Par Selim Lander.
La fête au CMAC pour les amoureux de la musique classique puisqu’ils n’ont pas tant d’occasions, en Martinique, de satisfaire leur passion : un récital non pas d’un (ou une) pianiste mais de deux à la fois ! Le piano, on le sait, se prête à cet exercice, certains morceaux ayant d’ailleurs été composés spécialement à cet effet. Il peut arriver – comme au festival de la Roque d’Anthéron – que deux voire trois pianistes se produisent simultanément sur des instruments différents mais le piano à quatre mains, sur un seul instrument donc, est plus spectaculaire (pour qui a la chance de voir les mains des interprètes) et surtout il conduit naturellement à exploiter au maximum les ressources de l’instrument.
Le récital a commencé par la fantaisie en fa mineur opus 103 de Schubert dans laquelle on goûte particulièrement la reprise du thème lent et doux. Ont suivi quatre danses norvégiennes endiablées de Grieg qui mirent en valeur la virtuosité des interprètes, puis La Moldau de Smetana, heureuse transcription pour le piano à quatre mains par le compositeur lui-même du « poème symphonique » bien connu. La deuxième partie consacrée à la valse a permis d’entendre successivement deux pièces de Grieg, à nouveau, puis un morceau aux accents dramatiques extrait du ballet Mascarade de Khatchatourian, enfin La Valse de Ravel, poème chorégraphique, musique « féérique et fatale » (selon le compositeur) écrite pour les Ballets russes bien que finalement refusée par Diaghilev. Sans doute la jugeait-il insuffisamment dansante mais sa transcription pour piano à quatre mains se laisse entendre avec plaisir.
Les deux interprètes, Svetlana Eganian et Yolande Kouznetsov (qui fut l’élève de la première au CNSMD – Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse – de Lyon) sont de très honorables techniciennes mais leur jeu, ce soir-là, semblait manquer un peu de sentiment. Il est vrai que l’instrument de l’Atrium, dont on a pu dire ici par le passé tout le bien qu’on en pensait, n’est plus le même depuis la révision, pourtant confiée à Steinway, dont il a été récemment l’objet : sa sonorité plus métallique apparaît peu propice aux épanchements de l’âme. On se demande ce qu’aurait tiré un François-Frédéric Guy de notre piano ainsi rénové (1).
Le 15 novembre 2014 au CMAC.
(1) Voir sur Madinin-art notre compte-rendu d’un récital du célèbre interprète beethovenien : http://www.madinin-art.net/musique-beethoven-par-francois-frederic-guy/