D’UNE PROBLEMATIQUE IDENTITAIRE HAINEUSE
— par Marie-José Corentin-Vigon et Lucie Descoueyte Psychanalystes, Membres du G.A.R.E.F.P (Groupe Antillais de recherche d’Etude et Formation Psychanalytique) —
En être ou ne pas en être de… ?
En tant que quoi ? En tant que qui ?…
Poser la problématique identitaire en ces termes nous évoque l’article 1 du code noir1 qui requiert l’expulsion des juifs, leur désignation comme ennemis ? ainsi que les autres articles qui font des nègres des objets.
Entre les hommes il n’y pas d’autre mesure que la parole. Parler est habiter son être.
Que devient chacun de nous quand cette parole nous est refusée au nom d’une appartenance à une identité, pas seulement imaginaire mais unique.
« Innommable » : terme hautement investi puisqu’il apparaît onze fois dans le texte de Mr Confiant et qui viendrait masquer au-delà de l’antisémitisme chez certains, bien réel hélas, le mythe de l’identité unique, celui-ci entraînant immédiatement l’exclusion de ceux qui n’en sont pas, de là… .
C’est une question qui doit être au travail chez chacun de nous à seule fin de pouvoir ouvrir à une identité plurielle, riche de nos différences.
Interrogeons nous quant aux impasses des réflexes identitaires qui ne peuvent déboucher que sur le communautarisme, l’exclusion, l’intégrisme, illustrés par ce vocabulaire bien trop connu : petit blanc, nègre de service ; traître, negzagonal, négropolitain, nègre à blanc , nègre incapable de s’affranchir de leur maître blanc, africain à retourner écrire en Afrique…
Ces énoncés sont destructeurs, tueurs, kamikazes au même titre que les machettes ou les bombes. Ils nous rayent du monde en tant qu’être parlant.
Nous avons le devoir éthique de dénoncer tout discours qui annihile l’autre
*Rappelons pour mémoire que c’est en mettant en exergue le retour à une origine unique, noire, égyptienne, que nous voyons naître le groupe dit « tribu Ka » groupe noir raciste et antisémite qui ferme la porte à tout « leucoderme », c’est-à-dire, les blancs.
*Rappelons que le sinistre « gang des barbares » qui s’est illustré par l’assassinat d’un juif, fait appel à l’identité noire et au communautarisme.
*Rappelons le Rwanda où les intellectuels Hutus ont préparé le génocide par des propos, des chants, des sketches racistes envers les Tutsis dénommés « cancrelats ».
Les fantasmes de destruction habitent chacun de nous mais il y a un franchissement et, surtout, un acte quand nous passons à la mise en place d’un discours raciste, prélude à toutes les perversions et aux mises a mort psychiques ou physiques.
*Rappelons que «….l’expérience freudienne et celle de l’inconscient conduisent à la reconnaissance, pour chacun, de son incomplétude, de sa pluralité identificatoire, et de la chute d’une origine rêvée comme unique alors qu’il ne s’agit pas de renier l’origine mais de reconnaître qu’elle est radicalement et toujours altérée »2
Puisque nous pouvons nous parler, permettons nous cette métaphore : naviguons, inventons la mer avec la barque. 3
Marie-José Corentin-Vigon
Lucie Descoueyte
Psychanalystes
Membres du G.A.R.E.F.P
Groupe Antillais de recherche d’Etude et Formation Psychanalytique
1 Le Code Noir ou le calvaire de Canaan Louis Sala –Molins P.U.F p 92
2 Alice Cherki La frontière invisible :Violence de l’immigration éditons elma oct 2006
3 D’après la nouvelle « Comment Wang-Fo fut sauvé » de Marguerite Yourcenar : Nouvelles orientales Gallimard oct 78
Illustration : Lise Tollemer tableau Identité 2004 – Acrylique 91 x 73