— Par Frédéric Burac —
A l’aube d’une nouvelle organisation administrative et politique en Martinique, plusieurs secteurs intégrés à la sphère publique réfléchissent à leurs relations avec les futurs circuits de décisions et de financements tout en préparant les réponses aux défis des années futures.
La politique publique de demain, en matière de logement social en Martinique, pourra sans doute avoir pour objectif de proposer une offre de logements la plus adaptée aux besoins de la population martiniquaise, par son volume, par son adéquation avec la composition des ménages martiniquais, par sa cohérence architecturale et son insertion urbaine, par sa répartition territoriale et par l’utilisation des énergies renouvelables propres à notre territoire. Elle sera adaptée au niveau local par la future Collectivité Unique notamment par le biais de son soutien financier. Les acteurs du logement social auront la responsabilité de porter une partie de la réflexion conduisant à la définition de ces futures stratégies locales⋅⋅
L’organisation d’assises régionales sur le thème du logement social semble, dans un premier temps, être une étape majeure permettant de répondre aux enjeux de demain⋅ Mais d’ores et déjà, quelques axes de réflexion parmi d’autres me semblent importants à relever⋅Le logement social doit pouvoir proposer, en fonction des souhaits de développement des communes et des intercommunalités, une offre de logements plus adaptée et plus variée à destination de la population martiniquaise.
Le logement social « senior »
La construction d’opération de type EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personne Agées Dépendantes) doit pouvoir s’étendre sur la majorité de nos communes. Cependant, la multiplication de ces logements dits thématiques permettant l’accueil des publics spécifiques ne réglera pas à elle seule la question du vieillissement de la population martiniquaise.
Des résidences similaires pour des personnes âgées ne nécessitant pas de soin pourraient émerger. Les bailleurs sociaux peuvent alors sans doute envisager de porter la gestion de ces dernières en adaptant la conception des constructions qui y sont dédiées et leur expertise métier. La notion de logement social « senior » doit se consolider dans les futures années. Les réponses apportées par les structures privées n’assureront pas une accessibilité pour tous.
L’accession sociale à la propriété dans le neuf
L’offre de logements plus variée peut s’entendre par l’intensification des opérations en accession sociale à la propriété. Les opérations en VEFA ou en financement PSLA (Prêt Social Location Accession) sont autant de produits qui permettent de mettre sur le marché des produits aux coûts maîtrisés, plus abordables que ceux réalisés par les promoteurs privés et réservés prioritairement aux locataires HLM. La création d’une structure portant la maîtrise d’ouvrage de ces opérations (Société Coopérative HLM) pourrait être envisagée aisément sur notre territoire. Ces produits permettront de diversifier le parcours résidentiel de locataires HLM, désirant accéder à la propriété dans le neuf. Les maires ayant atteint leur quota de logements sociaux pourront aussi aisément diversifier l’habitat sur leur territoire, avec des partenaires de confiance.
La requalification urbaine des quartiers
Si la recherche du foncier adéquate reste une obsession pour tous les constructeurs de logements, les opérateurs HLM auront sans doute pour mission supplémentaire de se tourner vers l’urbanisation vétuste ou obsolète, afin d’être les véritables acteurs de la requalification urbaine de certains quartiers et centre-ville. Ils sont les mieux placés pour prendre en charge des démolitions, relogements et reconstructions non pas de leur propre parc comme cela existe déjà (ANRU) mais du parc privé vétuste. Ces projets ne pourront se réaliser bien entendu qu’avec une forte mobilisation des collectivités mais aussi par le renforcement des relations avec les autres opérateurs publics fonciers et d’aménagement.
La transition énergétique
L’intégration des énergies renouvelables dans l’habitat social sera aussi l’un des grands chantiers des prochaines années en Martinique. Il ne paraît plus illusoire de voir les futurs projets de constructions neuves avec l’obligation de disposer d’équipements permettant la production d’énergies renouvelables, en contrepartie de subventions spécifiques. Ces nouvelles installations qui se greffent aux installations existantes auront comme objectif bien entendu la diminution de l’empreinte carbone des ménages logés mais aussi la maîtrise, voire la baisse des charges d’énergie pour les locataires. L’approche environnementale doit devenir le fil conducteur de la conception et de la gestion de nos futurs immeubles. La future Collectivité Unique pourra définir les seuils de la production en énergie renouvelable des constructions futures tout en incitant et soutenant les bailleurs sociaux dans cette démarche.
Le développement de la gestion sociale et urbaine
Au fil des décennies, les bailleurs sociaux ont vu leur cadre d’intervention s’élargir sur le champ de la gestion de proximité. Nous sommes passés d’une responsabilité des logements et des parties communes des immeubles, aux espaces extérieurs et à leurs avoisinants, à une gestion quasiment des quartiers dans lesquels les opérations HLM sont insérées. Ces structures n’ont plus seulement en charge la location de leurs appartements mais aussi la gestion de la vie sociale, l’insertion professionnelle de ses habitants en relation avec les institutions, le monde de l’entreprise et même le développement économique et des services via leurs locaux d’activités. Les bailleurs doivent faire émerger, soutenir et même assister des associations de locataires, des associations de quartier et tout autre structure permettant d’assurer le dynamisme des résidences et des quartiers. La recherche de financements, la planification d’actions à destination des habitants, l’intégration de ces acteurs de proximité dans les circuits opérationnels de la politique de la ville, doivent faire émerger chez les opérateurs HLM de nouveaux métiers liés à la gestion sociale et urbaine.
Une meilleure synergie pour des résultats plus efficients
Ces quelques orientations parmi d’autres se heurtent à la fragilité du financement global du logement social, à un socle législatif en perpétuel mouvement et à une exigence de plus en plus accrue de la clientèle, sans parler de nos contraintes locales (normes liées aux catastrophes naturelles, exiguïté insulaire etc …). Il faudra donc faire mieux, avec sans doute moins et surement vite.
A cette fin, les bailleurs sociaux pourraient favoriser l’émergence d’une association locale regroupant les opérateurs intervenant en Martinique (ESH et EPL) et renforcer le dialogue sur les enjeux entre les opérateurs et les pouvoirs publics. Les bailleurs devront aussi faire preuve d’imagination, d’audace et mettre en place une véritable synergie permettant d’optimiser les politiques d’achats des sociétés HLM, de créer des conditions de gestion de proximité plus efficientes et de perfectionner l’expertise métier du monde HLM en Martinique.
Ayant conscience que ces quelques pistes de réflexion méritent d’être discutées et approfondies, nous devons aussi avoir conscience que les difficultés de la population martiniquaise ne nous attendront pas.
Frédéric BURAC
Chef de Projet Construction et Développement
fburac@hotmail.fr