« Regardez mais ne touchez pas ! »est une pièce de Théophile Gautier.
Cette comédie de cape et d’épée est un pastiche du drame romantique dans lequel l’auteur du Capitaine Fracasse ajoute la folie au lyrisme du théâtre de son époque. C’est une déclaration d’amour au théâtre !
Le metteur en scène Jean-Claude Penchenat révèle l’humour et la fantaisie étonnamment contemporains de cette comédie jamais jouée depuis sa création en 1847.
C’est une déclaration d’amour au cinéma de cape et d’épée !
Le cheval de la Reine d’Espagne s’est emballé. Il faut la sauver ! Mais tout homme qui touche à la Reine est puni de mort. Dona Beatrix, sa suivante, a promis sa main au sauveur de la Reine. Deux hommes se présentent comme tel : Don Melchior, imposteur fanfaron, et Don Gaspar, héros romantique. S’ensuivent courses poursuites, combats et duels entre ces deux rivaux.
Jean-Claude Penchenat
Cofondateur du Théâtre du Soleil avec Ariane Mnouchkine et comédien dans Capitaine Fracasse, La Cuisine, Le Songe d’une nuit d’été, Les Clowns, 1789 (le spectacle et le film), 1793, L’Âge d’or, ainsi que dans le film Molière.
En 1975, il fonde avec une équipe de comédiens le Théâtre du Campagnol avec lesquels il monte de nombreux spectacles dont Le Bal, création collective en 1981, qui sera son plus grand succès, porté ensuite à l’écran par Ettore Scola.
En 1983 le Théâtre du Campagnol devient Centre Dramatique National. Il en sera le directeur jusqu’en 2002, année de création de Carola. Cette dernière création du Campagnol sera le début d’une nouvelle aventure avec les jeunes comédiens de ce spectacle qui fondent la compagnie Abraxas. C’est avec eux qu’il découvre en 2011 Regardez mais ne touchez pas !
Le sujet
« Si c’est un devoir de monter les auteurs de son temps, ce devrait l’être aussi de rechercher dans les moments forts du théâtre des couleurs inhabituelles. C’est le cas avec cette pièce de Gautier que nous révélons au public. La « restauration » a consisté à supprimer quelques phrases superflues et à introduire un meneur de jeu qui donne aujourd’hui la distance pour goûter pleinement l’ironie de l’oeuvre d’origine. C’est l’époque où Musset et Hugo écrivent des chefs-d’oeuvre non destinés à la scène et qui pour certains mettront plus d’un siècle à être découverts puis représentés et qui aujourd’hui surprennent encore par leur liberté ».
Jean-Claude Penchenat
En 2011, année de commémoration du bicentenaire de la naissance de Théophile Gautier (1811-2011), j’ai découvert un petit fascicule de 1847 : Regardez mais ne touchez pas ! comédie de cape et d’épée en 3 journées par MM. Théophile Gautier et Bernard Lopez.
Je savais que l’auteur du Capitaine Fracasse était fasciné par la truculence haute en couleur de l’époque, par la parodie et le pastiche. Dans ce roman célébrissime, on découvre l’omniprésence du théâtre, ce qui explique les très nombreuses adaptations tant théâtrales que cinématographiques de l’oeuvre, d’Abel Gance à Ettore Scola.
J’ai proposé à l’équipe de jeunes acteurs de la Compagnie Abraxas de faire une série de lectures publiques de cette courte pièce inconnue, ni re-publiée ni re-jouée depuis sa création, et très vite nous avons été séduits par le ton, la grâce, l’ironie, l’insolence de ce petit joyau. Le public aussi.
Outre le rôle capital que Gautier et les jeunes romantiques ont joué lors de la bataille d’Hernani (le fameux gilet rouge), j’ai découvert la fonction essentielle de cette “nouvelle vague” (Nerval, Petrus Borel) et le combat acharné qu’ils avaient mené contre le théâtre bourgeois (Scribe, A. Dumas fils) qui triomphait à l’époque du Second Empire.
C’est cette distance, ce goût du voyage dans le temps et l’espace (Gautier vient d’assister au mariage des Princes d’Espagne), ce goût du pastiche (Regardez mais ne touchez pas ! fait référence au Ruy Blas de Victor Hugo) qui nous permet d’aborder le texte dans le même esprit de liberté, d’indépendance vis-à-vis des Romantiques.
L’Espagne et son folklore sont évoqués ici par la musique et des éléments de costumes, qui conservent une immédiateté de référence pour le public et la poésie des jeux de l’enfance.
Les personnages sont représentatifs de ceux de la Commedia dell’Arte : l’Amoureux, le Matamore, le Pédant, l’Amoureuse, la Suivante délurée et la Reine à laquelle, selon l’étiquette, il ne faut pas toucher – même pour la sauver d’une chute de cheval – sous peine de mort. Auxquels s’ajoute Désiré Reniflard, alter-ego inventé par Gautier pour raconter son voyage en Espagne, ajouté ici comme un véritable chef de troupe (régisseur, souffleur, accessoiriste, figurant, Alguazil…)
Le jeu physique de la commedia fait évidemment partie de la chorégraphie du spectacle.
Jean-Claude Penchenat