— Collectif —
Le 21 avril 1944, les Françaises obtenaient le droit de vote et celui de se présenter à des élections. Un collectif de militantes engagées pour la parité en politique et d’élues propose cinq mesures pour permettre aux femmes de s’investir davantage dans la vie démocratique.
Il y a quatre-vingts ans, le 21 avril 1944, les femmes françaises sont enfin devenues citoyennes. L’article 17 de l’ordonnance du gouvernement provisoire de la République française, basé à Alger,le promulgue : « Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. » C’est là une particularité française : droit de vote et droit d’être élue ne furent pas acquis par des votes parlementaires, mais par une ordonnance dans la foulée de la Résistance,après cent cinquante ans de mobilisations civiques de militantes opiniâtres.
Quatre-vingts ans plus tard, où en sommes-nous dans la parité en politique ? Force est de constater que si ce droit d’éligibilité a été une étape nécessaire, il est loin d’être suffisant dans le contexte de l’histoire et des mentalités françaises. Des lois contraignantes ont été, et sont encore nécessaires pour qu’évoluent les pratiques et la réalité. Pour preuve, si l’Assemblée nationale élue en octobre 1945 comptait6 % de femmes, ce pourcentage n’avait pas évolué en 1993, soit près de cinquante ans plus tard.
Et ce, seulement grâce au mouvement paritaire des années 1990 et à une mobilisation pour des lois instaurant la parité dans les instances élues que de réelles avancées furent obtenues, notamment par la révision de la Constitution en 1999. Son article 1 mentionne que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
Aujourd’hui, ne serait-il pas temps de changer ce verbe « favoriser » par « garantir » ? Et d’inscrire vraiment la parité dans la Constitution ? Les diverses lois successives des années 2000 ont engendré des progrès indéniables, mais de nombreuses zones blanches de la parité demeurent. Seulement 42 % de femmes dans les conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants. Seulement 26 % de femmes dans les exécutifs des intercommunalités qui sont dirigés à 89 % par des hommes. Seulement20 % de femmes maires ou présidentes de département. Le Sénat ne compte que 36 % de sénatrices et l’Assemblée nationale que 37 % de députées, sans évolution entre 2017 et 2022. Les anciennes pratiques inégalitaires, discriminantes et sexistes et les stéréotypes sont tenaces.
Il faut aussi évoquer les violences sexistes et sexuelles que des élues subissent au sein même des instances. En 2021, le réseau Élues locales a mené une enquête à laquelle près de 1 000 femmes élues ont répondu. Parmi elles, 74 % affirment avoir subi des violences sexistes ou sexuelles dans le cadre de leur mandat. Sur ces 74 %, 82 % disent avoir subi ces violences de la part de collègues élus.
Ces élues, engagées pour leur territoire, pour leurs concitoyennes et concitoyens, deviennent des victimes. Ces violences reflètent une part du mal-être des élues, dont témoignent des démissions ces dernières années. Or, les mécanismes pour défendre et protéger ces représentantes de la République sont soit inexistants, soit inopérants.
Comment ne pas citer aussi la nécessaire modernisation du statut de l’élu local ainsi que l’angle mort sur le fait que les élues peuvent être maires et mères ? Le 7 mars, le Sénat a voté pour des droits nouveaux en matière de garde d’enfants, de congés de maternité et de paternité, de suspension du contrat de travail pour exercice de mandat, à la suite de l’alerte de la maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy, mais il reste encore à l’Assemblée nationale à se prononcer.
Nouvelles dispositions
Autre sujet de préoccupation, en 2023, le temps de parole des femmes politiques dans les médias a baissé de 3 points par rapport à 2022 et s’établit à seulement 26 %, selon le rapport sur la représentation des femmes à l’antenne de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique publié en mars 2024.
Alors que le député de l’Oise Eric Woerth (Renaissance), ancien ministre du budget, doit rendre, début mai, son rapport sur un « nouvel acte de la décentralisation » au président de la République, il est capital que les projets de lois qui suivront, sans doute à l’automne, n’oublient pas la parité dans les instances locales. Comme le précise le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le titre de son rapport de décembre 2022, il est temps de passer à un « acte II » de la parité en politique.
Parmi les nouvelles dispositions législatives ou réglementaires à mettre en place pour atteindre une parité réelle essentielle à notre démocratie, nous demandons :
• l’instauration de la parité de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants (une proposition de loi présentée par la députée Élodie Jacquier-Laforge a déjà été votée à l’Assemblée nationale en ce sens en février 2022 et non présentée au Sénat à ce jour, soit deux ans plus tard) ;
• l’assouplissement de la désignation des conseillers communautaires pour permettre à d’autres élus que le maire de siéger dans les intercommunalités ;
• l’obligation de parité dans les exécutifs des intercommunalités ;
• l’obligation de tandems de tête paritaire à tous les échelons des collectivités
• la limitation du cumul dans le temps pour les têtes d’exécutifs (pas plus de trois mandats successifs pour les maires et présidents de département et de région).
La parité apparaît comme une justice républicaine, comme un symbole de l’égalité entre les femmes et les hommes, comme l’utilisation des compétences des femmes pour des politiques d’égalité et pour répondre aux défis économiques, sociaux, sociétaux et environnementaux de ce XXIe siècle. La révolution culturelle de la parité doit se poursuivre plus que jamais contre les conservatismes et les exisme, soutenue par des femmes et des hommes humanistes et de progrès. Car, comme le disait GisèleHalimi, « ce qui fera avancer les femmes fera avancer la société ».
Danièle Bouchou le est responsable de l’antenne Elles aussi Centre-Val de Loire, qui fédère des associations militant pour la parité en politique
Véronique Genelle est coprésidente du réseau Elles aussi
Gaëlle Lahoreau est vice-présidente (EELV) de la région Centre-Val de Loire
Reine Lepinay estcoprésidente du réseau Elles aussi