— Par Culture Égalité —
Que disent les femmes de la Martinique, de Guadeloupe, de Guyane de cette année 2022 ?
Oui, une année après pandémie qui n’a fait que rendre plus dure une vie déjà bien difficile, nombreuses sont celles dont le quotidien ne cesse d’être un cauchemar.
Nous avons perdu notre travail, ou notre job, ou bien nous avons été mises à temps partiel. Souvent, nous avons entendu :
« Vous voyez la situation, nous sommes obligé.es de vous passer à mi-temps pour l’instant »
« Vous savez, nous devons vous licencier. Pas d’autres solutions »
Oui des centaines et des centaines d’entre nous sont venues grossir les rangs des demandeuses d’emploi.
Ce travail nous manque car, même précaire, dur et mal payé, il nous permettait de prendre soin de nos enfants et un peu (si peu !) de nous-mêmes, mais aussi de sortir de nos murs, de rencontrer des personnes avec qui échanger sur nos souffrances communes ou rire à propos de la vie…
Des rires vite enterrés par nos journées, nos semaines ponctuées, entre autres, par les « droits de retrait » des employés du transport… Les mots ne sont pas assez forts pour raconter nos journées sur les bords des routes à attendre un éventuel stop. Dans des abris à moitié détruits, entre station debout, soleil, pluie et sacs de courses, nous regardons passer ces voitures vides avec rage et désespoir ! Nos journées sont de plus en plus longues, de plus en plus lourdes, et notre corps et notre cœur de plus en plus fourbus. Nous aimerions tellement avoir nous aussi un « droit de retrait », même pour une journée !… Mais nos situations, nos vies sont indifférentes au plus grand nombre.
Qu’importe ! Il nous faut résister. Elles et eux sont là et comptent sur cette maman qui, souvent, a envie de baisser les bras… Entre les convocations pour indiscipline, pour trop de retards, pas assez de travail, manque de matériel… notre tâche est lourde et assumée dans une grande solitude. C’est vrai que nous préférons parfois ne pas nous présenter aux convocations diverses. Que répondre ? Que promettre ? Que crier d’autre que nous croyons dans cette école qui, même injuste, même sélective, est la seule sortie pour un avenir meilleur ?… Est-ce avouer que nous sommes impuissantes ?
Oui nous sommes de ces mamans dont on dit qu’elles démissionnent, qu’elles n’éduquent plus leurs enfants. Qu’elles ne veulent pas travailler et se contentent des allocations et autres revenus sociaux. A tel point qu’on s’interroge même sur l’amour que nous portons à nos petit.es !
Des fois, trop souvent, dlo dépasé farin ! Alors, nous nous rebiffons et nous exprimons notre colère, mais alors, nous nous faisons traiter de vulgaires, d’asociales… de folles même !
A tous ces motifs de désespoir, il faut ajouter notre angoisse à propos de ce chlordécone avec lequel nous avons empoisonné nos proches et nous nous sommes empoisonnées nous-mêmes, et notre révolte à propos du non-lieu pour les coupables dont on parle en ce moment. Et là encore nous n’avons plus le temps, ni les forces de descendre dans la rue.
Pourtant, nous tenons, nous résistons, nous nous battons pour rester debout pour celles et ceux qui ne peuvent compter que sur nous.
Ce que nous souhaitons vraiment, c’est un travail convenablement payé qui nous permette non seulement de subvenir aux besoins de nos enfants, mais aussi de leur procurer de temps en temps un petit plaisir… et de nous offrir une petite détente à nous aussi ! Est-ce trop exiger de la société et de nos dirigeantes et dirigeants, en cette fin d’année 2022 ?
George Arnauld et Huguette Bellemare, pour Culture Égalité
23 décembre 2022