Au sujet d’un amendement de la loi Notre. Texte collectif.
Malgré les nombreux engagements internationaux ratifiés par la France en faveur des droits culturels (déclaration de l’Unesco sur la diversité culturelle, convention Unesco sur le patrimoine immatériel ou même la Déclaration universelle des droits de l’homme) qui les portent comme des « droits indispensables à la dignité et au libre développement de la personnalité », l’Assemblée nationale menace une disposition introduite par le Sénat dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi « Notre »). Nombre d’acteurs culturels impliqués sur le terrain, auprès des publics dits « empêchés », dans des secteurs géographiques peu favorisés, ou encore dans de vraies actions de démocratie culturelle, sont dans l’incompréhension. Cet amendement du Sénat, très attentif aux territoires, proposait d’inscrire les droits culturels comme principes fondamentaux pour des politiques partagées entre l’État et les collectivités territoriales. Il est passé sous les fourches caudines des commissions de l’Assemblée. La reconnaissance des droits culturels a pour unique ambition de placer les publics, dans leur ensemble, au cœur des politiques culturelles, et ce, sur l’ensemble de nos territoires, qu’ils soient urbains, ruraux ou périphériques. La lecture des débats des députés en commission révèle des frilosités injustifiées et une vraie méconnaissance de ce que sont ces « droits culturels ». Certains ont craint un nouveau droit opposable, à l’heure de budgets en tension. L’idée d’opposabilité n’est pas vraiment dans le référentiel des droits humains, surtout sur le volet des droits culturels. D’ailleurs, tous ces textes se donnent pour des références éthiques, ouvrant sur les discussions publiques et des compromis entre forces aux intérêts divergents : la personne « doit pouvoir », disent l’article 5 de la déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle, en citant les articles 13 et 15 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. D’autres ont mis en perspective un risque pour la liberté de programmation, au motif que certains activistes censeurs se seraient revendiqués des droits culturels. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Quand des leaders extrémistes emploient et dévoient le mot démocratie, ce sont eux que nous combattons, pas la démocratie. Les droits culturels, loin de porter atteinte à la liberté des créateurs et des diffuseurs, ancrent dans le quotidien de l’action publique un travail collectif sur le sens : liberté d’expression, épanouissement et émancipation de chacun. Les droits culturels sont les droits de chacun, à être reconnu dans son égale dignité, au travers de politiques inclusives, co-construites et attentives. Ces principes sont un guide pour faire humanité ensemble, et utiliser au mieux l’argent public. Non, la culture n’est pas un arrangement étroit et bourgeois entre personnes bien-pensantes, financeurs et financés. Les droits culturels embrassent des pratiques et des œuvres d’une grande diversité, ils vont de l’éducation artistique au café sciences, des fanfares à Bertolt Brecht, du lyrique aux musées, de l’éducation populaire à la Fondation Louis-Vuitton, du slam à la photographie, du fest-noz à la calligraphie, du Mucem à une lecture de contes dans la salle des fêtes d’un village de Savoie… Rien n’est encore perdu, l’espoir réside désormais dans le vote des députés qui ont la possibilité, comme le gouvernement, de réintroduire cette disposition. Ce signe humaniste honorerait notre pays et serait une digne réponse face aux extrémismes, replis communautaristes et toutes tentatives de nier les autres en assimilant diversité et risque.
Les signataires : Marie-Christine Blandin, Robin Renucci, Jack Ralite, Catherine Tasca, Sylvie Robert, Brigitte Gonthier-Maurin, Barbara Pompili, Florian Salazar-Martin, Jean-Michel Lucas, Emmanuel Wallon, Jean-Pierre Saez, Valérie de Saint-Do, Nicolas Roméas et Jean-Michel Le Boulanger.