—Par Selim Lander –
Grâce aux Rencontres Cinémas les Martiniquais ont eu la chance de visionner Une vie simple moins d’un mois après la Métropole. Un film qui mérite incontestablement d’être vu, moins pour ses qualités cinématographiques que pour ce qu’il raconte. L’histoire, on s’en doute, n’est pas compliquée mais cela n’enlève rien à ses vertus hypnotiques. Pendant deux heures d’horloge, nous assistons aux derniers mois de la vie d’une femme âgée, Ah Tao : une première chute (elle est victime d’un AVC), la rédemption (hémiplégiques, elle retrouve peu à peu ses moyens), la chute ultime. Pendant ce parcours, elle rencontre différentes personnes : les soignants et les pensionnaires de la maison de retraite où elle s’installe après son accident, des membres de la famille dans laquelle elle a toujours vécu, mais le point fixe dans son existence est le rejeton de cette famille, Roger, jeune producteur de cinéma célibataire dont – pourtant déjà bien vieille mais domestique toujours – elle continuait de s’occuper (1).
Bien que consacré à une fin de vie, ce film est une fable réconfortante. La fidélité de la servante est payée de retour : le producteur est aussi attentionné envers elle que le serait le meilleur des fils (jusqu’à l’inviter à la première d’un de ses films). La directrice de la maison de retraite se comporte comme une amie. Les pensionnaires (s’ils ne sont pas trop décatis) de la maison de retraite se montrent sympathiques. On se dit que si tous les humains pouvaient avoir une semblable fin de vie la condition humaine ne serait pas si terrible.
Les bons sentiments dégoulinent sans que le film sombre jamais dans le ridicule. A quoi cela tient-il ? Pas à la manière de filmer, on l’a dit, qui est celle d’une honnête tâcheronne (Ann Hui), ni au scénario qui entrecoupe sans grande imagination les scènes centrées sur Ah Tao de scénettes situées dans le monde de Roger. Une part du succès du film tient à la qualité du casting, à commencer par les deux personnages principaux (Deanie Ip et Andy Lau). Une autre part du succès – tout au moins en Occident où le film a bénéficié d’une très bonne critique – tient au fait qu’il est tourné à Hong-Kong et qu’il met en scène des Chinois. Pour le spectateur occidental, ce film est aussi un documentaire sur un sujet ô combien fascinant : la vie quotidienne des Chinois, ces futurs maîtres du monde. La réalisatrice a eu par ailleurs la bonne idée d’insister sur la nourriture. Cela est cohérent avec le fait que la cuisine de Ah Tao est un objet de légende pour la famille où elle a servi mais, pour nous, rien que le fait de voir des Chinois cuisiner et manger ajoute une dimension complètement exotique, qui ne peut évidemment pas exister aux yeux du spectateur asiatique. Il en va de même des vues sur les immeubles d’habitation de Hong-Kong, dont on découvre avec étonnement qu’ils ne diffèrent pas grandement de ceux de Sarcelle ou d’ailleurs. Et là c’est l’absence d’exotisme, au contraire, qui nous surprend. Un dernier élément du succès du film, universel, celui-là – peut-on espérer – tient à son message : qui n’aurait envie d’être aussi bien accompagné que Ah Tao à la fin de sa vie ?
Au CMAC de Fort-de-France, les 11 et 19 juin.
(1) Impossible de ne pas penser à l’héroïne du conte de Flaubert, Un cœur simple, en regardant ce film. Faut-il y voir une influence ? Ce ne serait pas une mauvaise source d’inspiration.