Réduire la dépense publique : les collectivités locales en ligne de mire

40 milliards d’économies à trouver pour le budget 2026 : l’État coupe dans la dépense publique , les territoires d’outre-mer vont trinquer !

— Par Jean-Marie Nol —

Le gouvernement français s’apprête à lancer l’un des chantiers budgétaires les plus ambitieux de ces dernières années. Objectif : réduire le déficit public à 4,6 % du PIB d’ici 2026. Vers une cure d’austérité dans le projet de budget 2026 ?
Une trajectoire de redressement imposante, qui exigera, selon le ministre de l’Économie Eric Lombard, pas moins de 40 milliards d’euros d’efforts supplémentaires. Cet effort de réduction de la dépense publique «très considérable» reposera «essentiellement sur des économies» selon le ministre. Eric Lombard, qui est l’ancien directeur de la Caisse des dépôts se refuse à qualifier ces 40 milliards d’euros d’efforts de «cure d’austérité». «Ce n’est pas le bon mot, car la réalité est que nous dépensons en dépenses publiques 57% de la richesse nationale. C’est 10% supérieur à la moyenne européenne, affirme-t-il. Nous dépensons beaucoup et nous pensons que nous pouvons dépenser mieux.» Le gouvernement entend toujours ramener le déficit public à 5,4% du PIB cette année, un objectif «tenable car nous avons décidé la semaine dernière de diminuer de 5 milliards d’euros les dépenses». Pour 2026, Bercy vise 4,6%, avant d’amorcer une trajectoire qui ramènera le déficit sous les 3% à horizon 2029, conformément à ses engagements européens. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ? Face à une situation des finances publiques « beaucoup plus dégradée que cela a été dit », avec un déficit public qui s’élèverait à près de 6 % du PIB et une dette publique à plus de 3 300 milliards d’euros, le gouvernement travaillerait à faire des économies. Sale temps pour les collectivités locales. D’après les informations de La Tribune, « 8 milliards d’euros d’efforts vont être demandés aux collectivités territoriales », après des économies d’environ 2,2 milliards d’euros imputées aux collectivités dans le budget 2025. Pressentant le couperet ,  L’Association des maires de France annonce d’ores et déjà qu’elle va boycotter la conférence de François Bayrou sur les finances publiques. Le premier ministre François Bayrou a la ferme intention de les impliquer dans le redressement des comptes nationaux pour parvenir à réduire le déficit public. Si le gouvernement veut réduire les dépenses publiques comme il l’a annoncé, il n’a pas à chercher bien loin comment s’y prendre. Les armoires de Matignon regorgent de rapports de la Cour des comptes sur les économies possibles. Et sur le bureau même du premier ministre il y a un document de la cour des comptes qui analyse la dérive budgétaire spécifique des collectivités locales, et suggère des mesures correctrices. Dont la suppression de 100 000 postes d’agents locaux. Ce rapport de la cour des comptes , confirme le dérapage actuel des finances des communes, départements et régions, qui représentent ensemble 18 % des dépenses publiques.Si l’annonce de cette cure d’austérité ne surprend plus vraiment dans un contexte de dette publique record, un détail fait débat : ce sont les collectivités locales qui devraient en supporter l’essentiel du fardeau. Une orientation lourde de conséquences, à la fois sur le fonctionnement des territoires d’outre-mer et sur la relation entre l’État et les élus locaux.

Le gouvernement a exclu toute hausse d’impôt sur les classes moyennes et les entreprises, considérées comme des piliers de la reprise économique. Cette ligne rouge, dictée autant par des considérations politiques qu’économiques, ferme la porte à des leviers de financement traditionnels et contraint l’exécutif à s’engager dans une logique de réduction drastique des dépenses publiques. L’époque du « quoi qu’il en coûte » est bel et bien révolue. Place désormais au « quoi qu’il arrive », martèle Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics. Autrement dit, le désendettement devient la priorité absolue, quelles que soient les circonstances économiques, sociales ou géopolitiques.

Dans cette perspective, le gouvernement entend « dépenser moins et dépenser mieux ». Mais derrière cette formule se cache une réalité plus rude : l’État veut transférer une partie du choc budgétaire vers les échelons décentralisés de la République, et plus particulièrement vers les communes, départements et régions. Ces derniers apparaissent comme une variable d’ajustement facile, dans la mesure où ils concentrent une part significative de la dépense publique, tout en étant dépendants de transferts de l’État.

Le raisonnement gouvernemental est simple : les collectivités locales, bien qu’elles aient des ressources propres, bénéficient largement de dotations versées par l’État central. En réduisant ces transferts, l’État peut afficher une baisse immédiate de ses dépenses, sans avoir à tailler dans ses propres administrations ou à engager des réformes impopulaires au niveau national. Mais cette méthode revient à déshabiller Paul pour habiller Pierre, car les collectivités se retrouveront alors face à un dilemme cornélien : augmenter leurs propres impôts locaux, ou réduire leurs services à la population, parfois essentiels dans les zones rurales ou les quartiers populaires.

Ce transfert implicite de l’effort d’austérité est d’autant plus problématique que les collectivités locales sont souvent en première ligne des politiques publiques : entretien des écoles, gestion des routes, transports, éducation , services sociaux, culture, urbanisme… Leur fragilisation pourrait donc entraîner un recul tangible de l’action publique au plus près des citoyens. De plus, ces entités n’ont pas les mêmes marges de manœuvre que l’État pour emprunter ou différer des investissements.

En convoquant une conférence sur les finances publiques, le premier ministre  François Bayrou entend ouvrir un dialogue entre l’exécutif et les principaux acteurs concernés, parmi lesquels figurent évidemment les représentants des collectivités. Mais derrière les discussions de façade, beaucoup redoutent un scénario déjà écrit, où l’État, après avoir promis une pseudo reprise portée par la croissance, impose des sacrifices aux autres acteurs sans trop toucher à ses propres structures. Le gouvernement espère que le rebond économique à venir — encore hypothétique — viendra compenser les coupes. Une approche incertaine qui fait reposer une part non négligeable de la stratégie budgétaire sur des perspectives de croissance toujours fragiles.

En résumé, dans sa volonté de réduire le déficit sans augmenter les impôts sur les électorats centraux, le gouvernement semble avoir trouvé un compromis : préserver l’image d’un État protecteur tout en exigeant des efforts conséquents des collectivités locales. Une orientation qui risque non seulement de tendre les relations entre le pouvoir central et les élus locaux, mais aussi de raviver le sentiment de fracture territoriale, à l’heure où les attentes des citoyens vis-à-vis des services publics de proximité ne cessent de croître. Le pari est risqué : faire des économies sans casser la cohésion territoriale. Rien ne dit que l’équation soit tenable pour les collectivités locales de Guadeloupe et Martinique .

Jean Marie Nol économiste