De Jean-Frédéric Schaub & Silvia Sebastiani
Ce livre présente les processus de racialisation qui ont ponctué la transformation de l’Europe et de ses colonies de la fin du Moyen Âge à l’âge des révolutions. Cette histoire éclaire l’évolution des sociétés, des institutions, des cultures et des théories. Elle décrit la volonté de catégoriser les individus et les groupes, de les enclore dans des identités présentées comme intangibles, de discriminer les collectifs dominés, voire d’organiser l’oppression à grand échelle contre des populations définies par leur race.
La racialisation procède par naturalisation des rapports sociaux et des caractères physiques et moraux qui se transmettent de génération en génération, à travers la procréation. Elle repose sur une contradiction : le racisme affirme que les gens sont prisonniers de leur race et s’emploie néanmoins à gérer la transformation des races.
Quatre coups de projecteur permettent de rendre compte de cette histoire : la noblesse de naissance face à l’anoblissement, la nature juive ou musulmane qui persiste dans le sang des convertis, l’origine ineffaçable des métis dans l’Amérique coloniale, la déshumanisation des Africains par la traite esclavagiste.
Ces phénomènes sont les expériences séculaires sur lesquelles les auteurs des Lumières se sont fondés pour classer l’humanité en races. Ils hiérarchisent les groupes humains mais proclament aussi l’universalité des droits de l’homme. Le siècle des philosophes peut alors se lire comme le fruit d’une histoire passée, autant que comme le fondement d’une histoire inachevée, la nôtre.
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« Race et histoire dans les sociétés occidentales », de Jean-Frédéric Schaub et Silvia Sebastiani : la race comme enjeu de pouvoir
Un essai passionnant qui fait l’histoire de la notion de race en Occident du XVe au XVIIIe siècle, de la noblesse médiévale aux Lumières.
Par Claire Judde de Larivière(Historienne et collaboratrice du Monde des livres)
« Race et histoire dans les sociétés occidentales (XVe-XVIIIe siècle) », de Jean-Frédéric Schaub et Silvia Sebastiani, Albin Michel, « Bibliothèque histoire », 512 p., 24,90 p., numérique 17 €.
La notion de race est forcément ambiguë. D’un côté, elle a été instrumentalisée depuis au moins deux siècles par les tenants de discours racistes qui postulent qu’elle a des fondements biologiques, un mythe que les sciences du vivant comme les sciences sociales ont parfaitement déconstruit. D’un autre côté, celles-ci ont besoin du mot lui-même, qu’elles définissent donc avec précaution.
Ainsi, avec Jean-Frédéric Schaub et Silvia Sebastiani, on peut considérer la race comme « une construction sociale et historique », une fiction inventée « pour conforter la domination politique » en faisant passer certains caractères sociaux pour des identités physiques intangibles, comme ils l’écrivent dans l’introduction de Race et histoire dans les sociétés occidentales. Faire l’histoire de cette notion représente donc un double enjeu – analytique et politique –, qui traverse cet essai passionnant.
Animant depuis plusieurs années un séminaire à l’Ecole des hautes études en sciences sociales sur ce sujet, les auteurs étudient ici les origines polysémiques de la race comme « ressource politique », en montrant comment elle est devenue un enjeu de pouvoir de la fin du Moyen Age aux Lumières, bien au-delà de la seule stigmatisation de la couleur de la peau et de l’altérité. Cette histoire longue commence avant la rupture de 1492, date de l’expulsion des juifs de Grenade et des expéditions de Christophe Colomb.
L’ouvrage reflète le dynamisme d’un champ de recherche aujourd’hui très productif en France, et qui suffit à contredire ceux qui prétendent que la race est un concept importé des Etats-Unis, peu pertinent pour faire l’histoire des sociétés européennes. S’il est vrai que le monde anglophone a généré d’innombrables travaux qui nourrissent des débats déjà anciens mais constamment réactualisés sur le sujet, les recherches françaises sont elles aussi présentement traversées de discussions très stimulantes, à l’image des livres récents d’Aurélia Michel (Un monde en nègre et blanc, Seuil, 2020) ou de Claude-Olivier Doron (L’Homme altéré, Champ Vallon, 2016), lui-même coéditeur de deux numéros de la Revue d’histoire moderne et contemporaine sur ce même sujet (2021)….
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Date de parution
06 octobre 2021
Édition Brochée
24,90 €
Édition Livre numérique
16,99 €