— Jean-Marie Nol, économiste —
L’intelligence artificielle commence à intéresser les chefs d’entreprises de Guadeloupe. Les entreprises ont maintenant compris que l’IA allait changer leur modèle économique, et que si elles ne s’y mettaient pas elles seraient dépassées par la concurrence, et que c’est leur existence même qui est en cause dans la décennie actuelle. restera à en apprécier l’ampleur de la mutation sociologique en Guadeloupe et ses conséquences dans ce contexte de totale incertitude que la 15e édition des journées du monde économique débute le 1er février. Les enjeux et les opportunités du numérique et de l’intelligence artificielle seront au cœur de cet évènement. Ce rendez-vous organisé par l’ordre des experts-comptables, de la compagnie régionale des commissaires aux comptes et en partenariat avec la Région est ouvert à tous les acteurs du tissu économique. Destinées aux entreprises comme aux associations, ces journées du monde économiques ont pour objectif de donner des clés à tous pour mieux anticiper les changements actuels. Les chefs d’entreprises et les experts comptables sont intéressés, voire préoccupés par l’IA. Malgré les vents contraires du contexte économique actuel, les dirigeants d’entreprises Guadeloupéenne commence à ressentir le danger et font aujourd’hui preuve d’un pragmatisme et d’une agilité qui leur permettront de préserver et renforcer la rentabilité de leur entreprise à moyen terme.
Les impacts sont nombreux et on ne les maîtrise sans doute pas tous, aussi avec les journées de l’entreprise, il s’agit d’expliciter l’intelligence artificielle, ses domaines d’application et ses avantages. Pour ces organisateurs, l’IA est une façon augmentée de travailler ; elle va se matérialiser par une montée en puissance de changement dans l’organisation des entreprises. Contrairement à ce qu’on dit souvent, notre société Guadeloupéenne n’est pas encore en crise ou sur le déclin moral comme la France hexagonale, mais elle connaît d’ores et déjà une mutation profonde et durable. Entre 1946 et 2024, la société antillaise est soumise à de profonds bouleversements. L’amélioration globale des conditions de vie et la conquête de nouveaux droits sociaux et politiques font de la seconde moitié du XXe siècle une période d’évolutions majeures et d’aspirations nouvelles pour l’ensemble de la société, que l’on a rétrospectivement qualifiée de « départementalisation heureuse ». Cette expression passe cependant sous silence les difficultés et les luttes, parfois violentes, des Guadeloupéens.
Les permanences sociales et économiques sont nombreuses et la société Guadeloupéenne reste encore très inégalitaire : les moyens financiers, l’origine sociale ou géographique ainsi que le genre déterminent largement les conditions de vie et les perspectives de la population.La Guadeloupe a changé de visage entre 1946 et nos jours. Le mot clé pour comprendre cette période est la modernisation qui a touché en profondeur l’économie et la société. Cette transformation concerne aujourd’hui tous les secteurs d’activités. Elle remet en cause le modèle économique et social hérité de la départementalisation et bientôt sera susceptible de briser les situations établies du fait de l’émergence de nouveaux intervenants tirant parti de leur excellente maîtrise des technologies, de la data comme le numérique, la digitalisation, la robotisation et l’intelligence artificielle qui sont autant de traces d’une lame de fond résolument à l’œuvre. D’abord et avant toute chose, rappelons qu’un immobilisme sur cette problématique de la révolution technologique pourrait entraîner des réactions en chaîne de caractères émotionnelles brutale ou épidermique, parfois légitime, et souvent observée en Guadeloupe, ce qui serait absolument contre-productive. A ce propos, il serait bon que les chefs d’entreprises de Guadeloupe s’interroge sur « la révolte des canuts » lors de la première révolution industrielle. Ainsi, une utilisation intensive de l’IA peut amener à une obsolescence des compétences des collaborateurs que l’on n’estimera ne plus avoir besoin de former. De plus, c’est dans l’exécution de certaines de ces tâches que les collaborateurs se forgent leur expérience et acquièrent leurs savoir-faire professionnels.
Créer une rupture dans les processus d’apprentissage en entreprise aura indéniablement des conséquences négatives comme lors de l’épisode sanglant de la révolte des canuts. ( La révolte des canuts désigne plusieurs soulèvements ouvriers ayant lieu à Lyon, en France, en 1831 puis 1834 et 1848. Il s’agit de l’une des grandes insurrections sociales du début de l’ère de la grande industrie. Dans les années 1830, Lyon fait figure de ville pionnière pour les révoltes ouvrières. La commune de la Croix-Rousse est alors peuplée d’ouvriers et d’artisans, fabriquant notamment de la soie, surnommés les canuts. Leur révolte est précédée, entre autres en 1819, d’émeutes écrasées par l’armée à Vienne, lors de l’introduction de nouvelles machines à tondre les draps : les ouvriers du textile brisent les nouvelles machines à tisser, à l’image du métier Jacquard inventé par Jacquard, car ils considèrent que ces machines les concurrencent et les privent de leur gagne-pain.).
Le phénomène de déstructuration qu’est le numérique et la digitalisation est à prendre très au sérieux, car cela va peu à peu modifier profondément le modèle professionnel et économique des organisations publiques et privées en Guadeloupe : des services nouveaux ou améliorés ont déjà vu le jour, favorisant la qualité des prestations, même si cela n’est pas exempte de dangers (cyberattaques, hyperconnexion, archipellisation de la société, comportements narcissiques et hyperindividualistes, refroidissement des rapports sociaux et humains, appauvrissement des raisonnements, perte de capacité de concentration et comportements de zapping, etc.).Et quand ce n’est pas la réglementation, c’est le changement climatique ou technologique qui oblige les pays, individus, les organisations publiques, les entreprises, à repenser leur modèle économique et social.
Aujourd’hui, le digital a envahi l’ensemble des fonctions de l’entreprise et oblige de repenser et de redéfinir la place de l’humain dans le dispositif d’ensemble. Il apparaît comme un accélérateur des performances techniques, organisationnelles et économiques de l’homme, avec pour effet notable de modifier les caractéristiques et structures de la société Antillaise. Le risque est cependant prégnant avec des conséquences inévitables d’un nouveau paradigme qui seront une insatisfaction et une démotivation des ouvriers et employés. Et dès aujourd’hui, l’on note une subite accélération dans les transformations sociétales, et ce même si depuis vingt ans, la société se transforme en profondeur dans les tréfonds de ses sous-bassements. Plus complexe, plus fragile, elle est aussi plus difficile à déchiffrer. Pour comprendre cela, il faut prendre du recul et voir pourquoi les crises surgissent ainsi.
Les réflexions et les actes des hommes sont liés à la révolution technologique. L’intelligence artificielle (IA) est un processus d’imitation de l’intelligence humaine qui repose sur la création et l’application d’algorithmes exécutés dans un environnement informatique dynamique. Son but est de permettre à des ordinateurs de penser et d’agir comme des êtres humains. Demain la quasi totalité des managers, des entrepreneur, des dirigeants d’entreprises devront être des leader capables de maîtriser les enjeux de l’intelligence artificielle. 80% des processus de travail utiliseront de l’intelligence artificielle d’ici 2030. 60% des métiers qui seront exercés en 2030 n’existent pas encore.De cette révolution-là découle toutes les autres mutations sociétales. Difficile, aujourd’hui, d’imaginer un monde personnel et professionnel sans IA, tant son essor bouleverse la vie de l’entreprise et de ses acteurs. Le manager chef d’entreprise n’échappe pas à ces transformations. Comment peut-il s’emparer des technologies de l’IA pour continuer de rester compétitif et répondre aux défis qui sillonnent son quotidien ?
La conviction partagée de nombreux économistes est que la révolution technologique et écologique ainsi que les mutations de la société vont être un facteur important d’accélération des crises. De fait il convient de souligner que la quatrième révolution industrielle avec le numérique et l’intelligence artificielle a déjà revalorisé le rôle de la proximité et engagé les organisations à une plus grande humanisation de la gestion, avec de nouvelles formes d’organisation du travail et de vie au travail, et à une raison d’être et un modèle économique plus soucieux de la nature, du genre et de l’équité sociale pour répondre au renforcement de plusieurs grandes tendances sociétales. Mais tout cela est théoriquement en gestation. La crise va favoriser l’expérimentation accélérée de nouvelles pratiques organisationnelles, et mettre au défi une culture managériale hiérarchique fondée en grande partie sur le management « Command and Control « qui évoque une véritable rupture avec le modèle organisationnel classique.
Après les débuts tonitruants de ChatGPT, la tech promet autant d’applications pratiques qu’elle soulèvera des questions éthiques et sociales pour les organisations syndicales. Mais néanmoins, tous les secteurs en Guadeloupe doivent s’en emparer sans plus attendre Avec des bienfaits notables et aussi des tendances inquiétantes au niveau de l’emploi. Mais, au-delà des considérations financières et de la crainte de la perte d’emplois, l’intégration de l’intelligence artificielle dans le monde du travail confronte aujourd’hui l’ensemble des guadeloupéens à une autre réalité incontournable : la nécessité d’un bond en avant en matière de formation et de compétences….restera à en apprécier l’ampleur de la formation des hommes qui devrait accompagner la mutation sociologique en Guadeloupe et ses conséquences sur l’emploi et la santé mentale.
Jean marie Nol économiste