— Par Elizabeth Grant —
Depuis quelques années, le débat quant aux réparations a été régulièrement à la une au Royaume Uni.
L’université de Glasgow a mis en place un partenariat avec l’Université des West Indies (UWI) concernant les réparations et certaines familles fortunées au Royaume Uni ont déjà reconnu la participation de leurs ancêtres à la traite et à l’esclavage. L’église anglicane a mis en place un fond de 100 millions d’euros en tant que réparations car elle a découvert qu’elle avait tiré l’équivalent de 750 millions d’euros de bénéfices de ses investissements dans une société qui faisait le commerce des Africains en vue de les vendre dans la Caraïbe.
Dernièrement, une famille héritière d’aristocrates anglais a appris par hasard, lorsqu’un membre a interrogé une base de données sur l’esclavage, que ses ancêtres possédaient dans la Caraïbe des habitations sucrières et une main d’œuvre esclavagisée.
Il s’agit de la famille Trevelyan, bien connue au Royaume Uni ; un membre de la nouvelle génération est journaliste à la BBC à New York et d’autres membres des générations passées furent écrivains, historiens, députés travaillistes ou universitaires.
Cette famille, dont le château se trouvait dans la Cornouille, figure dans le ‘recensement’ appelé le Doomsday Book fait en Angleterre en 1086.
A partir de 1757, la famille Trevelyan était, suite à des alliances maritales, propriétaire à Grenade de dix habitations où travaillait un millier de personnes mises en esclavage. En 1834, suite à l’abolition de l’esclavage en 1833 dans les îles anglophones de la Caraïbe, la famille Trevelyan reçut l’équivalent de trois millions d’euros pour la perte de sa main d’œuvre esclavagisée.
Comme partout dans les colonies britanniques de la Caraïbe, suite à l’abolition ces personnes ont travaillé sur les habitations en tant que ‘apprentis’ encore huit ans sans rémunération.
Les habitations de la famille Trevelyan ont été vendues dans les années 1860 et cette sombre histoire a été effacée de la mémoire de la famille, qui est plutôt progressiste.
Aujourd’hui, cette famille endosse la responsabilité des crimes de ses ancêtres en matière d’esclavage.
Elle a décidé de verser plus de 100 000 euros à Grenade en guise de réparations en vue de favoriser son développement économique. Ce don est fait en collaboration avec la Commission pour les réparations du CARICOM, dont le président est Sir Hilary Beckles, doyen de l’UWI, et sera utilisé pour créer un fonds éducatif à l’UWI.
Jusqu’aujourd’hui, 104 membres de la famille ont signé une lettre d’excuses qui reconnait que leurs ancêtres ont participé à un crime. Sept membres se sont rendus à Grenade le 25 février dernier pour présenter leurs excuses au peuple de ce pays.
En effet, les excuses représentent la première étape du Plan de réparations du CARICOM, qui en comprend dix :
1. Des excuses solennelles
2. Le retour en Afrique de toute personne le désirant
3. La réhabilitation des premiers habitants
4. De l’investissement dans des institutions culturelles
5. De l’investissement dans la santé publique
6. L’élimination de l’analphabétisme
7. La sensibilisation à l’histoire et à la culture africaines
8. La réhabilitation psychologique
9. Le transfert de technologie
10. L’annulation de la dette
Le CARICOM travaille depuis de nombreuses années d’une manière très active pour sensibiliser les peuples et le gouvernement britannique sur l’importance des réparations.
Mais ce ne sont pas tous les descendants d’esclavagistes qui ont entamé ce processus de réparations.
Ainsi, parmi ceux-ci figure Richard Drax, le député conservateur le plus riche du Royaume Uni avec un patrimoine comprenant notamment 5 600 hectares de terre agricole et de bois d’une valeur de 170 millions d’euros.
La famille Drax est depuis les années 1650 propriétaire de la plus grande habitation sucrière de Barbade d’une superficie de 250 hectares ; la maison d’habitation, qui date de 1650, existe toujours.
Lors de l’abolition de l’esclavage, la famille Drax a reçu environ trois millions d’euros pour la perte de 275 esclaves. L’UWI a calculé que 30 000 personnes mises en esclavage ont péri sur les habitations de la famille Drax qui est dorénavant dans le collimateur du gouvernement de Barbade.
Ainsi, la première ministre de Barbade, Mme Mia Mottley, a rencontré le député britannique Richard Drax, l’actuel propriétaire, pour appuyer la demande du versement de réparations faite par son gouvernement auprès de la famille Drax. Pour le moment celle-ci n’a pas réagi.
La famille Trevelyan espère que les descendants d’anciens propriétaires esclavagistes tels que Richard Drax, ainsi que la famille royale, suivent son exemple en reconnaissant les crimes de leurs ancêtres, en présentant des excuses et en versant des réparations.
Depuis 2013, le CARICOM qui, quant à lui, vise en particulier des réparations du gouvernement britannique, s’est joint à d’autres organisations demandant des réparations pour le crime de l’esclavage. Grâce au travail fourni par sa Commission pour les réparations, cette revendication fait du chemin dans la Caraïbe et au Royaume Uni.