’incertitude pour l’avenir du fait de cette très possible crise aiguë, l’on peut sans conteste affirmer aujourd’hui que : « le pouvoir n’appartient plus à celui qui détient l’information, mais à celui qui sait la traiter et l’utiliser ».