— Par Selim Lander —
Après Un homme est mort (notre billet précédent) un autre film politique, une docu-fiction relatant une bavure de l’armée israélienne, soit une vingtaine de morts civils dans une famille élargie lors de l’opération « Plomb durci » (le nom, à lui seul, est tout un programme) dans la Bande de Gaza. On connaît la brutalité de Tsahal qui n’hésite pas tuer froidement une centaine de Palestiniens (par bombardement ou tirs à bout portant) pour tout Israélien tué : entre le 27 décembre 2008 et le 19 janvier 2009, 1315 Palestiniens ont été tués contre 13 Israéliens selon Wikipedia. Il s’agit de terroriser les terroristes en se montrant encore plus cruels qu’eux. A voir comment ils votent, les Israéliens sont majoritairement favorables à cette politique dont on imagine mal, pourtant, qu’elle puisse conduire à la paix. Il est vrai qu’ils y sont encouragés par les puissances grandes et moyennes, Arabie saoudite comprise, qui se bornent à financer la reconstruction des bâtiments et installations diverses bombardées par Israël sans jamais lui présenter la note.
Là-dessus se greffent le souvenir de la Shoa et la dénonciation de l’antisémitisme et de l’antisionisme. Le dernier terme est ambigu puisqu’il signifie au sens propre être contre la création – et partant l’existence – de l’Etat d’Israël et en un sens plus relâché être opposé à la politique d’Israël en Palestine (occupation, colonies, massacres). Aux dernières nouvelles, au nom de l’antiracisme, on n’aurait plus le droit d’utiliser le mot antisionisme.
Le film de Stefano Savona est donc dans une certaine mesure utile. La reconstitution de l’action proprement dite – l’arrivée des soldats dans l’une des maisons de la famille Samouni et l’exécution sans sommation du père venu leur ouvrir la porte en brandissant ses papiers comme on le lui demandait, puis le bombardement d’un autre bâtiment dans lequel plusieurs familles avaient été regroupés par l’armée – est très bien faite. Le reste du film (qui dure plus de deux heures) traîne un peu en longueur et c’est dommage. Davantage resserré, Samouni Road eût été plus percutant.
Hélas, percutant ou pas, on sait qu’un film ne changera rien au rapport de force au niveau mondial et qu’Israël continuera longtemps ses exactions en Palestine, entretenant la haine des Palestiniens à son égard. Le film n’est donc utile que dans la mesure où il pourra peut-être changer le point de vue de quelques spectateurs peu informés sur Israël et l’islam en leur montrant qu’à la folie meurtrière de nombre de musulmans font pendant, en quelque sorte, des tueries planifiées, ordonnées par un Etat. Et de se demander si l’une ne va pas sans les autres ? La question mérite en tout cas d’être posée.
Programme du 27 mars 2019.