Un défi pour la transition énergétique
— Par Yacine Amara.(*) —
L’impératif de transition énergétique lié à la crise climatique a remis sur le devant de la scène scientifique et technique le « vecteur » électricité. L’utilisation de ce vecteur énergétique – c’est-à-dire, sous une forme utilisable en vue de la convertir en travail mécanique – permet de répondre à un nombre important de nos besoins, sans émettre de gaz polluants ou de gaz à effet de serre comme les combustibles fossiles.
Il faut bien entendu distinguer la production de l’électricité – qui est un défi en soi, en particulier pour les réseaux électriques, lorsqu’il s’agit de production d’électricité décarbonée et décentralisée de sources renouvelables – et son utilisation. L’un des exemples les plus visibles du renouveau de l’intérêt de l’électricité est celui de la mobilité électrique, qui va des vélos aux voitures et même jusqu’aux avions : on trouve aujourd’hui de petits avions (deux places) à propulsion purement électrique !
Le rôle clé des machines électriques dans la conversion d’énergie
Mais de quoi parle-t-on finalement lorsqu’on parle de moteur électrique ? Les machines électriques (qui englobent les moteurs, qui transforment l’électricité en mouvement, mais aussi les génératrices, dynamos et autres alternateurs qui font l’inverse), aussi appelées convertisseurs électromécaniques, sont l’un des composants les plus importants de la chaîne de conversion de l’énergie électrique.
On les retrouve aussi bien en amont, où elles convertissent de l’énergie mécanique en énergie électrique (par exemple dans une éolienne ou une centrale hydro-électrique), qu’en aval, où elles permettent de produire du travail mécanique (par exemple, le déplacement d’une automobile) grâce aux moteurs électriques.
Un domaine technique ancien
La conception de machines électriques est une activité concomitante à l’apparition de l’électricité. C’est une activité scientifique et technique qui a pu produire de nombreuses innovations. Elle a connu, au cours de l’histoire, un intérêt changeant, au gré de la découverte de nouveaux matériaux.
Citons, par exemple, les aimants permanents à base de terres rares, qui ont permis de construire des machines plus performantes en permettant la miniaturisation d’aimants très performants – jusqu’à 10 fois plus petits pour une puissance équivalente.
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Cette technologie a ainsi permis l’apparition de nouvelles applications dans les domaines des énergies renouvelables et de la mobilité durable (mobilité douce et véhicules électriques). Ce sont ainsi ces machines qui sont utilisées dans les éoliennes les plus puissantes.
Rappelons, en outre, que les machines électriques sont des systèmes complexes, à la croisée de plusieurs domaines scientifiques, techniques et même sociétaux, comme la transition énergétique.
Les matériaux critiques comme les terres rares, un enjeu stratégique
L’utilisation des terres rares par les machines électriques illustre les enjeux de dépendance géostratégique liés à leur approvisionnement.
Ces matériaux, qui sont présents partout sur Terre, et dont le nom traduit une dissémination en très faible quantité, permettent, on l’a vu plus haut, de dimensionner des machines très performantes. Or, cette dissémination en faible quantité nécessite l’exploitation de surfaces importantes et leur extraction est particulièrement polluante.
Les concepteurs de machines électriques essaient d’apporter des solutions originales à cette problématique, en mobilisant les degrés de liberté qu’offrent les lois physiques et les technologies actuelles.
En travaillant avec des spécialistes de la science des matériaux, ils essaient par exemple d’augmenter le recyclage des terres rares présentes dans les aimants des véhicules électriques afin de pérenniser leur utilisation.
Des technologies précieuses pour la mobilité électrique
Pour faire face à ce problème, des technologies de machines électriques sans aimants permanents en terres rares ont été développées. Par exemple, les machines asynchrones, les machines synchrones à excitation bobinée, à excitation par aimants ferrites, ou enfin à réluctance variable.
La Zoé (véhicule électrique citadine de Renault) utilise ainsi une machine synchrone à excitation bobinée. Il faut cependant noter que ces machines possèdent des performances maximales moindres que celles des machines synchrones à aimants en terres rares. Il faut accepter une certaine perte de performance.
Une technologie, en la matière, s’avère particulièrement prometteuse pour le développement de la mobilité électrique : les machines synchrones à double excitation. Qu’entend-on par ce terme ? L’excitation magnétique de ces machines est à la fois assurée par des aimants permanents et par des électroaimants (excitation bobinée).
Optimiser les performances des moteurs électriques pour la transition énergétique
Ces machines, par l’apport des aimants permanents, permettent d’avoir de meilleures performances maximales que celles des machines synchrones à excitation bobinée et sont particulièrement intéressantes pour certaines applications, comme les véhicules électriques.
En effet, elles peuvent être conçues pour maximiser le couple moteur – ce qui est particulièrement important pour le fonctionnement du véhicule – avec les aimants permanents de manière à réduire les pertes d’énergie. L’excitation bobinée facilite le fonctionnement des moteurs à vitesse élevée et permet de se passer des boîtes de vitesses. Celles-ci sont encombrantes et peuvent être une source de défaillances mécaniques.
En résumé, ces machines permettraient à la fois de réduire l’utilisation des aimants faits à partir de terres rares, tout en optimisant le rendement énergétique des machines électriques. De quoi d’ailleurs augmenter l’autonomie des véhicules électriques.
Compte tenu de son importance clé pour la transition énergétique, l’innovation en matière de machines électriques devrait donc être encouragée par les pouvoirs publics.
À propos de l’auteur : Yacine Amara. Professeur des universités, génie électrique (section CNU 63), Université Le Havre Normandie.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Source : WeDemain