Mardi 18 février à 18h00 Salle polyvalente de l’Inspe de Martinique
Conférence « Rencontre avec un artiste » Dominique Berthet s’entretient avec Gilles Elie-Dit-Cosaque.
Gilles Elie-Dit-Cosaque, né le 16 juillet 1968, est un réalisateur, photographe et graphiste français d’origine martiniquaise. L’œuvre de cet artiste se distingue par une approche singulière qui mêle des éléments graphiques et visuels avec des thématiques sociales, culturelles et politiques, particulièrement en lien avec les sociétés caribéennes. À travers ses films, photographies et créations graphiques, il interroge et explore les héritages de l’esclavage, la vitalité culturelle des Caraïbes et les contradictions sociétales qui en découlent. Son travail, empreint de tact et d’humour, se caractérise par une capacité à entrecroiser documentaire et fiction, tout en développant un langage visuel précis, souvent rythmé par l’intégration de typographies et d’illustrations.
Des débuts dans la publicité à la direction artistique
Gilles Elie-Dit-Cosaque commence sa carrière dans le monde de la publicité, où il occupe le poste de directeur artistique au sein de l’agence Opéra. Il y travaille sur des campagnes pour des marques prestigieuses telles que Swatch, Le Bon Marché et la Mairie de Paris. Cette période lui permet de se familiariser avec les techniques visuelles et graphiques qu’il exploite par la suite dans ses productions plus personnelles. Sa sensibilité à l’image et à la typographie s’affirme dans les génériques de télévision, notamment pour des chaînes comme VH1 et MTV, ainsi que dans des projets publicitaires, des clips musicaux et des films de commande. Ces premières expériences posent les bases d’une signature visuelle où l’intégration de la typographie et des éléments graphiques occupe une place centrale.
Une recherche esthétique qui fusionne les médias
L’une des particularités du travail de Gilles Elie-Dit-Cosaque réside dans la manière dont il conjugue les différents médiums visuels. Sa production cinématographique se distingue par une écriture rythmée, une attention particulière à la composition graphique et une volonté de mêler plusieurs formats : vidéo, dessin, illustration et typographie. À travers cette approche, il parvient à construire des récits visuels puissants et immersifs, où chaque élément participe à l’élaboration d’une œuvre totale et cohérente.
Il fait ses premiers pas dans la réalisation en 2000 avec Kamo, une série de vingt films courts d’une durée de 3 minutes 30, diffusée sur RFO et Voyage. Ces courts métrages offrent des instantanés de la vie quotidienne en Martinique, dans lesquels Gilles Elie-Dit-Cosaque expérimente un regard documentaire poétique. Par le biais de cette série, il marque une première incursion dans une narration visuelle humaniste, qui devient l’une des caractéristiques de son travail par la suite.
L’engagement sociétal à travers les documentaires
Au-delà des créations publicitaires et des projets graphiques, Gilles Elie-Dit-Cosaque s’engage également dans des projets plus personnels, notamment à travers la réalisation de documentaires. En 2003, il fonde sa propre structure de production, La Maison Garage, pour mieux mener à bien ses projets artistiques. Son travail documentaire questionne en profondeur les sociétés antillaises, leurs pratiques culturelles, leur histoire, mais aussi leurs tensions sociales et politiques. Ce faisant, il témoigne de la complexité des identités caribéennes, tout en interrogeant la place des individus dans une société marquée par un passé colonial lourd.
Ainsi, en 2004, il réalise Ma grena’ et moi (52 minutes), un documentaire qui explore les liens sociaux et culturels entre les habitants de la Martinique et leurs mobylettes Motobécane. Ce véhicule, dont le surnom est grena’ en raison de sa couleur, devient un symbole de la vie quotidienne et un témoin des transformations sociales dans la région. Le film est accompagné d’une exposition photographique et d’un livre, créant un dialogue entre les images et les mots. Le projet est salué par la critique et participe à faire connaître son travail au-delà des frontières antillaises.
En 2006, il signe Outre-mer Outre-tombe (52 minutes), un documentaire qui plonge dans les rites funéraires des Antilles. En suivant les traditions d’accompagnement des défunts, Gilles Elie-Dit-Cosaque met en lumière les pratiques culturelles liées à la mort, tout en soulignant l’importance de l’humour et des jeux de mots dans ces moments de deuil. Ce film offre une réflexion sur la manière dont la mort est appréhendée dans la culture antillaise, la présentant non pas comme une fin, mais comme le début d’une autre forme d’existence.
Puis, en 2008, il réalise Zétwal (52 minutes), un portrait d’un Martiniquais qui, dans les années 1970, avait pour ambition de devenir le premier Français dans l’espace. Ce documentaire met en lumière l’histoire inspirante de cet homme, tout en évoquant l’influence de figures telles qu’Aimé Césaire sur les aspirations des Martiniquais. Le film a remporté plusieurs distinctions, dont une mention spéciale au Festival Vues d’Afrique à Montréal et un Prix au Festival du Film Documentaire de Martinique.
Une œuvre de fiction : Zépon
En 2022, Gilles Elie-Dit-Cosaque franchit une nouvelle étape de sa carrière avec son premier long-métrage de fiction, Zépon. Ce film, à la fois intime et universel, incarne une nouvelle dimension de son travail cinématographique. Zépon est un film qui continue d’explorer les thématiques de la culture martiniquaise, mais cette fois à travers une histoire de fiction, mettant en lumière des personnages liés par leurs racines et leur histoire. Ce long-métrage illustre la capacité de Gilles Elie-Dit-Cosaque à naviguer entre les genres tout en préservant son style graphique et poétique.
Expositions et œuvres visuelles
Outre son travail cinématographique, Gilles Elie-Dit-Cosaque développe également un travail photographique et pictural, notamment à travers des séries comme Lambeaux et des expositions personnelles et collectives. Les œuvres qu’il présente à la Biennale Internationale d’Art Contemporain de Martinique ou à la Fondation Clément, en Martinique, interrogent les mémoires coloniales et les héritages de la négritude. Par ses dessins, collages et photographies, il évoque les luttes et les résistances, tout en faisant dialoguer la mémoire individuelle et collective.
Son travail photographique a été exposé dans divers événements prestigieux, tels que le Festival International du Film Insulaire de Groix, le Musée du Quai Branly à Paris, et au Mémorial ACTe en Guadeloupe, parmi d’autres. En 2017, il participe au Mois de la Photographie du Grand Paris avec Ma grena’ et moi, une exposition qui explore les liens entre les Antilles et le monde à travers des portraits photographiques de Guadeloupéens.
Un artiste engagé
Au fil des années, Gilles Elie-Dit-Cosaque s’est imposé comme une figure importante de la scène artistique antillaise et internationale. Son travail a été salué par de nombreux prix et distinctions dans des festivals nationaux et internationaux. En 2011, il a été élu artiste de l’année par l’association Gens de la Caraïbe pour la qualité de ses œuvres et de son engagement humain.
Gilles Elie-Dit-Cosaque estun créateur engagé, cherchant à mettre en lumière les réalités sociales, culturelles et politiques des sociétés antillaises tout en célébrant la richesse de leur héritage. Par ses films, ses photographies et ses créations graphiques, il invite le public à réfléchir sur les identités plurielles des peuples caribéens, tout en offrant un regard poétique sur la complexité du monde qui les entoure. Son œuvre se distingue par sa capacité à tordre les genres, à jouer avec les formes et à fusionner les influences, tout en gardant une cohérence artistique forte et une exigence visuelle constante.
A partir et d’après Wikipédia