— Par Aminata Dramane Traoré —
Victime des convulsions du monde globalisé dans l’injustice et l’arrogance, le Mali compte et pleure ses morts. Il partage également la douleur des familles des autres victimes.
Nous sommes ému(e)s par la détermination de nos soldats (humiliés il n’y a pas si longtemps) à assumer leur part de responsabilité face à un ennemi sans visage. Nous saluons la volonté du gouvernement de les soutenir dans cette guerre dont notre pays se serait bien passé tant nous avons à faire dans bien d’autres domaines. Comment en finir ?
Les armes, le renseignement et les lois anti-terroristes ne suffisent pas. Au-delà du politique et du militaire, quelles alternatives citoyennes pertinentes à envisager dans les meilleurs délais ?
Le Mali doit, comme jamais auparavant, pouvoir compter sur une société civile avisée et organisée dont des chercheurs, des enseignants et des intellectuels engagés pour diagnostiquer le mal à la racine et explorer des réponses qui ne l’aggravent pas. Elles sont éminemment économiques et exigent un changement de paradigme de développement. Pour des jeunes en âge de travailler le chômage chronique relève de la violence. Garantissons du travail et un revenu décent à cette composante vulnérable de nos sociétés et bien des combats cesseront faute de combattants. Il en est de même des flux migratoires qui se résorberaient largement si la structure de nos économies et les règles du jeu, externes et internes, étaient transparentes, créatrices et distributrices de richesses à la base.
Le manifeste des mères sociales est une écriture féminine alternative des dures réalités des temps présents de manière à rendre compte de la violence de l’idéologie néolibérale et la gravité de ses conséquences au niveau des femmes qui colmatent les brèches ouvertes dans le tissu social et économique. Elles n’en sont pas moins incitées à jouer la carte d’une autonomisation qui rime avec individualisme dans des contextes où la solidarité entre femmes et hommes et le partage sont des gages de paix sociale et de sécurité humaine.
Cette notion de mère sociale que nous revendiquons, face à la violence du système dominant, est une posture stratégique culturellement pertinente, qui rime avec le souci de l’autre, des autres. « Ce sont nos enfants » devons nous pouvoir dire à propos de tous ceux qui croient devoir prendre le large ou le fusil par désespoir. C’est alors que nous cernons ce qu’il est de notre devoir de mère sociale de faire en économie, en politique, en écologie pour que les armes se taisent et que la paix s’instaure durablement.
Le manifeste des mères sociales est de ce fait une invitation au débat d’idées sur ces questions nouvelles et brulantes dont l’Université Citoyenne pour un autre Développement (UCAD) sera le creuset. Il s’agit d’accélérer l’éveil des consciences déclenché ces dernières années par des chocs internes et externes, dont l’enchevêtrement nous est clairement apparu. Les Malien(ne)s savent par exemple qu’ils paient cher pour l’agression et la déstabilisation de la Libye. Aussi avons-nous commémoré la journée panafricaine des femmes, le 31 juillet 2015, de manière à en rappeler le sens à l’heure où le Mali et l’Afrique rendent hommage au Président Modibo Keita dans le cadre du centenaire de sa naissance (04 juin 2015).
Apprenons juste à tisser la nouvelle corde au bout de l’ancienne. Nous nous sauverons par nous-mêmes ainsi que notre pays et contribuons à éclairer le monde sur le pouvoir des femmes lorsqu’elles savent puiser dans les valeurs non guerrières et solidaires de leurs sociétés.
Aminata Dramane Traoré
Ancienne ministre de la culture et du tourisme
Coordinatrice du Forum pour un Autre Mali (FORAM)
Source: L’Enquêteur