Les Malheurs de Sophie, Swagger, The Fits
— Par Selim Lander —
Les Malheurs de Sophie de Christophe Honoré
Mercredi oblige, des films pour enfants sont programmés. Dommage que les parents des petits Martiniquais n’aient pas le réflexe de vérifier s’il n’y a pas une projection pour eux tel ou tel mercredi à l’Atrium. C’était le cas ce 22 mars dans le cadre des RCM, avec un dessin animé suivi des Malheurs de Sophie joués quant à eux par des comédiens en chair et en os dans les décors (réels) et les costumes de l’époque. Seuls les animaux sauvages (écureuil, hérissons et grenouille) sont des personnages de dessin animé incrustés dans les images du film. Du beau travail, un peu froid cependant, les bêtises de Sophie s’enchaînent les uns après les autres comme une série de sketchs sans lien entre eux (ainsi que dans le roman de la comtesse de Ségur). Les malheurs véritables (les deux parents de Sophie sont morts en Amérique) sont rapidement relatés par la maman de Camille et Madeleine. Puis c’est le retour de Sophie avec son horrible belle-mère, qui est, lui, filmé jusqu’au dénouement. Comme toujours chez Honoré, on se trouve face à un objet cinématographique plus décousu qu’on ne le voudrait.
Du bel ouvrage quand même. Dommage qu’il n’y ait pas eu davantage d’enfants dans la salle. Est-ce faute d’une information suffisante des parents, faute d’envie de leur part, ou ont-ils redoutés, ces parents, que le film donne de mauvaises idées à leurs chères petites têtes ?
Swagger d’Olivier Babinet
Film hybride, documentaire arrangé sur des collégiens d’Aulnay (Seine-Saint-Denis) avec des séquences oniriques (les lapins en liberté, le chameau au milieu d’un terrain vague, l’attaque des drones). Le titre intrigue les non-anglicistes ; sa signification sera donnée dans le générique de fin. Swagger : fanfaron. Ceci dit, des fanfarons, il n’y en a pas trop dans le film, seulement deux sapeurs et une petite fille qui se voit déjà architecte et qui tient des propos complotistes (à propos de Mickey et des poupées Barbie !). Deux manières différentes de s’évader d’une réalité plutôt décourageante.
La religion n’est là qu’à l’arrière-plan avec des vues sur l’extérieur d’une mosquée (rutilante) et d’une église (misérable) et quelques images d’un intérieur d’appartement avec des calligraphies soigneusement encadrées fixées sur les murs. Les obsessions de ces jeunes (tous d’origine immigrée) sont autres. Et d’abord le bled, pour la plupart un repoussoir, un lieu de relégation où les parents les enverront s’ils se comportent mal. Une fille, cependant, le voit plutôt comme un lieu de convivialité par rapport à Aulnay où elle se sent isolée. Autre obsession plus inattendue : les roms qui font l’objet d’une détestation à peu près générale…
Plus que par les entretiens avec les adolescents du collège Claude Debussy, le film séduit par ses envolées oniriques (voir plus haut) ou simplement esthétiques, comme les vues d’Aulnay, la nuit, photographiées par un drone. On mesure à l’occasion combien ces nouveaux appareils peuvent s’avérer précieux pour les réalisateurs.
The Fits d’Anna Rose Holmer
La programmation à la suite de Swagger offre un point de comparaison sur les modes de vie de des adolescents appartenant aux minorités de couleur des deux côtés de l’Atlantique. On n’en tirera pas une conclusion générale, le fait est pourtant que le centre sportif Lincoln (côté USA) – qui semble n’attirer, lui aussi que des noirs – paraît nettement plus attractif que le collège Claude Debussy. Nous y suivons deux groupes qui se mélangent peu : d’une part des garçons qui font l’apprentissage de la boxe ; d’autre part des filles appartenant à un groupe de fitness qui s’entraînent pour une compétition de drill (sorte de danse très rapide). Le lien est fait par une petite fille (tout juste adolescente), la sœur du garçon qui s’occupe de l’entretien du centre (il est possible de gagner de l’argent aux Etats-Unis beaucoup plus tôt que chez nous).
Ce film est, lui aussi, une sorte de documentaire fictionnalisé. Il insiste sur les conversations entre filles (portant principalement, comme de juste, dès qu’elles sont suffisamment montées en graine, sur les garçons). Néanmoins la part accordée à la fiction est plus importante que dans Swagger, avec l’introduction d’une épidémie qui provoque des transes chez certaines des filles. Epidémie si mystérieuse que nous ne saurons jamais le fin mot de l’affaire.
Quoi qu’il en soit, les deux films restent pour l’essentiel des documentaires… guère passionnants. Les adolescents d’aujourd’hui sont ce que nous savons. S’ils ont certainement beaucoup de choses à dire, ils ne savent guère les exprimer…
Les couacs de Madiana : Après Desierto programmé le 18 à 21 h mais projeté seulement à 22 h, Swagger, lors de la séance de 22 h, a été interrompu au bout de quelques minutes. Il nous a été alors expliqué qu’il fallait tout recommencer depuis le début parce qu’on aurait oublié de nous passer la pub… Vrai ou pas vrai ? De quelle(s) pub(s) s’agissait-il ? Nous avions pourtant eu la pub de Mercedes habituelle ! La projection a fini par reprendre à partir du début du film.