— Par Max Dorléans pour le GRS —
C’est parce qu’il n’est pas question de toucher à l’actuelle répartition des richesses dans un sens défavorable aux nantis et aux plus puissants, que Macron et cie – après tous les gouvernements qui les ont précédés depuis une quarantaine d’années – poursuivent , sous couvert de sauver la Sécu, l’entreprise de démolition de cette institution fondamentale née en 1945 – et plus largement le système de protection sociale – ainsi que les autres acquis sociaux gagnés ultérieurement.
Une démarche qui n’a pas d’autre objectif que de privatiser la Sécu et la santé, pour leurs seuls intérêts financiers. Une démarche malheureusement en bonne voie, avec la diminution des cotisations sociales d’un côté, et le recours à l’épargne individuelle, c’est-à-dire aux assurances, banques et mutuelles de l’autre pour se garantir – ceux qui peuvent – une retraite satisfaisante.
Pourtant, malgré les retraites modestes servies par les régimes obligatoires de base, notre régime de retraites qui est un régime par répartition, dérange. Parce qu’il est fondé sur la solidarité, et que son admirable ambition, à savoir fournir légitimement à tous les retraité/es, une base de revenu leur permettant, après leur période de vie active, de vivre dignement, est inadmissible pour ces dominants. Parce que pour eux toujours, pouvoir vivre en toute indépendance, sur la base de nos propres moyens financiers constitués à partir de nos cotisations, sans le recours aux « complémentaires retraite » et autres fonds de pension est inacceptable. Parce que pour eux encore, n’être pas, comme cela arrive malheureusement quotidiennement à un nombre grandissant, dans des situations sociales où, ils/elles doivent faire appel à l’assistance, à la charité publique (minimum vieillesse) alors qu’ils/elles ont travaillé toute leur vie est impensable. Quand bien même c’est ce travail toute une vie durant, qui ouvre leur droit à la retraite, avec une pension dans la continuité du salaire.
Dès lors, il nous faut défendre aujourd’hui bec et ongles notre actuel système de retraite – déjà mis à mal par les précédentes contre-réformes de 1993, 2003 et 2010 sous Balladur, Fillon et Sarkozy – en informant autour de nous, et en montrant l’importance de l’enjeu.
Car l’enjeu en question, ce n’est pas la défense d’un système pour lui-même, mais bien la défense d’un système, pour les mêmes raisons qu’en 1945 en France, et 1947 chez nous. A savoir un clair refus de revenir à la même insécurité sociale qui prévalait jusqu’à cette période pour l’immense majorité, et dont un terme a été mis grâce à la création d’un rapport de forces qui a contraint les dominants à céder. A céder et à entendre, bien malgré eux, que nos vies passaient avant leurs profits. Ce qu’ils n’ont jamais accepté. Et ce qu’ils nous font payer de nos jours au prix fort après avoir repris la main, faute pour notre camp, d’avoir défendu notre institution avec la même ardeur mise en œuvre par ceux d’en haut pour leurs intérêts, et d’avoir accepté comme une fatalité de devoir « travailler plus » parce que l’on vit plus longtemps.
Pour autant, ceux d’en haut n’ont pas gagné la partie, même s’ils ont plusieurs longueurs d’avance sur nous. Et même s’il est bien vrai que l’actuelle Sécu n’est plus que le pâle reflet de ce qu’elle a été ; même si nos droits sociaux sont chaque jour davantage rognés, et qu’il nous faut, toujours plus, mettre la main à notre porte-monnaie, il faut contrer les Macron, Philippe, Buzyn et autres, malgré nos défaites d’hier.
Comme en 1945 et 1947, il nous faut défendre notre retraite assise sur la solidarité collective. Et ce n’est pas l’emploi des mots « universel » et « égalitaire » employés par Macron pour faire passer son projet sous forme soit de « comptes notionnels » soit de « système par points » qui devra être de nature à nous faire prendre « dlo mousach pou lèt ». Car dans les deux cas, ce qui va compter, ce sera l’épargne que l’on aura pu constituer (pour ceux qui le pourront), ou ce que l’état de la situation économique va permettre, en terme de valeur de point plus ou moins grande, lorsque l’on partira à la retraite.
Sans se projeter à demain, comment vivent aujourd’hui celles et ceux dont les retraites s’élèvent à 80, 156, 184, 204 € de pension mensuelle après des décennies de travail, souvent non déclaré ? Et, comment vivront demain, les jeunes et moins jeunes d’aujourd’hui, dont la vie active aura connu chômage, travail à temps partiel, salaires de misère ? Que feront les femmes aux carrières plus « heurtées » que les hommes, avec leurs salaires encore plus bas que ceux des hommes ?
Ne tournons pas autour du pot. Ce n’est pas dans l’acceptation des propositions de Macron que notre avenir réside. Tout au contraire. Indépendamment de nos exigences en matière de retraite (âge de départ, montant, solidarité entre générations avec la libération des postes de travail…), c’est dans une autre répartition des richesses que réside notre salut. S’en prendre aux profits de ceux qui vivent de l’exploitation de la majorité sociale est l’unique solution pour à la fois nos intérêts immédiats que ceux des générations à venir. C’est ce qu’il faut dire et chercher à faire, pour que la dernière tranche de vie ne soit pas synonyme de misère humaine et sociale sans bornes.
Max Dorléans (GRS)