Le référendum sur « le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat » a eu lieu le 27 avril 1969. Le résultat négatif a conduit à la démission du président de la République Charles de Gaulle le lendemain. Ce référendum a été organisé conformément à l’article 11 de la Constitution.
Deux réformes, un projet de loi
Le général de Gaulle avait annoncé, dans son allocution du 24 mai 1968, la tenue, le mois suivant, d’un référendum sur la rénovation universitaire, sociale et économique qu’appelait selon lui la crise de Mai 68. Il en avait, dans son allocution du 30 mai, différé la date, sur la demande du premier ministre Georges Pompidou, au profit d’élections législatives anticipées.
Après avoir été plusieurs fois reporté, le référendum est fixé au 27 avril 1969, sur la régionalisation et la réforme du Sénat.
Le projet politique
Dès son discours du 24 mai 1968, le général de Gaulle affirmait aux Français la « nécessité d’une mutation de la société française » qui devait se traduire par « participation plus effective de chacun à la marche et au résultat de l’activité qui le concerne directement ». Les trois domaines évoqués sont l’université, l’entreprise et les régions, qui doivent pouvoir organiser « les activités industrielles et agricoles ». Si l’annonce d’un référendum pour le mois de juin 1968 n’a pas été suivie d’effet, cela sera le cas presque un an plus tard. Le thème de l’université ayant déjà été réglé par la politique gouvernementale, il ne figurera pas au programme du référendum. La participation dans l’entreprise n’y figurera pas, peut-être car jugée trop contestée.
En revanche, la fusion du Sénat et du Conseil économique et social correspond à la fois à la doctrine de la participation, pensée, selon Jacques Godfrain, comme « un système nouveau, une « troisième voie » entre le capitalisme et le communisme », dans son volet institutionnel, et à la crainte qu’avait le général de Gaulle pour le jeu des partis.
La régionalisation visait, quant à elle, selon Godfrain, à « desserrer le carcan du centralisme bureaucratique ».
La régionalisation
Le titre Ier du projet constitutionnaliserait l’existence des régions comme collectivités territoriales4. Il s’agirait des circonscriptions d’action régionale créées en 1960, plus la Corse.
Leurs compétences seraient élargies, en matière d’équipements collectifs, de logement et d’urbanisme surtout. Pour exercer ses compétences, la région pourrait ester en justice, recourir à l’emprunt, passer des contrats, prendre des participations dans des sociétés d’économie mixte, créer, gérer ou concéder des établissements publics et conclure des conventions avec d’autres régions.
Les conseils régionaux seraient composés :
Aux trois cinquièmes, des députés élus dans la région et des conseillers régionaux territoriaux, élus par les conseils généraux (un par département, pour trois ans) et par les conseils municipaux ou leurs délégués (les autres, pour six ans) ;
Aux deux cinquièmes, des conseillers régionaux socio-professionnels, désignés par des organismes représentatifs, pour six ans.
Des dispositions particulières seraient prises pour la région parisienne, la Corse et les départements d’outre-mer.
L’autorité exécutive de la région reviendrait au préfet de région, qui préparerait et présenterait le projet de budget de la collectivité.
La réforme du Sénat
Le titre II du projet organiserait la fusion du Sénat et du Conseil économique et social en un nouveau Sénat exerçant une fonction consultative et ne disposant d’aucun pouvoir de blocage.
La nécessité d’une seconde chambre consultative représentant les collectivités territoriales et les organisations économiques, familiales, intellectuelles avait été énoncée par le général de Gaulle dans son discours de Bayeux le 16 juin 1946 et rappelée durant sa présidence et à plusieurs reprises, à Alain Peyrefitte notamment5.
À propos du rôle du Sénat, les principaux changements proposés étaient, en résumé, les suivants :
◊ l’intérim du président de la République serait exercé par le Premier ministre et non par le président du Sénat ;
◊ la déclaration de guerre et la prorogation de l’état de siège seraient autorisées par l’Assemblée nationale ;
◊ les sénateurs n’auraient plus l’initiative des lois, et n’émettraient que des avis ;
◊ les projets et propositions de loi seraient présentés en premier lieu au Sénat, qui pourrait en proposer l’adoption, le rejet ou l’amendement, avant d’être soumis à l’Assemblée nationale ; après cela, le gouvernement ou l’Assemblée nationale pourraient les renvoyer au Sénat ;
◊ les lois organiques seraient adoptées à la majorité absolue des députés ;
◊ les sénateurs ne pourraient plus poser de questions au gouvernement ;
◊ en ce qui concerne la Haute Cour de justice, seule la réunion des sénateurs représentant les collectivités territoriales jouerait un rôle (avec l’Assemblée nationale), et non le Sénat ;
◊ les projets et propositions de révision constitutionnelle seraient adoptés à la majorité absolue des députés puis soumis au référendum ; cependant, les projets de révision pourraient être soumis à nouveau à l’Assemblée nationale, qui ne pourrait les ratifier qu’à la majorité des deux tiers de ses membres.
Les sénateurs seraient élus ou désignés pour six ans, contre neuf à l’époque. Ils devraient être âgés d’au moins vingt-trois ans, contre trente-cinq à l’époque.
La composition du Sénat serait la suivante :
173 sénateurs représentant les collectivités territoriales de métropole (160) et d’outre-mer (DOM : 7, TOM : 6), élus, les régions étant les circonscriptions électorales, par des grands électeurs (députés, conseillers régionaux territoriaux, conseillers généraux, délégués des conseils municipaux) pour 159 d’entre eux au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne sans panachage ni vote préférentiel et pour les 14 autres au scrutin majoritaire à deux tours ; cette partie du Sénat serait renouvelée par moitié tous les trois ans ;
4 sénateurs représentant les Français établis hors de France, désignés par le Conseil supérieur des Français de l’étranger ;
146 sénateurs représentant les activités économiques, sociales et culturelles, désignés par des organismes représentatifs, à raison de 42 pour les salariés, 30 pour les agriculteurs, 36 pour les entreprises, 10 pour les familles, 8 pour les professions libérales, 8 pour l’enseignement supérieur et la recherche et 12 pour les activités sociales et culturelles.
Scrutin
Prises de positions
De Gaulle annonce qu’en cas de rejet il quittera ses fonctions. L’opposition appelle à voter non. Toutefois, le Président est également gêné dans son propre camp : en effet, en cas de démission, son ancien Premier ministre, Georges Pompidou a averti qu’il serait candidat, réduisant ainsi le spectre d’un vide politique laissé par De Gaulle. Son ancien ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing, indique qu’il ne votera pas oui. Seule l’UDR fait campagne pour le oui. Le débat se porte ainsi très rapidement sur le maintien ou non du président au pouvoir au lieu des intérêts ou des inconvénients réels de la réforme.
Résultats
Referendum France 1969.svg
La participation est de 80,13 %.
Le 27 avril 1969, le non l’emporte à 52,41 %. La question posée aux Français était la suivante : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat ? »
Source : Wikipedia