— Communiqué de presse —
– Les jeudis 23 et 30 janvier et le jeudi 6 février 2025, 4 associations martiniquaises des droits humains ont mené un projet intitulé “Regards croisés sur les migrations caribéennes”. D’Antilles et D’Ailleurs, ASSOKA, ESA-Caraïbes et la Fabrique Décoloniale ont mis en commun leurs expériences et leurs réflexions accumulées pendant des années à la rencontre des populations immigrées et notamment celles provenant d’Haïti et de la République dominicaine.
Ces deux pays, en effet, entretiennent depuis la période coloniale des relations complexes, violentes, qui depuis quelques années se sont exacerbées. La République dominicaine a d’ailleurs intensifié les expulsions des Haïtien.ne.s, allant jusqu’à 10 000 expulsions par semaine.
Le projet “Regards croisés sur les migrations caribéennes” a eu pour objectif premier de mener des activités de réflexion, de sensibilisation et de déconstruction des fausses histoires et des stéréotypes.
Pour lancer le projet et ouvrir le débat, les associations ont donné rendez-vous au public au TOM pour la projection du film “La Rivière Massacre”, suivie d’un débat. Ce film de Suzan BERAZA explore la décision de la Cour constitutionnelle dominicaine en 2013, qui a annulé la citoyenneté de plus de 200.000 dominicain.es d’origine haïtienne. Face à la montée de l’indignation internationale, le gouvernement a mis en place un processus de régulation mais pour une durée limitée. Le film met aussi en évidence les tensions, la violence et les difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés les Haïtiens à cette frontière : la Rivière Massacre, qui donne le titre au film, étant un cours d’eau frontalier entre Haïti – rive gauche – et la République dominicaine – rive droite.
En même temps, ces deux populations revivent dans les territoires de migration comme la Martinique, les mêmes dynamiques de discrimination, racisme et préjugés, connaissant une double complexité en tant que discriminées et victimes.
C’est ainsi que le jeudi 30 janvier, toujours au TOM, les associations organisatrices ont donné la place à deux comédien.nes : Emmanuella Célestin et Francky Joseph qui ont été les voix des personnes migrantes qui, arrivées en Martinique pour échapper à la misère, à la violence… racontent l’accueil et leurs réalités difficiles entre problèmes sociaux et juridiques. À la suite du spectacle, 2 membres de l’Assoka ont fait un point juridique pour mieux préciser les difficultés que les migrants rencontrent en Martinique, en essayant de donner une idée des blocages administratifs, des discriminations dont ils et elles sont victimes, et des conséquences dans le contexte local des nombreuses lois migrations promulguées par l’État ces dernières années. Ce point juridique a ouvert à un débat très participé et animé avec le public présent.
Le 6 février, à la salle Emile Maurice de la CTM, s’est tenue, en clôture du projet, une conférence intitulée “Droits humains et histoires des relations haïtiano-dominicaines” animée par deux militantes :
- Colette Lespinasse (Haïti), engagée pour la défense des droits des migrant.e.s haïtien.nes et coordinatrice du GARR (Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés) pendant 15 ans ;
- Altagracia Jean Joseph (République dominicaine), avocate, militante connue pour son engagement en faveur des droits des personnes afrodescendantes, qui a dirigé la campagne “Soy Dominicano como tú”.
Cette conférence avait pour objectif de comprendre et d’analyser les dynamiques historiques, économiques et politiques qui unissent et opposent ces deux nations partageant l’île d’Hispaniola.
Ces deux conférencières se sont attelées à nous faire comprendre, à partir de l’histoire des relations entre ces deux pays, le caractère ancien d’une migration circulaire entre leurs territoires et la persistance des violations des droits humains par la République dominicaine. Violations alimentées par l’existence de tout un réseau de trafiquants de migrants et de corruption à la frontière, et une division entretenue entre leurs populations par une propagande raciste et nationaliste, avec une relative complicité des classes dirigeantes de ces deux états. Elles ont aussi mis en exergue les efforts des sociétés civiles dominicaine et haïtienne, organisées en associations, pour combattre ces violations et promouvoir un rapprochement entre leurs deux populations sœurs.
Ces trois évènements ont attiré un large public et donné lieu à des interventions empreintes d’émotions, de colère. Pour beaucoup, cela a été l’occasion de prendre conscience des réalités vécues par les migrant.es en Martinique, de souligner l’importance de sensibiliser le grand public, mais aussi de soulever une question qui a résonné tout au long des trois soirées : que pouvons- nous faire ?
La vidéo de la conférence est accessible à l’adresse suivante :
https://youtu.be/BoMZ4W-fJ9Y?si=oGaYc_IW3zSIY6Qr
Fort-de-France, le 21 mars 2025