— Par Roland Sabra —
Au théâtre A. Césaire de Foyal, la dernière pièce de la saison très en deçà des attentes.
Une bonne idée, même chevillée au corps ne suffit pas à faire un bon spectacle. « Rideau! » en fait la démonstration. Le travail de Gladys Arnaud sur un texte de Laurent Bernat, aussi intéressant soit-il manque un peu de souffle. Ce qui est un comble pour un opus qui se situe entre chant et théâtre.
Restée, pendant la représentation, dans la loge de théâtre d’une célèbre chanteuse de boléro, son habilleuse laisse se dérouler de façon rétrospective le fil des circonstances et des sentiments qui l’ont conduit à renoncer à sa propre carrière pour s’attacher corps et âme à l’artiste. Sujet magnifique qui convoque une myriade de sentiments contradictoires; admiration, partage , dévouement, amour, sacrifice, haine, rancœur et jalousie. « Elle », c’est le nom de l’habilleuse, fredonne les airs de boléros, les chante, se glisse dans les habits de scène, s’imagine prendre la place de la vedette et donc inconsciemment l’éliminer, peu avant que celle-ci ne soit victime d’un malaise sur scène.
La déception tient à la mise en scène. Les boléros admirablement chantés, notamment le célébrissime « Besame mucho » de Consuuelo Velasquez sur un tempo lent, ont été enregistrés en studio. Les arrangements musicaux d’Yves Petit, ont fait l’objet d’un soin particulier. Mais c’est la bande son que l’on entend pendant le spectacle pour figurer le tour de chant de l’artiste. La voix de Gladys Arnaud est donc celle de la chanteuse et celle de l’habilleuse. Play-back en abîme, artifice technique qui permet à l’habilleuse de soliloquer, de parler, et de chanter sur les mêmes airs que la vedette. Le neurone bifide qui sert de cerveau au critique a eu bien du mal à suivre et le boléro et les paroles de l’habilleuse, les deux propos se parasitant mutuellement. Parti pris de mise en scène qui passe à côté d’une comédie ou un drame musical et qui brise le rythme de la pièce déjà alourdi par la volonté de convoquer la réalité sur scène, en oubliant que s’il y a une réalité du théâtre le théâtre n’est pas la réalité. Par exemple l’habillage du mannequin de couture avec une robe de soirée, oblige Gladys Arnaud à un long moment de silence, dos tourné vers la salle. L’épisode où elle revêt derrière un paravent et en silence la-dite robe semble interminable. Les trop nombreuses sorties de scène côté jardin, vers l’endroit supposé ou se trouve l’artiste, créent un vide et une retombée de l’attention. Enfin le texte très universitaire dans sa facture, privilégie l’analyse et la réflexion introspective au détriment du surgissement des émotions. « Elle » parle comme dans les revues. Discours intellectualisé, marqué par de longs moments réflexifs, qui instaure une distance entre « Elle » et « Elle », certes, mais aussi, et c’est beaucoup plus regrettable, entre la scène et le spectateur qui demeure dans un éloignement que ne justifie pas la thématique présentée.
Encore une fois les réels talents de Gladys Arnaud ne sont pas en cause, il lui a manqué le regard distancié d’un metteur en scène sensible à faire émerger la dramaturgie de la pièce. Rudy Silaire, pressenti au moment de la signature n’est pas allé jusqu’au bout du voyage. Le travail qui se situe pour l’instant dans un entre-deux un peu bancal semble n’être que l’ébauche de l’esquisse d’une ambition inaboutie et pourtant riche de possibilités. On notera un beau travail de création de lumières réalisé par Marc-Olivier René.
A suivre donc…
Fort-de-France, le 13 juin 2014
R.S.
Rideau !
Texte de Laurent BERNAT
D’après une idée originale de Gladys ARNAUD
Collaboration Artistique : Mylène WAGRAM
Collaboration Musicale et Arrangements : Yves PETIT
Création et Conception Affiche : Éléonore d’AVOUT
Photo : Juan-Pablo SARMIENTO BLUN
Création Lumière : Marc-Olivier RENÉ
Interprétation et Mise en Scène : Gladys ARNAUD
Production : « LAS TABLAS »
Jeudi 12 – Vendredi 13 – Samedi 14 Juin 2014 à 19H30
THÉÂTRE AIMÉ CÉSAIRE
Rue Victor Sévère – 97200 FORT DE FRANCE
Réservations au 05 96 59 43 29