Il les appelait les Bohémiens. C’étaient les Roms de son époque, pas mieux aimés ni mieux accueillis qu’aujourd’hui.
En ces temps de démantèlement de campements et de retours au pays (on ne les ramène toutefois pas jusqu’en Inde), la lettre envoyée par l’auteur de «Madame Bovary» à George Sand en juin 1867 résonne étrangement.
« Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons.
Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols, et j’ai entendu de jolis mots à la Prud’homme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre.
C’est la haine que l’on porte au bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Il est vrai que beaucoup de choses m’exaspèrent.
Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. »
G. Flaubert, lettre à George Sand, Croisset, vers le 15 juin 1867