Qui a vidé la banque des békés ?

 

 

Par Marie-France ETHEGOIN dans Le Nouvel Observateur 17 janvier 2013 – N° 2515

 

 

Découverts abyssaux, prêts jamais remboursés, largesses accordées aux amis et aux partenaires en affaires. Pendant des décennies, le Crédit Martiniquais tenu par les puissantes familles créoles qui dominent l’économie de l’île, a dilapidé les économies des épargnants. Marie-France Etchegoin relève les dessous d’un scandale qui ravive les brûlures de l’histoire coloniale. La Martinique est un puzzle. Mémoires disparates, blessures séculaires, colères enfouies. Celles des fils d’esclaves contre celles des enfants de colon, des Noirs contre les Blancs, des « petits » contre les » gros ». Fin novembre, à Fort-de-France, il faut grimper sur les hauteurs de la ville pour avoir un aperçu de cette névrose insulaire. Jusqu’à la cour d’appel, qui siège dans un modeste préfabriqué surplombant l’époustouflante baie. C’est là, loin des regards, dans le ronron des climatiseurs, que l’on finit d’enterrer l’une des affaires les plus emblématiques de l’île. Le scandale du Crédit Martiniquais. Charles Rimbaud, 69 ans, crinière blanche et bretelles apparentes sous le blazer, écoute d’un air las les litanies de l’accusation. A la fin des années 1990, les en-cours de cet ex-promoteur en vue s’élevaient à près de 40 millions d’euros. « Sans convention, sans garantie » et « au mépris de toutes règles de prudence ». M. Rimbaud rêvait d’un manoir en France ? Il sortait son chéquier. Et le Crédit banquait sans sourciller pour cet insatiable client à la « personnalité certes un peu difficile », selon les employés, mais qui « entretenait des relations au plus haut niveau de l’établissement ». Fils d’une vieille famille implantée dans l’île depuis le XVIIème siècle du coté du père, ancêtres charpentiers, réussite à force du poignet. Et ascension fulgurante grâce aux fameuses lois Pons, votées en 1986, sous Jacques Chirac. Profitant de la défiscalisation pour la construction de logements neufs, Charles Rimbaud a fait pousser ses sociétés immobilières comme des champignons. Et il y a englouti « ses » millions dans des projets qui n’ont, le plus souvent, jamais vu le jour. « La faute à la crise », explique t-il à la barre. Il a revendu ce qu’il pouvait et jure qu’il a « remboursé » ses créanciers.

Depuis, « Monsieur Bretelles », comme on le surnomme parfois, s’est reconverti dans la banane, sur la commune du Vauclin, dont il est devenu le plus grand propriétaire foncier. Devant la cour, le maire-socialiste- lui rend un vibrant hommage : « Je suis l’arrière petit fils d’un esclave et M. Rimbaud, celui d’un esclavagiste. Mais il fait le bien dans notre ville. Et le soir, pour dîner, il y a des nègres à sa table. » Comment éviter que l’histoire et ses plaies mal refermées ne s’invitent à la table ? Dans l’imaginaire local, le Crédit Martiniquais était « la banque des békés », ces puissants créoles qui dominent l’économie antillaise depuis le temps des colonies. Charles Rimbaud, « moyen béké » n’avait rang que de débiteur. Mais dans les instances dirigeantes, c’étaient les représentants des plus grandes familles qui siégeaient. Les Huygues-Despointes, les Fabre, les Laguarrigue. Ou les Hayot, Bernard en tête, le plus éminent d’entre eux, le plus secret aussi, et le plus riche, magnat de la distribution, première fortune des Antilles (275 millions d’euros), 155ème de France (1), 2 milliards de chiffre d’affaires… Tous ces propriétaires terriens, distillateurs ou planteurs – membres du conseil d’administration ou actionnaires majoritaires de l’établissement -, ont laissé se creuser des découverts vertigineux. Prêts à volonté et chèques en bois à gogo. Le Crédit Martiniquais a financé toutes les folies, cumulant près de 130 millions d’euros de créances douteuses. Jusqu’à la quasi banqueroute, évitée de justesse par la mobilisation de l’Etat.La justice, elle aussi, a bien fini par s’en mêler, sans trop de précipitation. En 1998, le parquet ouvrait une information judiciaire qui abouti en… 2009 au renvoi en correctionnel de six prévenus (la directrice générale de la banque – son président étant mort en cours d’instruction – et cinq clients), pour abus de biens sociaux et escroquerie. Un premier procès s’est tenu en 2011. C’est l’appel de cette affaire qui vient d’être plaidée à Fort-de-France.

Près de quinze ans après l’éclatement du scandale dont les dessous ont été, au fil du temps, passés sous silence…Si l’on en croit plusieurs documents du dossier que « le Nouvel Observateur » a consultés, c’est en effet un désastreux mélange des genres qui a conduit l’établissement à la ruine. Les actionnaires réunis dans une holding, la Cofidom, qui détenait de la banque(2) , s’étaient associés en affaire avec les plus gros débiteurs du Crédit Martiniquais. Au premier rang desquels Charles Rimbaud. « La Cofidom s’est lancée avec lui dans des projets immobiliers de grande envergure, expliquent les magistrats instructeurs. Ceux-ci ayant échoué, elle a eu recours à sa filiale bancaire pour assurer au promoteur un découvert devenu abyssal et en grande partie irrécouvrable ». Pis, les mêmes actionnaires bénéficiaient personnellement de « concours très significatifs et d’une tarification avantageuse par rapport à la clientèle classique – cas du Groupe Bernard Hayot – alors même qu’ils n’apportaient qu’un volume de ressources limité à la banque qui se refinançait par les dépôts des particuliers. » En clair, les dirigeants, qui plaçaient leur fortune sous d’autres latitudes et confiaient aux petits épargnants de l’île le soin d’alimenter les caisses, faisaient des ponts d’or à leurs riches amis ou à leurs hommes de paille. « Ils se prêtaient à eux mêmes, tout en contribuant aux pertes », dit un expert financier du dossier.Le Crédit Martiniquais trônait au cœur de Fort-de-France, place de la Savane. Et dispensait ses belles promesses sur l’aide au « développement de l’économie locale ». En réalité, affirment les juges d’instruction, il s’est spécialisé dans des « opérations spéculatives, peu créatrices d’emplois, parfois même à l’étranger, en fonction de considérations purement patrimoniales ». Et surtout « des dispositions fiscales avantageuses prévues pour l’outre-mer », mesures qualifiées de « pousse au crime » par l’administrateur provisoire du Crédit Martiniquais qui a fait le ménage avant fermeture… Les inspecteurs de la Commission bancaire ont, eux aussi, été effarés par ce qu’ils ont vu : « dysfonctionnements graves, déficience des contrôles internes, insincérité des comptes ». Les raisons de cette gestion « exotique » selon eux ? « Un engagement déraisonnable de la banque et de ses dirigeants en faveur des principaux conglomérats familiaux békés de la Martinique. »

Les « conglomérats » ont, comme toujours, fait le gros dos, laissant passer l’orage et tirant les sonnettes d’alarme à Paris. Lorsque la catastrophe financière commence à fuiter dans la presse, à la fin des années 1990, les déposants se pressent en effet aux guichets pour retirer leurs économies. La grogne enfle dans l’île aux cris de « Békés, voleurs ! ». Mais il ne faut pas longtemps avant que l’Elysée et Matignon volent au secours des « grandes familles ». Marcel Fabre, figure légendaire de la caste béké dont le groupe est représenté au conseil d’administration de la banque, est un intime de Bernard Pons. Les frères Hayot sont réputés pour leurs amitiés balladuriennes. A l’ombre de la présidence Chirac, mais aussi lors de la cohabitation, alors que Jospin est à Matignon et Strauss-Khan à Bercy, les pouvoirs publics s’activent pour empêcher la faillite qui menace de mettre le feu à la Martinique et inventent une solution sur mesure : la création, d’un « fonds de garantie des dépôts », alimenté par l’ensemble du réseau bancaire français, chargé d’ « indemniser les clients en cas de défaillance de leur établissement ». Ce fonds – qui à ce jour n’a jamais servi qu’en Martinique – débourser 1,5 milliard de francs pour éviter la spoliation des épargnants de l’île. Les banques qui souscrivent au fonds répercutent évidemment cette dépense sur leurs frais généraux donc sur leurs clients quand elles ne la déduisent pas de leurs impôts. Ce sont donc les particuliers et les contribuables qui, in fine, ont sauvé la mise des actionnaires du Crédit Martiniquais. Lesquels seront tous ou presque épargnés par l’instruction judiciaire. Yves Hayot, le frère de Bernard, est bien convoqué chez le juge au début de l’enquête, mais seulement pour être entendu. Marcel Fabre est bien mis en examen. Mais, cerné par le fisc depuis des années, il ne tient plus le haut du pavé. Et il finit par mourir, au cours d’une interminable et paresseuse procédure. Lors des deux procès, en première instance et en appel, aucun des seigneurs de la Martinique n’ira s’asseoir sur le banc des prévenus au côté du truculent Rimbaud. Et aujourd’hui dans l’île, seuls les initiés, habitués aux arcanes des contentieux financiers, savent que le fonds de garantie des dépôts s’est retourné contre les ex-actionnaires pour leur réclamer les sommes avancées en 2000.

Une bataille juridique à fleurets mouchetés, non pas au pénal mais au civil , devant le tribunal de Paris , loin des Antilles et de leurs brusques accès de fièvre. La cohorte d’avocats engagés par le « conglomérat békés » invoque la prescription. Ou l’ignorance par les anciens dirigeants des agissement de leur banque. Le fonds, lui, brandit des « centaines de documents prouvant leur parfaite connaissance de la situation » et rappelle avec insistance que « les groupes Bernard et Yves Hayot ont participé aux opérations immobilières du groupe Rimbaud, notamment dans la société Point de Vue » lourdement déficitaire mais portée à bout de bras par le Crédit martiniquais. La querelle se règlera sans doute en toute discrétion.« Le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit », aime à répéter Bernard Hayot, au dire de ses amis. « Je préfère ne pas vous répondre. De toute façon, vous écrirez du mal de moi… », lâche en effet l’octogénaire, d’une voix douce, en cette fin décembre, avant de raccrocher son téléphone. L’empereur des Antilles a pour principe de ne jamais donner d’interview. Se taire, préférer l’ombre à la lumière, tout en ménageant des protecteurs à Paris, ne jamais afficher un luxe trop ostentatoire… c’est la ligne de conduite des « grands békés ». Comme si en Martinique ou en Guadeloupe il y avait toujours quelque secret honteux à l’origine des grandes fortunes. Comme si l’étalage de la richesse risquait d’attiser les contentieux encore purulents, les « haines et les jalousies sociales » disent ceux qui ont réussi.En 2009, alors que les Antillais se soulevaient, ulcérés par les prix pratiqués par la grande distribution, Bernard Hayot était resté tout aussi muet.

Propriétaire des franchises Carrefour, Leroy Merlin et Décathlon, premier importateur de marques alimentaires et leader de la concession automobile outre-mer, gérant de centrales d’achats, d’entrepôts ou de frigos à Rungis jusqu’au Havre, fabricant de béton ou de parpaings, il trouvait injuste d’être érigé en symbole de la « profitation ». Fidèle à ses préceptes, il n’avait pas élevé la voix, cultivant comme toujours les échanges en coulisses, le plus souvent par l’entremise de ses missi dominici. Yves Jégo, ministre de l’Outre-mer sous Nicolas Sarkozy et viré sans ménagement du gouvernement après les grandes grèves, n’a jamais caché qu’il voyait dans sa disgrâce la main du plus riche béké de France. « Je me suis fait littéralement scalper, sur le thème « Jégo n’assure pas la sécurité des patrons. » Il entend encore l’entrepreneur lui susurrer au téléphone, au plus fort du conflit : « De la fermeté, monsieur le ministre, de la fermeté… – Mais il va y avoir des morts ! – On s’en remettra, on en a vu d’autres… » Aujourd’hui, alors que le nouveau ministre de l’Outre-mer, Victorin Lurel, promet de s’attaquer aux « oligopoles » qui « gangrènent l’économie antillaise (voir encadré-ci-contre), Bernard Hayot ne se départit pas de son apparente tranquillité. Sûr de lui, satisfait de ce qu’il a construit, inatteignable. Amateur d’art et d’orchidées, il a fait planter 250 palmiers royaux dans sa commune, au François. Il aimerait que la Martinique ressemble à un jardin. Dans sa magnifique habitation Clément, où l’on distille le meilleur rhum, plusieurs photos le montrent en compagnie de François Mitterrand et de George Bush père, qui avaient choisi la belle demeure coloniale pour abriter le sommet franco-américain en mars 1991. Le maître des lieux n’en est pas peu fier. Aujourd’hui, il a installé, au même endroit, une fondation pour soutenir la création et le patrimoine antillais. Au delà des origines et des couleurs de peau.Bernard Hayot déteste « tout ce qui divise » N’a t-il pas invité Aimé Césaire à planter un arbre dans le parc ? Un geste de « fraternité » qu’il n’a pas manqué de rappeler dans un bref communiqué quand, en janvier 2009, un documentaire de Canal + (les Derniers Maîtres de la Martinique », de Romain Bolzinger) a fait voler en éclat sa vision idyllique de l’île. On y voyait, sur des images d’archives de 1960, un certain « M. Hayot » présenté comme un « parent de Bernard » exposer sa conception du monde : « Le Noir c’est comme un enfant : il faut être juste, et on obtient ce qu’on veut… Les békés, c’est ce qu’il y a de mieux ; ce sont les descendants des Blancs européens qui se sont reproduits en race pure. » On y voyait aussi le patriarche de l’une des familles actionnaires du Crédit martiniquais, Alain Huygues Despointes, montrant fièrement devant les caméras de Canal + le grand arbre généalogique des ex-colons : « Toutes les familles sont là, Hayot, les Despointes, les Reynal… Nous sommes tous apparentés… On a voulu préserver la race. »

Dans un communiqué, Bernard Hayot a condamné « ces propos inacceptables ». Depuis, il n’est pas sorti de son silence. Quand il n’est pas à Paris, en Algérie, au Maroc ou en Chine, jusqu’où il a étendu son empire, qui compte 6 000 salariés, il reçoit, dans la fraicheur des bougainvilliers, artistes, hommes politiques, notables ou magistrats de l’île. « Voyez tout ce que Bernard Hayot fait pour la Martinique, dit Charles Rimbaud en faisant visiter, au sortir du procès, sa plantation de bananier. « Tous les jours, je le remercie. » Dans les couloirs de la cour d’appel, les conseils officieux du « grand béké » « venus pour voir », s’activent aussi pour le défendre. « Certains ont essayé de transformer cette affaire en symbole de la « lutte des races, » dit l’un d’eux. Mais vous savez qu’il y a aussi des Noirs dans la Cofidom ? » Des représentants de la « bourgeoisie mulâtre » qui s’est enrichie, elle aussi, dans le commerce et la distribution (seul secteur gagnant dans ces îles où tout s’importe) ont acheté quelques actions. « Ils ont été appelés à la rescousse au moment où l’établissement commençait à sombrer, confie un connaisseur de la banque. Je me souviens de l’un d’eux me disant : « Ça y est maintenant, je suis Blanc ! »Aujourd’hui, il se rend compte qu’il a été le dindon de la farce. Il a perdu sa mise. Ce sont toujours les mêmes blessures que l’affaire du Crédit martiniquais vient raviver.

Alors que le procès s’achève devant la cour d’appel, les membres de l’Association martiniquaise de Recherche sur l’Histoire des familles (voir encadré page 16) organisent une réunion publique à Fort-de-France. Ils sont des dizaines à tenter de reconstituer leur généalogie de descendants d’esclaves. Tandis qu’une participante sort de son sac l’acte de baptême de son ancêtre, « un petit négrillon nommé Jean-Michel », une sexagénaire montre, comme un trophée, un livre au titre abscons. « Tenez, dit-elle, tout est là. » L’ouvrage, édité en 2002, intitulé « les 200 Anciennes Familles subsistantes de la Martinique », est introuvable en librairie, mais figure dans les bibliothèques de toutes les bonnes maisons de l’île. Il recense les descendants des colons, du XVII ème siècle à nos jours. Leurs mariages, presque toujours endogames, la surface de leurs terres, le nombre de leurs exploitations. A la lettre « H », on trouve l’histoire de la famille Hayot, « planteurs audacieux » qui évoluèrent dans la production industrielle de sucre ». Mais poursuivent les auteurs, « l’émancipation des esclaves en 1848 entraînant la raréfaction de la main-d’œuvre, il s’ensuivit des faillites cumulées. Pour redresser la situation, une banque de prêts est d’escompte fut créée (…) avec l’indemnité accordée aux propriétaires pour le rachat des esclaves qu’ils possédaient ».

L’historien Gabriel Debien, spécialiste de l’histoire de l’esclavage aux Antilles, a montré comment le Crédit martiniquais, fondé en 1922, est le lointain descendant de cet ancien Crédit foncier colonial. « L’héritier du crime« , accuse sans hésiter Garcin Malsa, l’un des leaders indépendantistes de l’île. La France a non seulement laissé toutes leurs terres aux esclavagistes, mais en plus elle leur a versé des dédommagements ! » Rue Oudinot, à Paris, dans son bureau du ministère, le Guadeloupéen Victorin Lurel dit la même chose avec des mots à peine feutrés : « Quand ces gens-là ont été indemnisés pour la perte de leurs esclaves, ils ont créé une banque de crédit. Et, quand la culture de la canne et les industries sucrières n’ont plus assez rapporté, ils se sont reconvertis, c’est là leur génie, dans l’importation et la distribution. Ils ont perpétué la vieille économie de comptoir. » Aux Antilles, il arrive toujours un moment où ressurgit le crime, la tâche indélébile, la faute des ancêtres. Comme une plainte inguérissable. Ou une explication commode.

Dans son domaine du Vauclin, Charles Rimbaud aimerait bien qu’ « on arrête avec toutes ces couillonnades ». Aujourd’hui, il emploie « 48 personnes qui travaillent dans des conditions très dignes. La banane, c’est un homme par hectare ». Il arpente sa propriété avec celui qu’il appelle, comme la plupart des planteurs, son « géreur ». Le terme, il n’y a pas si longtemps – à peine plus d’un siècle et demi -, désignait le contremaître qui supervisait l’habitation et ses esclaves. « L’expression est devenue usuelle », précise Rimbaud.

En première instance, le « chouchou » du Crédit martiniquais avait été condamné à dix huit mois de prison ferme, après les sévères réquisitions du procureur Xavier Hubert, aujourd’hui conseiller au cabinet d’Arnaud Montebourg. En novembre, devant la cour d’appel, l’avocat général a réclamé sa relaxe : « Certes, Charles Rimbaud a sollicité les services de la banque. Sans retenue, comme on vient boire à la fontaine. Mais peut-on lui reprocher d’avoir voulu étancher sa soif ? » Le jugement sera rendu le 28 février.

Marie-France ETHEGOIN.

(1) Selon le dernier classement « Challenges ».

(2) Le reste du capital se partageant entre la Chase Manhattan Bank et les Mutuelles du Mans.
  

   



EX-ACTIONNAIRE


Bernard Hayot , champion de la distribution aux Antilles et l’ une des plus
grandes fortunes de France , détenait 8 ,3%% des actions du Crédit martiniquais
et en était le plus gros actionnaire après la Chase Manhattan Bank et les
Mutuelles du Mans . En novembre 2011 ,Nicolas Sarkozy , qui l’a fait commandeur
de la Légion d ‘ honneur , a loué l’entrepreneur qui a su « mettre sa réussite
au service de la Martinique ».

CLIENT PRIVILÉGIÉ

« Nous vivons dans une ile magnifique, dit Charles Rimbaud , qui fut l’ un des plus gros débiteurs de la banque Ici avec le secrétaire d ‘ État à l’Outre-mer Christian Estrosi après le passage du cyclone Dean ) . La lutte des classes y est moins forte qu’ en métropole , où vous n’ avez pas encore réussi à digérer votre Révolution française . « 



Crédit Martiniquais : Tous relaxés quatorze ans après le scandale !

Les quatre mis en cause dans l’affaire du Crédit martiniquais ont été relaxés de tous les chefs d’accusations de recels et d’abus sociaux qui leur étaient reprochés.

Il aura fallu plus de dix ans pour enfin voir l’instruction de ce lourd dossier aboutir devant une juridiction, et au final, le scandale de la faillite du Crédit Martiniquais se solde par une relaxe de tous les prévenus. Dès le tribunal correctionnel, les avocats de la défense avaient dénoncé cette trop longue instruction. Dans le box des prévenus, Brigitte Mockli, en sa qualité de directrice de l’établissement bancaire, Laurent Fabre, Pierre Berthé et Charles Rimbaud, trois clients que la justice suspectés d’avoir profité des largesses du Crédit Martiniquais lors de l’obtention de prêts. Ils étaient poursuivis pour abus et recel de biens sociaux.

Condamnés en première instance à des peines de prison avec sursis et à des amendes, ils avaient décidé d’épuiser tous les recours pour prouver leur innocence dans ce dossier.

Une démarche qui a payé, la cour d’appel de Fort de France a prononcé la relaxe pour les 4 mis en cause. La juridiction n’a donc pas suivi les réquisitions de l’avocat général et a été plus clémente. Le magistrat en novembre dernier avait requis la relaxe de Charles Rimbaud et Laurent Fabre. Mais il exigeait, une condamnation pour Brigitte Mockli , la directrice générale du crédit martiniquais et Pierre Berthé. Après 14 ans de procédures, Charles Rimbaud, au micro RCI, a affirmé « qu’il voit sa relaxe comme un soulagement, qu’il peut désormais tourner la page ».


CONDAMNE PUIS RÉHABILITÉ


Alain Huygues-Despointes , 85 ans , membre de l’une des familles actionnaires du Crédit , a été condamné en 2010 pour « apologie de crime contre l ‘ humanité » , sur le fondement de la loi Taubira . « Les historiens exagèrent , avait-il déclaré sur Canal + , Ils parlent surtout du mauvais coté de l’esclavage , mais il y a des bons cotés aussi » Les propos de ce géant de agroalimentaire qui pose ici devant son arbre généalogique («on a voulu préserver la race » , disait-il aussi ) , avaient fait grand bruit en Martinique. La Cour de cassation vient de le réhabiliter (en février 2013)
 

L’AUTRE SCANDALE
 Yves Hayot , présent comme son frère Bernard clans les instances du Crédit martiniquais a également dirigé le syndicat des producteurs de bananes et les établissements Lagarrigue , qui commercialisaient le chlordécone , un pesticide interdit en France mais autorisé aux Antilles , à la demande pressante des bananiers et par dérogation gouvernementale , jusqu’en 1993 . Le produit , suspecté d ‘avoir de graves conséquences sur la santé , a pollué les eaux et les sols. L’information judiciaire , ouverte à Paris , semble au point mort.



DÉPUTÉ CHAGRIN

 Alfred Marie-Jeanne , député indépendantiste de la Martinique et président du conseil régional jusqu’en 2010 , se désole de voir le procès du Crédit martiniquais réduit à une peau de chagrin. « Les gouvernements passent mais les intérêts des békés restent » Comme tous les élus de l’ile , il connaît Bernard Hayot :« Il n’ a pas compris , dit-il , qu’ il devait aussi faire avancer son pays »
 

Droit de réponse de Bernard Hayot au Nouvel Observateur

Monsieur le Directeur de la Publication

Le Nouvel Observateur

12, place de la Bourse

75002 PARIS

 

Par Courrier RAR

 

Paris, le 30 janvier 2013

 

Monsieur le Directeur de la Publication

 

J’ai été gravement mis en cause, ainsi que le groupe que je préside, dans un article intitulé « Qui a vidé la banque des békés », publié dans l’édition n° 2515 du 17 janvier 2012 de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, dont vous êtes le Directeur de la Publication.

En application de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse et dans un souci de garantir une information objective et complète à vos lecteurs, je vous demande que soit inséré le présent droit de réponse, dans le prochain numéro du Nouvel Observateur qui suivra le surlendemain de sa réception, dans des conditions similaires à celles de l’article qui l’a provoqué :

Début de l’insertion

« J’ai été gravement mis en cause, ainsi que le groupe que je préside, dans un article publié dans l’édition n° 2515 du 17 janvier 2012 de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, intitulé « Qui a vidé la banque des békés ».

Je tiens d’abord à indiquer à vos lecteurs que l’auteure de cet article, Madame Marie-France Etchegoin, m’a contacté par sms quelques semaines avant cette publication, en indiquant que notre entretien porterait sur la « vie chère » et qu’elle « ne cherchait pas à me piéger ». La lecture de son article ne peut que confirmer mes préventions à l’égard de la parfaite transparence de sa démarche. J’attends que mes préventions soient levées.

Cet article, dans lequel mon nom est cité 22 fois, le plus souvent à charge, comporte des contre-vérités inadmissibles qui doivent être révélées à la connaissance des lecteurs.

Sur l’affaire du Crédit Martiniquais d’abord, je rappelle que l’actionnaire le plus important du Crédit

Martiniquais, et de surcroît administrateur, était une banque internationale bien connue, la Chase. Le reste du capital regroupait dans une holding plus de 600 actionnaires de toutes origines, parmi lesquels aucun ne détenait en direct plus de 4% du capital du Crédit Martiniquais. Contrairement à ce que laisse croire l’article, je n’ai nullement été l’acteur principal de cette affaire.

Cette banque, qui a largement contribué au développement de l’économie martiniquaise, a connu des difficultés en 1996, conséquence directe de la crise économique sans précédent que connaissait alors l’Outremer.

Un rapport de la Commission Bancaire a prétendu que les administrateurs de la banque avaient disposé de crédits considérables tout en jetant le doute sur les conditions dans lesquels ils avaient été accordés.

Le cabinet d’expertise et conseil financiers, de réputation nationale, Ricol Lasteyrie, a conclu dans un rapport daté du 19 novembre 2012, que le groupe que je dirige n’a jamais bénéficié auprès du Crédit Martiniquais de conditions plus favorables que celles qu’il obtenait auprès des autres banques. L’endettement du Groupe Bernard HAYOT (GBH) auprès du Crédit Martiniquais s’élevait à 44,6 millions de francs (6,8 millions d’euros), ce qui représentait moins de 7% de l’endettement total de GBH. Selon le rapport Ricol Lasteyrie, « GBH n’était donc que faiblement endetté auprès du Crédit Martiniquais et n’a pas bénéficié d’avantages particuliers ».

Quant aux propos relatifs à la Société Point de Vue, contrairement à la présentation qui en est faite, GBH a tenu à assumer ses responsabilités, ainsi que l’a relevé le cabinet Ricol Lasteyrie qui dans son rapport conclut sur ce point : « C’est GBH qui, en assumant ses responsabilités d’associé, a permis le remboursement de la totalité de l’encours du Crédit Martiniquais, et la limitation des pertes des autres associés, le Crédit Martiniquais compris ».

J’ai, à ce propos, le souvenir précis des signes de reconnaissance qui m’ont été donnés à maintes reprises tant par M. Alain Denhardt, administrateur provisoire du Crédit Martiniquais, que par M. Charles Cornut, mandataire du fonds de garantie des banques, ou bien encore du souhait exprimé par le Trésor d’avoir GBH et son principal dirigeant comme interlocuteurs pour trouver une solution à cette crise. Cela fut dit et répété maintes fois devant mes conseils Mes Jean-Bernard Thomas et Jean-Pierre Mignard.

Concernant les activités de GBH ensuite, le groupe n’est en aucun cas en situation de monopole. Selon les données tirées du magazine d’actualité des consommateurs LSA, dans le domaine de la distribution alimentaire, notre part de marché est de 14% en Martinique (4ème position), 15% en Guadeloupe (4ème position), 23% en Guyane (2ème position), 8% à La Réunion (5ème position). Les parts de marché les plus importantes (1ère et/ou 2ème position) ne sont pas détenues par des groupes « békés ».

Je précise à ce propos que GBH ne détient pas la franchise Leroy Merlin.

Concernant les citations relatives à M. Yves Jego, je tiens à réfuter fermement les propos qui me sont prêtés.

Concernant l’Habitation Clément enfin, votre journaliste cite les propos ci-après : « dans l’habitation Clément, chez Bernard Hayot, pas une allusion aux esclaves qui ont travaillé là jadis. C’est tout de même d’une violence incroyable ».

Or, sur ce site, le plus visité de la Martinique avec 80 000 visiteurs par an, les questions liées à l’esclavage sont largement évoquées dans les espaces de visite : diffusion de l’intégralité du code noir, présentation de l’abolition de l’esclavage et des relations entre propriétaires et anciens esclaves, double page dans le guide de visite… Plus de 150 ouvrages traitant de la question y sont disponibles et consultables, dont beaucoup de pièces historiques. La Fondation Clément, fondation d’entreprise de GBH hébergée sur le site de l’Habitation Clément, a produit plus de 60 expositions réunissant 150 artistes locaux qui ont abordé de manière récurrente les questions de l’esclavage et du colonialisme. Enfin, l’Habitation Clément valorise Homère Clément le fondateur de la distillerie du rhum Clément et ses descendants, une des premières familles non « béké » de l’île à posséder une plantation de canne pendant un siècle, de 1887 à 1986, soit après l’abolition de l’esclavage.

Je suis surpris de voir qu’un journal réputé pour son sérieux ait consacré quatre pages qui contribuent à véhiculer des erreurs factuelles et des clichés totalement dépassés sur la réalité économique, politique et sociale de la Martinique d’aujourd’hui, et une image volontairement dégradante de GBH. Par exemple, à aucun moment, une allusion positive n’est faite aux nombreuses actions que nous menons en matière de formation, de recrutement (via notamment la Fondation UAG-GBH que nous avons créée avec l’Université des Antilles et de la Guyane), de développement des activités du monde économique et social ultra marin et de sa diaspora, afin d’en valoriser les initiatives, de motiver les jeunes autour de leurs territoires d’origine et de les aider à y trouver un avenir professionnel. C’est pourtant aujourd’hui mon principal objectif. »

Fin de l’insertion

Je vous demande, en conséquence, de bien vouloir porter ces informations à la connaissance de vos lecteurs dans le respect de mes droits.

Restant dans l’attente de la suite que vous donnerez à la présente,

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur de la publication, l’expression de ma parfaite considération.

 

Bernard HAYOT