— Par Jean-Marie-Nol, économiste —
Un grand chambardement d’ampleur aura lieu autour du 15 janvier 2024 en France hexagonale et les cartes risquent d’être totalement rebattues en matière politique tant en Guadeloupe qu’en Martinique sur la question en suspens de l’évolution statutaire ou institutionnelle.
Emmanuel Macron se projette déjà dans l’après. Comme si le président ne fondait que peu d’espoir dans la capacité de la classe politique actuelle à réformer en profondeur la Guadeloupe et la Martinique ainsi d’ailleurs que la France hexagonale au vu des mutations technologiques et sociologiques de la société antillaise et française.
Si les faits politiques et les sondages d’opinion ont encore un sens, Emmanuel Macron devrait pouvoir, sauf accident malencontreux, se sortir sans trop de dommages de la séquence de la loi immigration en procédant dès le début de l’année prochaine à un profond renouvellement de la vie politique française. C’est dans cette perspective d’un prochain remaniement ministériel que le but ultime du dessein secret de Emmanuel Macron, et la raison d’être de sa stratégie politique et électorale actuelle, est de déconstruire idéologiquement le paysage politique de la France.
En Martinique et Guadeloupe, la situation politique est plus confuse, dans la mesure où la recomposition du paysage politique n’est pas d’actualité, mais néanmoins, il semble que le président soit décidé à faire le ménage dans les rangs de la majorité et opposition, car en plus de l’alignement des planètes qui lui a été jusqu’ici favorable, Emmanuel Macron est aussi incontestablement un surdoué de la politique politicienne. Doit on reprocher sa virtuosité au musicien ?
Il faut cesser de dénoncer comme de l’arrogance ce qui est avant tout l’affirmation d’une grande compétence et d’un indéniable savoir faire. D’aucuns sont loin de soupçonner les ressorts cachés de cette politique souterraine et masquée. Emmanuel Macron a manœuvré avec habileté dès sa réélection pour pousser le curseur de la société française à droite et a ainsi oeuvré en coulisses pour que sorte des urnes lors des dernières élections législatives une majorité relative pour le parti Renaissance. ( dans cet ordre d’idée il est bon de rappeler que Emmanuel Macron n’a pas fait campagne après sa réélection pour obtenir une majorité absolue à l’assemblée nationale ). De fait le président a instrumentalisé le parti républicain et manipulé le rassemblement national et la Nupes à l’insu de leur plein gré pendant toute la première partie de cette législature.« Le réel, c’est quand on se cogne. » disait le psychanalyste Jacques Lacan. Emmanuel Macron dont le modèle en politique semble être François Mitterrand a -t- il toutes les qualités requises pour mener à bon terme la mutation idéologique, morale, politique et économique de la France?
Dans un contexte national et international extrêmement difficile pour ne pas dire chaotique, il possède, selon nous, ce que j’appelle à la suite de certains chercheurs en neuropsychologie, » la diagonale du pouvoir « basé sur un équilibre parfait des préférences cérébrales. Les deux composantes clés de l’intelligence gagnante sont l’intelligence pratique et l’intelligence créative à savoir un parfait équilibre entre les 4 quadrants des 2 hémisphères du cerveau. Ce modèle appelé « Modèle Herrmann » représente sous la forme d’un cercle divisé en quadrants, 4 grandes familles de modes de traitement de l’information :
• mode dit « gauche » (associé à l’hémisphère gauche du cerveau) : raison et méthode
• mode dit « droit » (associé à l’hémisphère droit du cerveau) : sentiment et imagination
Dans un gros ouvrage « ces cerveaux qui nous gouvernent «, l’auteur Marie – Joseph Chalvin (psychologue, consultante et formatrice en techniques comportementales et cognitives) nous explique que les deux hémisphères, cerveau gauche, cerveau droit, et les deux sous-parties limbique et corticale permettent de décrire quatre styles de pouvoir à travers une approche neuropsychologique des hommes d’État et des hommes politiques : l’expert, le stratège, le communicateur et l’organisateur.
Pour ceux qui s’intéressent à la face cachée de la politique, ils peuvent lire le livre de Marie-Joseph Chalvin : « Ces cerveaux qui nous gouvernent » : Une approche neuro-historique des hommes d’État de Louis XI à Mitterrand.
Oui, disons le tout net Emmanuel Macron a bien façonné la politique française à sa main, et aussi totalement remodelé le paysage politique français. Les méthodes utilisées sont de notre point de vue, certes inavouables, mais peut-t-on lui en faire grief ?
» Quand le doigt montre la lune, l’idiot regarde le doigt. «
Pour en avoir le cœur net et pénétrer dans les dédales secrets du pouvoir, je conseille vivement à tous ceux qui veulent aller plus loin dans l’analyse des méthodes de la conquête du pouvoir politique de lire le livre de Machiavel : « le Prince ».
Exemple de citations de Machiavel : « Il est plus sûr d’être craint que d’être aimé » ou encore… »Il faut au Prince avoir l’entendement prêt à tourner selon les vents de fortune… et ne pas s’éloigner du bien, s’il le peut, mais savoir entrer au mal s’il y a nécessité. »
Ce faisant, ce président est bien dans la droite ligne des chefs d’État machiavéliques, à l’instar du grand stratège qu’était François Mitterrand en son temps. François Mitterrand qui avait génétiquement en lui cette diagonale du pouvoir qui lui permettait de jouer alternativement sur tous les tableaux allant de l’expert au stratège en fonction des circonstances, et passant du communicateur à l’organisateur lorsque la situation du terrain politique l’exigeait. Cette faculté qui n’appartient qu’aux très grands politiques permet d’expliciter la formule de François Mitterrand : « Il faut savoir épouser le terrain et ne laisser au hasard que la part qui lui revient ». Alors aujourd’hui, peut-t- on sérieusement en vouloir à Emmanuel Macron de s’inscrire dans les pas de François Mitterrand, quand on connaît un tantinet la réalité profonde et très dégradée de la situation politique, économique et financière d’une France en déclin et plus que rebelle, et j’y reviendrai en temps voulu, une fois les passions apaisées après la séquence de la loi immigration.
Dommage qu’en Guadeloupe et en Martinique l’on ne valorise pas l’expertise et l’excellence. C’est un legs de la période esclavagiste et coloniale. Jalousie, médisance, fan tchou, etc.. Tout cela semble relever de l’atavisme et de la neuro-psychogénéalogie ! Et je ne saurais trop suggérer aux contempteurs de ma pensée inédite de se replonger dans les contes créoles de kompé lapin é kompé zamba… Tout y dit et décrit depuis les temps immémoriaux de la période esclavagiste et coloniale aux Antilles.
En effet, cela semble d’ordre rédhibitoire et point besoin de s’y attarder, mais nonobstant cette problématique d’ordre psychologique propre aux Antilles, nous sommes au contraire en France passés du règne des notables à celui des experts et des think-tanks, d’un système centré sur le parlement à un autre tourné sur l’Élysée. Emmanuel Macron est devenu président sans jamais avoir exercé un quelconque mandat électoral et les chefs d’entreprise forment la catégorie socioprofessionnelle la plus importante de l’Assemblée nationale. Le recrutement ne se fait plus sur la notabilité mais l’expertise acquise dans les IEP et l’ENA. C’est là bien la conséquence de la complexification croissante de l’économie avec les crises successives.
Ouï, je vais encore choquer certains, mais vaut mieux une vérité qui fait mal qu’un mensonge qui réjouit. Ce peuple français est devenu vraiment schizophrène en croyant encore à la notion surannée de peuple souverain. La vérité que les français ne veulent pas entendre c’est que les élites politiques et économiques ont pris le pouvoir en France hexagonale tant en économie politique, en affaires, en sciences, qu’en littérature, etc..
« Apatoudi menné koulèv lékol, sé fè-y sizé i tout. »
– traduction littérale : Ce n’est pas tout de mener une couleuvre à l’école, encore faut-il la faire s’asseoir.
– moralité : Ce n’est pas tout d’entreprendre, le plus difficile est de mener le projet à son terme.
Jean marie Nol économiste et chroniqueur politique