Documentaire. Khalo Matabane donne à voir une réflexion personnelle sur l’héritage de Madiba, et nous livre son rapport à l’homme et à l’histoire de son pays.
— Par Audrey Loussouarn —
Les marques de son passage sont bien là, incrustées dans l’esprit de tous les Sud-Africains. Car, bien sûr, l’apartheid a été décimé, enterré. Mais qu’en est-il des inégalités de richesse et de chance devant l’accession à une vie décente ? Khalo Matabane a baigné dans le mythe de Nelson Mandela. C’est lui, qu’il interpelle sous forme de lettre adressée à son « cher Tata Mandela ». Il l’admire, lui qui a dit au revoir à son enfance en même temps qu’à l’apartheid. Mais, loin de l’aveuglement, il dresse un état des lieux, qu’il veut objectif, de l’héritage de l’ex-président sud-africain.
Dans sa jeunesse, il l’a imaginé comme un surhomme, mi-homme, mi-bête. « Quand je suis né, tu étais déjà en prison depuis plus de dix ans. Et pourtant, aux yeux de ma grand-mère, tu étais un héros. Je n’ai jamais douté de son jugement », lui dit Khalo Matabane. Tel un enfant qui réalise avec l’âge que les super-héros n’existent pas et qui leur en veut, presque, de lui avoir fait espérer un peu trop longtemps leur existence, il vacille entre fascination, déception et interrogations. Il s’inquiète qu’au prétexte que Madiba ait « libéré » l’Afrique du Sud, la quête de l’égalité entre Noirs et Blancs soit mise de côté. « À chaque fois que je retourne dans mon village, la tristesse m’envahit. Je suis bouleversé par la pauvreté, révolté de voir les cimetières remplis de mes amis d’enfance. Pardonne-moi mais elle est à qui cette liberté ? » s’interroge-t-il alors.
Il cristallise ses doutes sur la force de Nelson Mandela à travailler avec ses anciens détracteurs, ainsi que sur sa propre capacité à surpasser ce sentiment d’injustice qui persiste depuis les élections de 1994. On revit avec lui les différentes interventions de Madiba, juxtaposées aux images de misère actuelle. « L’Afrique du Sud est souvent perçue comme un miracle, pourtant il n’y a pas eu de miracle. Les gens se sont battus pour la liberté et ils en ont payé le prix fort », souligne-t-il. On navigue entre les souvenirs de ces derniers et les témoignages de ceux qui ont côtoyé Mandela, comme le dalaï-lama ou Colin Powell. Des passages qui temporisent avec cette image d’icône mondiale, tant prônée au moment de son décès, en décembre. Pour tenter de lui redonner une forme humaine et, peut-être, se réconcilier avec son « Tata Mandela ».
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