Qui suis-je d’après le roman de Thomas Gornet, m.e.s.. Yann Dacosta, dessinateur Hughes Barthe
Festival d’Avignon off 2018
11. Gilgamesh Belleville
Qui suis-je? Et que peut-on apercevoir de ce que je suis? S’il est une question qui obsède l’adolescence, c’est bien celle de l’image, par où l’on donne à voir aux autres une personnalité, parfois (souvent) à son corps défendant. Et le groupe des ado. n’a pas la réputation d’être tolérant à la différence. D’où le besoin farouche de ressembler aux autres, de se fondre dans la masse. Hélas, il existe des aspects de notre personne qui nous échappent, lesquels sont plus ou moins apparents et plus ou moins connus de nous. Pour l’adolescent, la question « qui suis-je » pourrait donc se reformuler « qui les autres m’apprennent-ils que je suis? »
Là est le drame de l’individu en devenir, et c’est ce processus de construction de l’identité que retrace le roman de Thomas Gornet et son adpatation théâtrale par Yann Dacosta. Processus particulièrement épineux lorsqu’on se découvre un désir homosexuel. Cette sexualité, déjà tellement difficile à assumer pour un ado. hétéro devient souvent un calvaire pour l’ado. homosexuel. C’est tout le poids de la différence et de la discrimination qu’il lui faut alors supporter. C’est l’ensemble des relations sociales qu’il faut alors réviser: relations avec les parents, avec les camarades, avec l’autre sexe…..
On comprend bien que pour traîter un tel objet, il fallait inventer une scénographie idoine et travailler sur le dialogue dans le sens du réalisme sans renoncer à sa part de rêve et de poésie: ce n’est pas chose aisée de retouver sur le plateau les accents et le style de l’adolescence, sans tomber dans la caricature. Pari réussi, puisque celui-là trouve le mélange d’humour, de tendresse pudique et de vacherie féroce pertinent. Il a fallu aussi que les acteurs sachent puiser dans leur mémoire les attitudes, les gestes et les expressions typiques de cet âge. Saluons la performence de l’acteur qui endosse le rôle de Vincent, Côme Thieulin, dont la silhouette fragile et le regard étonné font merveille.
Mais le point fort de cette mise en scène reste la scénographie: idée lumineuse que celle d’avoir accompagné, ponctué ou souligné l’action par le recours à la bande dessinée projetée sur un écran. Tout le décor, avec au centre le vestiaire des cours de sport (lieu névralgique s’il en est) est porté par cet écran animé, qui servira aussi à projeter en ombre chinoise les personnages, de sorte que parfois dessin et acteurs se fondent dans la même image.
Au total un très joli spectacle où se disputent la drôlerie et la gravité.
Michèle Bigot