Par Victor Lina, psychologue-clinicien,
« Quelques mots écrits pour dire psy »
–Apparue depuis quelques décennies dans l’espace social aux Antilles, malgré quelques initiatives individuelles dans les médias ou quelques rares manifestations publiques, une journée portes ouvertes en 1995, l’organisation des premières rencontres des psychologues de la Caraïbe en Martinique en 2003, ou encore, la sortie de la revue MIBI en 1996, cette discipline demeure encore timidement présente. Aussi, cette initiative revêt l’ambition de s’adresser au plus large public et d’inscrire dans la durée une pratique d’écriture et de réflexion dans le domaine de la psychologie.
Écrire sur la psychologie aux Antilles, sur la psychologie en Martinique puisque c’est en ce lieu que nous sommes et que nous exerçons, n’a rien à voir avec une promenade de santé pourrait-on se dire.
Mais marchons, s’il s’agit de tenter d’avancer et voilà que nous rencontrons un enfant accompagnée de sa mère. Un enfant, mais qu’est-ce qu’un enfant ?
Pourquoi questionner des évidences tout le monde sait ce qu’est un enfant, non ?
Pas si sûr. Déjà, la question se pose : est-il ?
Par exemple, est-il déjà, est-il encore ? Est-il déjà un enfant quand il est dit œuf ou embryon dans le ventre de sa mère ? Est-il encore enfant. Quand on entend certains aînés, avancés en âge, dire affectueusement de certains adultes dont ils ne sont pourtant pas les parents : ce sont mes enfants.
L’enfant pour autant qu’il existe constitue un enjeu dont il importe que nous cherchions à en dessiner les contours. La psychologie de l’enfant par exemple est devenue très tôt une spécialité florissante de la psychologie en générale.
En psychologie donc, mais pas seulement, l’enfant est une énigme qui va donner lieu à de nombreuses investigations et favoriser l’émergence de savoirs.
Mais précisément l’enfant est prétendument celui qui ne sait pas, qui ne parle pas. Comment édifier un savoir à propos de quelque « chose », si on ne peut parler d’être, qui ne sait pas ? Qui ne sait pas puisqu’il ne sait pas dire.
Quoi de plus simple ! Il suffit de le nier, il n’est pas, il n’est pas encore, il adviendra.
« Il ne comprend pas ou ne comprendra pas parce que c’est un enfant » entend-t-on parfois. ” Sé an ti anmay toujou. I pé pa konprann, i péké konprann”.
C’est un « il », un « i », une troisième personne et exclue de l’interlocution. On parle de lui, mais on ne lui adresse pas la parole.
Cette méprise, voire cette mise à l’écart existe au sein de la psychologie elle-même.
En tant qu’objet de science l’enfant est chosifié, disséqué, suivant l’angle d’un être d’intelligence, d’un être d’émotion, d’un être en croissance, d’un être d’affects, d’un être du désir. Mais en somme, qui est-il, l’enfant? Qui est-ce ?
Victor LINA
*Le titre est de Madinin’Art