— Par Pierre Alex Marie-Anne —
L’eau, source de toute vie serait à en croire les déclarations éclaboussantes de nos dirigeants, tant politiques qu’associatifs, au cœur de leurs préoccupations ; il n’en est malheureusement rien ! L’exemple de la tragi-comédie qui se déroule autour du problème de la réparation de la casse de Séguineau au LORRAIN en fournit une première démonstration ; au rythme où vont les choses, il y a fort à parier que les malheureux habitants de la Martinique devront tirer la langue au prochain carême, pour s’abreuver au précieux liquide. Mais plus édifiant encore est le silence assourdissant de ces mêmes, on ose à peine dire responsables, à propos de l’annonce faite par le Ministre des outre-mer, dans son communiqué de Presse du 6 novembre dernier, de la création par la Loi d’un Syndicat Unique de gestion de l’Eau et de l’Assainissement en Guadeloupe, d’ici Septembre 2021. Ce syndicat, regroupant toutes les collectivités intervenant dans la gestion de l’eau (communautés d’agglomération,Région et Département) se fixe pour objectif d’être :« le gage d’une gestion solidaire, mutualisé et collégiale », autrement dit, tout ce que les citoyens de notre territoire attendent avec impatience depuis des années .
Pourtant, le croiriez-vous? pas un de nos décideurs locaux, et encore moins de ceux qui font profession d’occuper le devant de la scène médiatique, pour déblatérer à l’infini sur le sexe des anges et autres futilités, n’est monté au créneau pour réclamer en haut lieu, voire même exiger, que la Martinique bénéficie de cette même disposition législative, qui à l’évidence commande tout le reste. L’explication tient au fait que tout ce petit monde ne se soucie en réalité que de ses propres intérêts, en l’occurrence de ses prérogatives personnelles et autres attributs de pouvoir ; le sort de la population qui les a élus est relégué au second plan ; ils ne daignent s’en préoccuper qu’à l’approche des élections où ils affichent alors, avec ostentation, ” leur amour irrépressible pour le peuple”.
Pour l’heure, quel affligeant spectacle que celui auquel il nous est donné d’assister!, le” ti plaisi “de la campagne électorale de Décembre2015 s’est mué en une énorme désillusion : la désunion est partout et les alliés d’hier sont devenus les ennemis jurés d’aujourd’hui ; les coups bas et manipulations en tout genre sont légions, quand il ne s’agit pas de véritables retournement de veste; ainsi avons-nous eu droit, au détour d’une interview sur un média local, à cette déclaration qui vaut son pesant d’or à moins que ce ne soit de cacahouètes, de la bouche même de l’un de ceux qui fut au premier rang de la manœuvre pour imposer à la population de la Martinique un statut contraire au vote qu’elle avait émis, lors de la consultation référendaire du 24 janvier 2010, ; en substance cet éminent personnage reconnait que la loi du 27 juillet 2011 qui a crée la Collectivité Territoriale de Martinique est tout simplement, je cite :«illicite et dangereuse»; son principal défaut, aux yeux il est vrai de tout observateur averti, c’est d’avoir voulu reproduire au niveau local le schéma institutionnel en vigueur au plan national pour satisfaire les aspirations étatiques des caciques progressistes,à savoir un Exécutif, ersatz de gouvernement et une Assemblée délibérante, sorte de mini parlement.
L‘ennui est que ces deux organes procédant de la même élection, conduite par la même tête de liste, sont organiquement soudés l’un à l’autre comme deux frères siamois, ce qui rend l’équation : une élection pour deux Présidents absolument insoluble. (les méchantes langues diraient, comme dans le film:” un fauteuil pour deux”- Présidents; dans la pratique, nous assistons à la domination de l’Exécutif sur “le Législatif” d’autant plus inévitable que celui-ci, seul chef de l’administration concentre entre ses mains tous les pouvoirs, en matière aussi bien de gestion administrative que financière.( les associations comme les entreprises peuvent en témoigner à leur corps défendant, elles qui sont à la botte de celui qui monopolise la distribution des subventions, imputées aussi bien sur le budget propre de la CTM que sur les fonds européens) Ne nous voilons pas la face, c’est bien un potentat local qu’a enfanté, sous couvert d’une fausse dyarchie, la Loi précitée du 27 juillet 2011;
La personnalité singulière du titulaire actuel de l’exécutif, caractérisée par une conception autoritaire et autocratique de l’exercice du pouvoir, n’a fait qu’aggraver une situation potentiellement conflictuelle ; en l’état actuel des choses, l’Assemblée dont la représentativité est faussée dès le départ par une prime majoritaire exorbitante, est condamnée à n’être qu’une chambre d’enregistrement des décisions de l’Exécutif : elle ne maîtrise ni son ordre du jour, ni même la présentation de ses rapports, squattérisée, c’est un comble! par des gens qui ont perdu (Art.L.7224-3 ),la qualité de membres de cette même assemblée ; dans la situation d’indigence où elle se trouve elle est dans l’incapacité d’exercer sur l’organe exécutif le moindre contrôle. Il n’y a pas d’autre solution si l’on veut remédier à cet imbroglio institutionnel que de remettre sur le chantier cette loi mal conçue, Comment? La solution la plus simple et la plus efficace, ( sauf pour les tenants de la formule -” pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? “ )- c’est de s’aligner sur le système en vigueur en GUYANE, à savoir un Président unique, flanqué d’une Commission Permanente où siège l’opposition. Premier avantage : l’aspect positif de la fusion des deux collectivités préexistantes -CG et Région –en une seule est préservé, sans les désagréments inhérents à la dualité de présidences et donc de légitimité à la tête de l’institution. Autres avantages et non des moindres:: au plan de la gestion d’une-part, le raccourcissement des délais de prise et de mise en œuvre des décisions du fait que les fonctions exécutives et délibératives sont managées par le même titulaire ( comme c’est la règle dans toutes les collectivités locales de France et de Navarre!); d’autre-part,s’agissant du respect de l’impératif démocratique : en sus de la garantie offerte par la présence de l’opposition au sein de l’instance dirigeante de la collectivité qu’est la Commission Permanente, les rapports entre le Président de la Collectivité Territoriale et les membres de l’Assemblée sont amenés à changer radicalement ; le respect mutuel des deux parties s’impose de lui-même car, dans cette configuration, les conseillers territoriaux retrouvant la plénitude de leurs prérogatives au sein des commissions, rien ne peut se faire sans leur assentiment.Finis les godillots tremblant devant leur souverain maître!.
Le refus récent par le Président de l’Exécutif d’appliquer une décision devenue exécutoire de l’Assemblée de Martinique dans “l’affaire dite de Séguineau” illustre la perversion du système actuel ; cet épisode n’est pas le premier : qui ne se souvient en effet de cette apostrophe dédaigneuse jetée, fin 2018, à la face d’une assemblée médusée ? : «vous pouvez voter ce que vous voulez, c’est moi seul qui décide,en ma qualité d’ordonnateur de la collectivité » . Tout citoyen chez qui la fibre démocratique n’est pas altérée par une inclination naturelle à la soumission ne peut que s’inquiéter d’un tel comportement antidémocratique, prélude, l’histoire nous l’apprend, à la dérive vers le totalitarisme et la dictature. L’appel à la vigilance et à la mobilisation du corps social pour s’opposer à cette néfaste évolution, lancé en conclusion de son interview, par le ténor politique en question, apparaît donc pleinement justifié. Néanmoins,force est de considérer que le timide mea culpa esquissé par l’intéressé serait beaucoup plus crédible et constructif s’il s’accompagnait d’une initiative majeure visant à corriger les travers rédhibitoires de la loi fondatrice de la C.T.M. Une opportunité se présente pour agir efficacement dans ce sens : la volonté exprimée, au sommet de l’État, de réformer les conditions d’exercice de la démocratie au niveau local, pour la rendre plus performante, A nos représentants de s’en saisir à bras- le -corps pour déposer un amendement visant à rendre la loi du 27 juillet 2011 plus cohérente et conforme au vœu exprimé par la population, de rester dans l’article 73 de la Constitution, à l’occasion de la consultation référendaire de janvier 2010.
L’avenir dira si les intentions affichées urbi et orbi par nos élus, aussi bien pour la rationalisation de la gestion de l’eau que pour celle de notre principale collectivité territoriale, relèvent ou non du célèbre adage :”Pawol en bouch pas chaj“! Les citoyens martiniquais en tout cas ne manqueront pas de tenir le plus grand compte de la suite qui sera réservée à ces deux questions cruciales, au moment de faire leur choix pour le renouvellement des instances dirigeantes de la Collectivité Territoriale de Martinique.
Pierre Alex MARIE-ANNE