— Par Pierre Alex Marie-Anne —
A l’origine du projet de TCSP il y a un double constat : 3/4 des déplacements se font par la route au moyen de véhicules particuliers, dont le parc ne cesse de grandir, et ceux-ci concernent pour l’essentiel le trajet domicile-travail, plus précisément entre les communes de résidence et l‘agglomération centrale de Fort-de France. Le réseau routier supportant ce trafic est à ce jour saturé (plus de 140 000 véhicules par jour, dans les deux sens, sur l’autoroute A1!) d’où de fréquents embouteillages entraînant une déperdition considérable de temps et d’argent,évaluée en 2014 à 40M€ par an pour les acteurs économiques en particulier et plus généralement l’ensemble de la population. Côté réalisation, une première réponse a été apportée à cette problématique avec la création des lignes A et B du TCSP reliant Fort-de-France et le Lamentin, ce qui a permis d’améliorer le trafic sur l’autoroute. La question qui se pose désormais est celle de la continuation ou non de l’opération, en clair du caractère judicieux ou non des extensions envisagées vers le Nord-Est ( Robert ) et ouest (Schoelcher) et le Sud (Rivière-Salée ou Sainte-Luce).
Les sommes annoncées donnent le vertige : plus de 600 millions d’euros, au stade actuel alors que la concertation sur le choix des itinéraires n’est même pas achevée, que les acquisitions foncières et les études techniques sont à peine entamées et que les procédures administratives incontournables pour lancer les travaux nécessiteront au bas mot plusieurs années. Autrement dit, sauf à se bercer d’illusions, ce qui est la pente habituelle de nos responsables politiques, il ne faudra pas espérer voir circuler les BHNS en question avant au minimum 10 à 20 ans ( en restant optimiste! ) et pour un coût global qui aura entre-temps plus que doublé. Ces délais sont incompatibles avec ce qu’endurent quotidiennement les malheureux automobilistes pris en otages dans d’interminables embouteillages et surtout avec le calvaire que subissent les malheureux usagers des Bus,véritables laissés-pour-compte d’un système de transport en commun irrégulier et défaillant. Tous “ces galériens du quotidien” n’ont rien à attendre,à brève échéance,de ce projet mirobolant d’extension du TCSP qui est tout sauf réaliste.
On voit mal en effet comment la Collectivité Territoriale de Martinique, qui peine à assumer ses obligations légales en matière sociale, d’éducation ( équipements scolaires et formation professionnelle ) et de respect des délais de paiement réglementaires aux entreprises et autres créanciers, du fait d’une gestion financière aléatoire, pourrait faire face réellement à ces nouveaux engagements massifs. Il faut se rendre à l’évidence : il y a mieux à faire pour améliorer dans des délais raisonnables la situation du transport dans le pays, d’autant plus que d’autres priorités tout aussi cruciales retiennent l’attention :l’eau, les déchêts,la santé publique, la démographie, la transition énergétique et numérique pour ne citer que les plus marquantes. D’abord et avant tout il faut mettre fin au laxisme actuel dans le fonctionnement de la régie des transports publics ; celle-ci doit être irréprochable quant à la qualité du service rendu à la population: horaire, amplitude, régularité, sécurité et confort ; cela suppose qu’on mette fin à cette dichotomie organisationnelle qui aboutit à opposer les intérêts du public et du privé, au détriment de ceux de l’usager. Néanmoins,gardons à l’esprit qu’Il n’y aura jamais de transport public digne de ce nom dans ce pays tant que les élus continueront à se déculotter devant des meneurs activistes, plus portés sur l’agitation politique et idéologique que sur la défense syndicale légitime des intérêts du personnel.
La question n’est pas en l’occurrence, comme certains le prétendent pour masquer leur impuissance à agir, de “Changer les textes” mais bien comme l’a dit un célèbre écrivain « d’en avoir ou pas ! ». Ensuite, il serait temps de prendre conscience que la Martinique est une île entourée d’eau. Pourquoi ne pas privilégier, sur la côte caraïbe relativement abritée, le transport par vedettes ou mieux par hydroglisseurs particulièrement rapides, comme ceux en service dans le golfe de Naples en Italie ; des rotations régulières desservant les principales localités concernées du Marin jusqu’à Saint-Pierre contribueraient sans aucun doute à transférer de la voiture au bateau une partie non négligeable du trafic actuel entre le Sud, le Nord et le Centre. Resterait cependant le cas de la côte Atlantique où les conditions de navigabilité sont plus difficiles ;à défaut d’une solution plus innovante, le maintien d’un site-propre entre Trinité-Robert et le Lamentin, réalisable par tranches, pourrait s’avérer nécessaire, d’autant que l’élargissement de la chaussée est d’ores et déjà engagé. Ce qui ressort en définitive de ce rapide examen, c’est qu’il est urgent de prendre le temps de la réflexion, avant de se jeter tête la première dans la réalisation, en l’état, de la deuxième phase d’extension du TCSP; la question de sa pertinence, en termes de coût et de délais de réalisation, par rapport à d’autres solutions alternatives plus faciles à mettre en œuvre et donc d’un
intérêt social supérieur, mérite d’être posée.
Le critère déterminant en la circonstance doit être la satisfaction la plus immédiate possible de la population qui n’en peut plus d’attendre une amélioration concrète et significative de ses conditions de déplacement journalier.
Pierre Alex MARIE-ANNE
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