14 médecins et professeurs du CHU adressent une lettre ouverte à la population
Quand on la compare aux 3 précédentes, ce qui aura véritablement caractérisé le début de cette 4ème crise est un déferlement d’informations contradictoires, de débats reflétant plus le malaise de la société martiniquaise qu’une réponse construite pour faire face au danger du covid-19 qui la menace.
Ces débats exprimaient la méfiance envers les institutions, la liberté de chacun à exercer son libre arbitre, le droit de choisir une médecine locale, celui de se faire vacciner ou non, le droit de remettre en cause les données d’une science soupçonnée d’être construite à la hâte, la peur de servir de cobaye, la nécessité de combattre les multinationales pharmaceutiques et leur lobbying, incluant le drame sanitaire lié à l’utilisation du chlordécone par exemple…
Ces causes examinées une à une questionnent le passé, le présent et le futur de notre territoire certes. Faut-il pour autant en faire un amalgame face au Covid 19 ?
En regardant le passé, marronnage est héroïsme. Faut-il pour autant distordre la réalité du présent ? Dire non, pour le principe, pourquoi pas… au point d’être aveuglé et d’ignorer la menace ?
« Même si ce virus tue partout moi je saurai m’en protéger ». « Même si on me dit qu’il est méchant on me ment il ne tue que les mourants ». « Même si plusieurs milliards d’individus se sont fait vacciner pour se protéger moi je préfère attendre ». « Même si des milliers d’études de par le monde comparant les différents traitements montrent sans aucun doute que le vaccin est une arme efficace contre l’épidémie, moi je sais que le vaccin tue… » « Tu veux m’imposer un Pass sanitaire moi je vais faire la fête car c’est à ma liberté qu’on touche ». Autant d’arguments entendus et répétés à l’envi dans les medias et les réseaux sociaux.
A force de la cacher derrière un épais nuage d’informations erronées, la vérité s’est invitée désormais en Martinique avec une grande brutalité :
– Record de France absolu des contaminations,
– Nombre de patients en réanimation passant de 2 à 20 en 10 jours,
– 120 malades présents pour Covid à La Meynard sur la même période,
– 33 admissions de patients Covid en une journée,
– 2 à 3 décès chaque jour,
– un homme de moins de 30 ans entre la vie et la mort mis sous assistance circulatoire extra corporelle pour le maintenir en vie…
L’hôpital est submergé malgré le concours de la solidarité nationale et n’est plus en mesure d’assurer les soins comme il le fait habituellement, quelle que soit la pathologie. Les blocs opératoires tournent au ralenti, en n’assurant que les urgences non différables. La saturation des services nécessite d’envoyer des patients martiniquais dans des hôpitaux de l’hexagone, dans des établissements de l’île qu’il faudra équiper pour accueillir des patients sévères. Nous n’aurons d’autre choix que d’avoir recours à des retours précoces de malades chez eux. Puis, très vite, devrons-nous choisir à quelle vie donner priorité sur une autre pour l’accès à la réanimation ?
La vérité est que la catastrophe actuelle risque d’emporter plus de martiniquais non vaccinés au cours des mois à venir que les très rares complications graves liées aux 3,9 milliards de doses de vaccins déjà injectées. Plus de morts Martiniquais à cause du covid cette année que lors des pires catastrophes Martiniquaises comme la catastrophe aérienne de Maracaibo en Aout 2005. La vérité est que si nous avions été vaccinés, la période de vacances aurait été normale. La 4ème vague se serait résumée tout au plus à des formes bénignes comme en Écosse, en pleine épidémie actuellement, qui ne remplit pas ses hôpitaux et peut donc continuer à vivre.
La vérité est que cette pandémie est maintenant une pandémie de non vaccinés.
Sauf à choisir le vaccin librement, la Martinique continuera pendant plusieurs années de subir les assauts du Covid et, en conséquence, les morts évitables de patients Martiniquais, les confinements, l’asphyxie économique de l’île et de donner à nos enfants une école « aux écrans », une adolescence volée.
La liberté individuelle est une valeur fondamentale de notre existence, mais ne deviendrait-elle pas de l’individualisme, si on ne l’associe pas à la solidarité et à la responsabilité envers les autres ?
Pr François Roques, Président de la Commission Médicale d’Etablissement
Dr Ruddy Valentino, Responsable de l’Espace de Réflexion Ethique Régional de Martinique
Pr Hossein Mehdaoui, Chef de pôle Réanimation-Anesthésie-SAMU-SMUR-Urgences (RASSUR)
Dr Patrick René-Corail, Chef de pôle Neurosciences Appareil Locomoteur
Pr Moustapha Dramé, Responsable de l’unité de soutien méthodologique à la recherche
Pr Papa Gueye, Chef de service SAMU 972
Dr José-Luis Barnay, Chef de service Médecine Physique Réadaptation
Dr Sylvie Abel, Cheffe de pôle Médecine et spécialités médicales – Pathologie digestive – Santé publique
Pr André Cabié, Chef de service Maladie Infectieuses et Tropicales
Dr Radoslav Pacan, Chef de pôle adjoint, Pôle Médecine et spécialités médicales – Pathologie digestive – Santé publique
Pr Jocelyn Inamo, Chef de département de Cardiologie
Dr Mehdi Jean-Laurent, Chef de service Gynécologie Obstétrique
Dr Yannick Brouste, Chef de service des Urgences
Dr Sandrine Julié, Vice-Présidente de la Commission Médicale d’Etablissement