— Par Pierre-Alex Marie-Anne —
Il faut rendre cette justice à la précédente mandature de la Collectivité Territoriale de Martinique d’avoir compris, sous la houlette du Président Alfred MARIE-JEANNE, l’importance de la création artistique, en particulier dans le domaine des arts plastiques, pour l’édification et l’approfondissement identitaire et culturelle d’un peuple. le projet de musée d’art contemporain de Martinique, en abrégé MACMA, répond à cette exigence : il permet à une communauté, si petite soit-elle, de témoigner par les représentations picturales de ses créateurs de talent de la singularité de son existence au monde. Le regard qu’ils portent sur les gens et les choses, sur la nature et sur l’histoire, contribue à nous définir et à faire de nous des partenaires actifs dans le vaste dialogue des cultures à travers les océans.
Sa conception originale et pragmatique prend appui sur trois sites complémentaires mais dont la réalisation peut être échelonnée dans le temps : l’élément central est situé dans l’enceinte de l’ex-Palais de justice de Fort -de-France,inscrit à l’inventaire des monuments historiques et doté d’un forte valeur patrimoniale; cet espace muséal, voué à l’exposition des œuvres-maîtresses des collections provenant principalement de la production martiniquaise, dont celle de l’ex- FRAC, mais aussi de la Caraïbe et du reste du monde, permettra l’organisation d’évènements d’ampleur internationale de nature à renforcer l’attractivité urbaine et touristique de “la ville-capitale” et du pays tout entier;il fonctionnera en symbiose avec un Centre d’art installé à la villa Béfanzin (au Fort du morne Tartenson) qui sera la pierre angulaire de la politique de promotion et de valorisation des arts plastiques, de la médiation à destiation des publics et de soutien aux artistes et professionnels concernés en mettant l’accent sur la jeune création et l’expérimentation des technologies numériques appliquées à l’art. Une attention particulière sera apportée aux échanges entre artistes et graphistes de différentes nationalités, appartenant notamment à l’espace caribéen. Dernier volet et non des moindres de ce projet d’envergure, la constitution de Réserves pour accroître, conserver et le cas échéant restaurer les collections, dont l’exploitation sera désormais mutualisée entre les différents musées de la collectivité territoriale. En définitive, un projet porteur d’une avancée significative en termes d”épanouissement pictural et graphique sur notre territoire, de dynamisation des forces créatrices qui y sommeillent, susceptible de créer un véritable foisonnement artistique. De plus, ce projet s’inscrit dans un contexte des plus favorables: délibérations approbatives votées, foncier public disponible, financement mobilisable sur les fonds européens (300 millions risquant d’être perdus fin Décembre2023, par dégagement d’office sanctionnant l’incurie de nos gestionnaires ), études pré-opérationnelles en cours.
On était en droit de s’attendre à ce que cette initiative bénéfique à tous égards recueille l’assentiment général. Il n’en est rien ! En premier lieu, il faut déplorer l’inertie des principaux intéressés, toujours prompts à se répandre en lamentations sur leur sort malheureux mais qui n’ont pas bougé le plus petit doigt pour en défendre le bien-fondé; mais il ya mieux ou plutôt pire: le grand manitou du PPM, qui deviendra peu après Président du Conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique, s’ est révélé à cette occasion tel qu’en lui-même : obsédé par sa volonté hégémonique d’accaparement de tous les lieux de Pouvoir, même et y compris culturels et manipulateur avéré jusqu’à user sans complexe de violence verbale.
Ses ténébreuses motivations en la circonstance tiennent en un nom, celui de Camille Darsieres, son mentor, qu’il risquait de voir disparaître du fronton de l’édifice en question ; d’où cette querelle Picrocholine sur une prétendue promesse de rétrocession à la municipalité par l’État de la propriété de l’ex-palais de justice ; le hic est que celui-ci n’appartient plus à ce dernier, depuis l’arrêté interministériel du 30 juin 1948 ayant attribué ce bâtiment historique à l’ex-Conseil Général, en sa qualité de successeur de feu la Colonie. La Collectivité Territoriale de Martinique, substitué par la loi au Département en a donc hérité sans contestation possible,ce qu’a confirmé le juge administratif saisi de ce litige. Le résultat de cette polémique stérile est de compromettre la réalisation de l’outil exceptionnel de développement culturel que représente le MACMA pour la mise en valeur de notre destination.Dans l”intervalle en effet les locaux dudit Palais de justice, privés d’entretien, ne cessent de se dégrader à la mesure de l’impécuniosité de la ville de Fort- de- France qui en assure l’utilisation. S’agissant d’un bâtiment historique inscrit à l’inventaire et qui à ce titre devrait être correctement entretenu et protégé, il y a là une situation carrément scandaleuse.
La municipalité en a pris conscience et pour tenter de dégager sa responsabilité dans ce qui s’apparente à une catastrophe programmée, n’hésite pas à faire volte-face ; ainsi a-t’on pu entendre sur la chaîne télévisée du service public le Directeur général des services municipaux affirmer que l’ex-palais de justice relevait du domaine de la CTM, ce qui par voie de conséquence réduit à néant le laborieux argumentaire de Letchimy. Il ne reste plus à ce dernier qu’à sortir un nouveau lapin de son chapeau (déplumé bien sûr!), dans le genre : « oyez, oyez braves gens, en ma qualité de visionnaire tout azimut de l’autonomie, j’institue la nouvelle “loi-pays “suivante : à partir de dorénavant, la propriété d’un bien immobilier ne saurait plus dépendre de basses considérations juridiques mais de la seule coloration politique du titulaire du poste de Président du Conseil exécutif de la CTM, si c’est AMJ, elle sera municipale, si par contre c’est moi, elle redeviendra ipso facto territoriale »; en somme, un nouveau type de propriété immobilière à géométrie variable, comme je le suis moi-même dans mes propos : un jour plus français que français ( des CRS, RAID et autres gendarmes mobiles à profusion et vite s’il vous plaît !) Le lendemain, je ne suis plus qu’un “marron” de la République multipliant les signes distinctifs avec celle-ci jusqu’à vouloir ériger la langue créole en langue officielle à l’égal du français, lequel français conduit selon lui à installer la Martinique dans “le néolithique de la responsabilité”.( Sans doute, pensait-il ce disant à l’appréciation applicable à son propre cas personnel !)
Césaire a dû se retourner dans sa tombe à entendre ce successeur infidèle renier son héritage sur le plan linguistique : pour ne pas se couper du monde en s’enfermant dans ce qu’il qualifiait de «petite langue régionale d’ influence limitée », ce grand écrivain-Poète refusait absolument d’être considéré comme un “créolisant”, autrement dit, un auteur parlant et écrivant en créole .
Pierre-Alex MARIE-ANNE