— par Roland Sabra —
Editorial du 07 février 2008
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Le rap a trente-trois ans, l’âge du Chirst, mais s’il grimpe c’est au box office pas sur le Golgotha. Il est né à New York de joutes verbales, plutôt poétiques dans les prisons et franchement militantes sur les trottoirs du Bronx, du Queens ou de Brooklyn. N’en déplaise aux rombières c’est un mouvement artistique complet, un mode de vie, le hip hop. A la musique se joignent la danse, break, smurf etc., l’expression picturale, graffitis, tags et des codes vestimentaires et comportementaux déterminants, baggies, look XXL, bijoux en or et rollex ostentatoires. La généalogie du rap est rhizomatique, elle emprunte à la fin des années soixante aux Last poets, un collectifs de jeunes noirs militants qui clament en musique leurs révoltes à caractère politique, mais elle est reliée aux sounds systems jamaïquains et à leurs discos mobiles qui parcouraient l’île sono hurlante pour faire connaître les derniers tubes. Au milieux des années soixante-dix dans le Bronx, un surnommé Kool Herc organise une fête et a l’idée d’utiliser deux platines pour mieux assurer l’enchainement des morceaux et faire durer les breaks, ces moments où ne reste que le tempo, le beat. Idée géniale qui ravit l’assistance et qui l’incite à renouveler l’expérience en confiant à des mômes du quartier, un peu loubards, le rôle d’assurer l’ambiance de la soirée en mettant en rime leur rage, leur revendications. Ils deviendront les premiers MC : les Maîtres de Cérémonie.
Les tout premiers textes ne vont pas plus loin que la chaîne et la montre au bout des bras et l’affichage un peu vantard des conquêtes féminines. Il faudra attendre une dizaine d’années pour qu’à la découverte fortuite du scratch, ce jeu des mains sur les vinyls qui produit un son étrange, viennent s’ajouter une invention technologique importante le sampler. Il s’agit d’un appareil avec le quel on peut extraire des morceaux d’une composition et les incorporer à d’autres échantillons en les transformant. Le pillage pourra commencer, essentiellement dans un premier temps dans l’œuvre de James Brown avant de s’élargir.
Ces découvertes, ces inventions techniques sont concomitantes de la politisation des textes. Les fondements politiques du mouvement sont de deux origines. On note premièrement, une réaction à la violence meurtrière des gangs qui génère une tentative de retour aux sources africaines d’une partie de la jeunesse livrée à la déshérence, avec la fondation de Zulu Nation et deuxièmement une dénonciation des conditions dans lesquelles tente de survivre, entre seringues, folies assassines et chômage la population des ghettos. The Message, comme son nom l’indique, de Grand Master Flash and the Furious Five est l’album qui va révolutionner le rap.
C’est dans ce contexte que le groupe « Public Enemy ( cf ci-contre) va devenir le plus grand groupe de l’histoire du rap. Son talent réside dans l’alliance entre des positions radicales héritées des Blacks Panthers, et la création d’un univers sonore en parfaite adéquation avec la teneur subversive des propos générés. Après avoir flirté avec Louis Farrakhan, le leader de Nation of Islam le groupe prendra ses distances.
Chuck D et Public Enemy restent la conscience militante du rap alors que celui- en se déplaçant vers le Sud des Etats-Unis développe une thématique plus proche du sexe que de l’engagement politique. Quand la logique de la jouissance immédiate l’emporte, la domination se fait tranquille.
Roland Sabra, Fort-de-France le 03-02-08