Paris – Avec un tiers du gouvernement dans la bataille, Emmanuel Macron entend nationaliser le scrutin des régionales de juin, en visant la droite et 2022, tout en minimisant la portée des résultats de ces élections bien délicates pour la majorité.
Au soir du second tour des régionales et départementales le 27 juin, le chef de l’Etat ne devrait guère s’attarder sur la carte de France, qui sera probablement toujours peinte du bleu de la droite et du rose de la gauche.
Les chances de faire basculer des collectivités dans l’escarcelle de la majorité sont relativement maigres dans un scrutin où les présidents sortants, à la manoeuvre durant la crise sanitaire, apparaissent souvent comme favoris.
« Ces élections ne sont jamais bonnes pour le pouvoir en place. On prend toujours une cartouche« , résume un ministre de poids, qui assure qu’il ne « tirera pas d’enseignement » de ces scrutins où « le lien avec la politique nationale est tout de même faible« .
Alors la défaite annoncée, « on s’en fout« , rétorque un conseiller du président. « Aux municipales à Paris, ça a été un naufrage pour LREM, mais est-ce que ça influe sur 2022 ? Ça n’intéresse personne« , insiste-t-il.
Ce détachement de façade masque mal l’ambivalence de la majorité, bien décidée à ne pas enjamber des élections où des concurrents pour 2022 sont alignés, à commencer par Marine Le Pen, candidate aux départementales dans le Pas-de-Calais, mais aussi, à droite, Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France, et Valérie Pécresse, aux commandes de l’Ile-de-France.
« On va nationaliser le scrutin. Les sortants vont essayer de présidentialiser leurs élections. Eux jouent gros« , avance un autre proche du chef de l’Etat. Et « si on considère les régionales comme les répétitions de 2022 ou une primaire, on se trompe lourdement« , abonde le patron de LREM Stanislas Guerini.
L’exécutif s’investit donc crescendo dans ces élections, avec près d’une quinzaine de ministres en lice. Sans risque pour leur avenir, puisque une défaite n’engendrerait pas automatiquement une démission, fait-on savoir au sommet de l’exécutif.
Le mot d’ordre est de faire en priorité barrage au Rassemblement national, désigné comme adversaire principal pour 2022.
Mais en sous-main, les cibles ont aussi été accrochées au dos de la droite LR.
– « Géométrie variable » –
L’attaque est ainsi frontale dans les Hauts-de-France où les poids lourds du régalien – Eric Dupond-Moretti (Justice) et Gérald Darmanin (Intérieur) – ont été dépêchés face à M. Bertrand qui ne manque aucune occasion de démolir la politique sécuritaire d’Emmanuel Macron.
Quitte à risquer un éparpillement des voix au bénéfice du RN, ce qui fait dire au patron des députés LR Damien Abad que « la bataille » de LREM « contre le RN est à géométrie variable« .
L’offensive est plus insidieuse, et peut-être plus efficace, en PACA où l’officialisation par le Premier ministre d’un accord entre la majorité et le sortant LR Renaud Muselier a provoqué un véritable psychodrame, poussant les maires de Nice Christian Estrosi et de Toulon Hubert Falco à rendre leur carte.
« Notre intérêt c’est de faire en sorte que la poutre bouge encore et que l’on continue à recomposer« , souligne un conseiller de M. Macron.
Avec la présidentielle bien dans le viseur, une ministre voit aussi l’occasion de « remobiliser notre électorat » de centre-gauche face à la droite.
Cette montée en tension se traduit déjà sur le terrain, où Jean Castex, jusque-là plutôt discret sur les manoeuvres politiques, a décidé de se retrousser les manches.
Ainsi, en visite jeudi à Blois pour marquer la réouverture des petits commerces, il était accompagné de son ministre Marc Fesneau, tête de liste en Centre Val de Loire. De quoi susciter l’ire du sortant François Bonneau (PS), qui a déploré avoir été tenu dans un premier temps à l’écart d’une partie de la séquence, avant de finalement marquer le Premier ministre à la culotte dans les rues de la ville.
Et vendredi, M. Castex est accueilli à l’arrivée du train de nuit Paris-Nice par M. Estrosi, pour partager un café sur fond d’entente électorale.
Source : AFP / Boursedirect