— Interview d’Alexandre Zeff par Dominique Daeschler —
Retour sur Jaz. La Camara Oscura.
Rendez vous au Jardin de Mons où se déroulent les rencontres De RFI avec le jeune metteur en scène de Jaz. Ce qui frappe de suite c’est son calme, son écoute et …son sourire.
DD Peut-on faire un petit flash back sur votre parcours ? (premier sourire)
AZ j’ai fait le CNSAD comme acteur. J’ai d’abord monté deux pièces de Pinter (Célébration et le Monte Plats puis je suis passé au court métrage (trois en 2013), puis au long métrage. Ensuite j’ai empoigné les textes de Lars Norén et Jon Fosse.
DD Et Koffi Kwahulé ?
AZ C’est un parcours sur trois textes. J’ai mis en scène Big Shoot l’an dernier. Pour moi Jaz en est le deuxième Volet. Après je terminerai avec Blues cat.
DD Qu’est ce qui vous a amené à faire un tour dans l’écriture de Koffi Kwahulé ?
DD Bien sûr le lien avec la musique puisque Koffi se définit comme le jazzman de l’écriture. DD Comment ce mariage s’organise ?
AZ La musique a été écrite en jeu avec le texte. Pas de répétitions séparées mais trois semaines ensemble ce qui est exceptionnel.
DD C’est sans doute pour cela qu’il ya fusion et qu’on aboutit à une parole unique. Le texte de Koffi est fort et est écrit avec des images une dramaturgie qui permet plusieurs lectures.
AZ C’est ce qui m’a intéressé. Pour moi on est un peu dans l’univers de David Lynch.
DD Cela veut dire que le spectateur a plus de liberté, qu’il peut choisir sa version, inventer sa fin ?
AZ J’aime que le spectateur soit actif. Les textes de Koffi s’adressent au citoyen, le poussent à avoir un avis, à prendre parti.
DD Et la liberté du metteur en scène ?
AZ Ah le respect du texte et son dépassement ! C’est une écriture qui impressionne, qui imprime des images. Comment ne pas tenir compte de l’image récurrente du Christ ? La mise en croix de Jaz, le texte est écrit sur le papier en croix. La scénographie (immenses grilles de chantier pouvant servir de clôture, construire des modules (qui évoque un univers carcéral est aussi un point de vue dramaturgique.
DD D’autres projets ?
AZ Oui Blues cat comme dit plus haut et très proche un départ en Estonie pour monter une pièce nommée Big Data (dernier sourire).
(Dans le cadre des rencontres de Rfi « Ca va ça va le monde !», en lecture, un texte de Koffi Kawhulé Kalakuta Dream inspiré par la vie de Fela Kuti créateur de l’afro beat, interroge l’engagement de l’artiste.
Le dîner. 0’Brother Company.
Une adaptation d’un épisode du roman Cendrillon d’Eric Reinhardt constitue la trame de ce dîner. Mr Trockel invite son directeur et sa femme pour célébrer sa promotion dans l’entreprise : il s’agit d’être au top, repas gastronomique, décoration, voiture. Rien ne se déroule comme prévu et on coure au fiasco car le naturel revient au galop surtout après un abus de Bordeaux !
Mis en scène et interprété dans l’énergie du boulevard, on est d’abord surpris par le traitement de l’écriture puis séduit. En effet la mécanique du boulevard, gardée dans son rythme et ses rebondissements, galvanise le pamphlet, démontant le moteur d’une société contemporaine libérale basée sur l’argent, la réussite, la consommation. L’intelligence est de supprimer totalement l’environnement : objets et décor servant de faire valoir, pour laisser le verbe envahir la scène porté par le jeu des acteurs. On joue à nu et sans garde fou avec des clins d’œil cinglants : table de camping, chips… Et le détournement fonctionne. Tout repose sur deux acteurs Gisèle Torterolo et Fabien Joubert (excellents) qui incarnent six personnages. Efficace.
Dominique Daeschler