— Rudy Rabathaly —
La tête de d’Esnambuc a été déposée sur les grilles de la préfecture. La représentation coloniale a été rendue à l’Etat. Peut-être aurait-il même fallu l’envoyer par Chronopost au président de la République française… Aussi fort soit le symbole, il ne restera que symbole parce qu’il n’est porté par aucune revendication politique assumée et déclamée.
D’Esnambuc, Schoelcher, Joséphine…sont incontestablement des héros de la domination des pouvoirs politiques. Si se débarrasser de leurs visions suffisait à garantir tant la réhabilitation psychique que la souveraineté des peuples et des races opprimés, toutes les révolutions seraient de velours. Remplacer Fort-de-France par Fodfwans ne saurait apaiser notre aliénation et réhabiliter notre passé, notre mémoire, notre histoire, notre présent et donner sens à notre avenir.
La vraie question est de savoir : quand est-ce que l’on va arrêter de déchouker des statues pour déchouker des vivants ? Est-ce que l’on va se complaire à établir une liste des oppresseurs, des esclavagistes, des colonialistes, des révisionnistes d’hier qui fleurissent nos rues et possèdent nos places ? Et que faire de ceux d’aujourd’hui qu’on pourrait déboulonner sans même passer par la justice de l’histoire ?
Ne faut-il pas aussi établir une liste (on a peine à dire noire), des corrompus, des retourneurs de vestes, des séniles politiques, des usurpateurs, des empoisonneurs, des bouffons de toutes les républiques, des couillonneurs du peuple… On les laisse faire notre histoire ! Faudra t-il attendre aussi qu’ils soient statufiés pour les destituer ?
Il n’y a pas besoin de lire 17 fois « Peaux noires et masques blancs » pour comprendre que notre aliénation psychique, portée par des siècles de soumission subie ou désirée ou revendiquée, a fait dériver notre « patriotisme ». Celui-ci s’égare dans l’effacement épisodique et/ou épidermique de la représentation tutélaire du Papa blanc plutôt que vers une once de conquête de souveraineté fusse-telle proposée par le « nouveau colonisateur » lui-même. Schoelcher ou Joséphine ne sont que les cache-misères de notre pays engourdi par son assimilation aliénante. Leur âme est partout.
Joséphine déchoukée n’a pas plus de valeur patriotique que n’a un pont Lumina Sophie à…Schoelcher ou que n’aurait l’érection d’un Toussaint Louverture ou d’un Romain sur le parking de la Galleria ! Tant que nous continuerons à nous nourrir grassement sur l’absence de construction idéologique et de revendications politiques claires sur l’avenir de ce pays, alors oui, tous les profiteurs peuvent encore dormir tranquilles. Et si cette jeunesse ardente de nouvelle histoire ne la révolutionne pas autrement que par éclats, alors, les chiens hurlants de la mondialisation, balisée par leur réseau social tant mystificateur, auront vite fait de rattraper leur marronage.
Rudy Rabathaly
Edito du 27 juillet 2020 parus dans France-Antilles