— Par Roland Sabra —
Impressions est le mot qui vient à l’esprit après une semaine intense en projections de films divers et variés.
Impressions tout d’abord et avant toute autre chose pour la belle rétrospective Hong Sang-soo, qui lentement a su mobiliser un public que rien de prédisposait à la découverte d’un cinéaste coréen, plus connu en France que dans son propre pays et totalement ignoré en Martinique, à l’exception de la poignée de spectateurs qui avaient eu la chance de voir « Haewon et les hommes » il y a deux ans de cela. Impressions donc parce que, c’est devenu un truisme que de l’écrire, Hong Sang-soo s’inscrit dans la veine du cinéma impressionniste. Il est de ceux à l’identité suffisamment charpentée qui peuvent accueillir l’autre. Il reconnait volontiers la dette qu’il a vis à vis d’auteurs occidentaux qu’il s’agisse de Robert Bresson, d’Éric Rohmer, de Luis Buñuel, de Jean Vigo, de Friedrich Wilhelm Murnau, de peintre comme Cézanne, d’écrivain comme André Gide. Son troisième film qu’il réalise en 2000 s’intitule « La vierge mise à nu par ses prétendants », comme un clin d’œil à l’œuvre de Marcel Duchamp « La mariée mise à nu par ses célibataires, même » . Néanmoins il reste et il demeure avant tout un cinéaste coréen. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette rétrospective.
Cinéma et musique était donc le thème de cette 10ème édition des Rencontres Cinémas Martinique. Compte tenu des spécificités culturelles de nos iles ce sont ces films qui ont attirés le public le plus large, non pas tant par leurs qualités cinématographiques que par les thématiques dont ils étaient porteurs centrées sur des biographies restituées sous forme de documentaires. Deux d’entre eux, plutôt bien construits, et dont c’était la première nationale à Fort-de-France méritent le détour. « Nas : Time is illmatic » de One 9 qui n’élude pas les conditions sociales de la réalisation d’un album de Hp-Hop mythique et « Fending Fela » d’Alex Gibney, assez roublard pour construire son film à partir d’archives, d’interviews, de documentaire et d’une comédie musicale montée à Broadway. Musique, engagement social et politique, sexe et drogue, machisme outrancier et générosité sans borne d’un personnage hors du commun. Si l’on compte les courts métrages et le projections en communes c’est sans doute près d’une centaine de films qui ont été programmés. C’était beaucoup. Sans doute beaucoup trop. Des rencontres resserrées autour de thématiques plus précises et préparées par une communication à la hauteur de l’évènement seraient les bienvenues.
Comment se fait-il que si peu d’étudiants aient été présents? Où étaient en particulier ceux qui suivent des cours au Campus caribéen des Arts? Il existe pourtant un département qui s’appelle « Le Cinéma & la Communication »! On ne pourra se consoler en remarquant que le département » Les Arts Vivants (Musique, danse, théâtre) » ne fournit pas de troupes plus nombreuses pour les activités qui sont sensées relever de son domaine d’intérêt! Comment peut-on prétendre faire carrière dans les métiers du cinéma et se désintéresser d’une rétrospective Hong Sang-soo, ou ignorer le travail d’un Jonathan Glazer ou d’un Quentin Dupieux? Et certains de s’étonner que des diplômes débouchent sur le chômage!
Peut-être que les quelques comptes-rendus de films qui relèvent du choix subjectif, forcément subjectif des contributeurs de Madinin’Art et bien imparfaits dans la forme et le fond apporteront des éléments d’informations à celles et à ceux qui ont brillé par leur absence. Une dernière remarque à propos du cycle Hong Sang-soo, le nombre de spectateurs a été en constante progression. Sans doute un effet du bouche à oreille car les medias auront été eux-aussi bien silencieux!
Cela étant, quelques désagréments organisationnels ont perturbé le déroulement du festival. Des horaires annoncés dans la première version du programme, modifiés sans que cela soit signalé, l’invention d’une programmation le 31 juin, un planning soit disant récapitulatif illisible, un départ de film raté à Madiana, des horaires qui conduisaient à rendre impossible la vision de deux films dans la même soirée, la nécessité de courir de l’Atrium à Madiana, des conditions matérielles d’écoute grandement perfectibles dans la salle Frantz Fanon. On a balancé entre » abondance de bien ne nuit pas » et « le mieux est l’ennemi du bien ». La déportation d’activités à Madiana a montré ses limites. Il est temps d’envisager un rapatriement de l’ensemble des projections de la région centre de l’île sur l’Atrium. Cela suppose un investissement dans l’achat d’un appareil de projection numérique et l’installation d’un Dolby stéréo dans la salle Frantz Fanon. La chose prévue en aout 2015 semble reportée sans date précise et sans engagement ferme de la collectivité en charge de la gestion. Les élus auraient-ils l’aimable obligeance de daigner penser à faire en sorte que l’un des arts populaires les plus prisés en Martinique ait les moyens de son activité sans avoir à passer par un circuit de distribution privé? Ou y aurait-il là encore collusion d’intérêts?
A suivre…
Fort-de-France, le 19/06/2015
R.S.
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— Par Roland Sabra —
La Vierge mise à nu par ses prétendants est le troisième élément de la trilogie qui a permis de découvrir Hong Sang-soo en France. C’était hier, en 2003. Les deux autres films étaient « Le jour ou le cochon est tombé dans le puits », titre qui est la reprise d’un proverbe populaire coréen pour évoquer un jour où tout va mal et reprise de façon ironique paur le réalisateur pour célébrer le jour de l’effondrement de la dictature militaire en Corée du Sud, l’autre film s’intitulait « Pouvoir dans la province de Kangwon ». |