Qosmos, l’entreprise française qui aide la Syrie à surveiller ses internautes

par Olivier Tesquet

Enquête | Un an après l’affaire Amesys en Libye, une deuxième société française, Qosmos, est épinglée par des ONG pour avoir fourni un système de surveillance des télécommunications à un régime criminel, en l’occurence la Syrie. Deux entreprises qui ont pourtant reçu l’aide du Fonds stratégique d’investissement.

Quel est le point commun entre feu Mouammar Kadhafi et Bachar el-Assad ? La dictature sanguinaire, oui. Mais pas que. Tous deux ont pu compter – directement ou non – sur le savoir-faire de sociétés françaises pour surveiller les télécommunications de leur population. A l’été 2011, Amesys, une filiale du groupe Bull, s’est retrouvée en pleine lumière quand la presse a découvert l’existence de contrats signés avec la Libye. Nom de code du projet : Candy. Objectif : vendre à la Jamahirya un système baptisé Eagle, capable d’espionner le moindre courriel du moindre opposant au régime. Depuis, Bull s’est débarrassé d’Amesys, l’association Sherpa a déposé une plainte contre X devant le parquet de Paris, et l’enquête a été confiée à Céline Hildenbrandt, une juge du pôle spécialisé dans les crimes de guerre et crimes contre l’humanité au tribunal de grande instance de Paris.

Un an plus tard, c’est au tour d’une deuxième entreprise de se retrouver à son corps défendant sous les sunlights judiciaires : Qosmos, 954% de croissance en cinq ans, accusée par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH) d’avoir pu « être impliquée dans la commission d’actes de tortures et de crimes contre l’humanité » en fournissant au potentat syrien un système semblable à celui d’Amesys. Mercredi 25 juillet 2012, les deux ONG ont déposé une dénonciation au parquet de Paris, qui a ouvert dès le lendemain une enquête préliminaire.

En novembre 2011, Qosmos avait pris les devants en annonçant publiquement son retrait de l’opération Asfador, dans le cadre de laquelle elle avait fourni du matériel à la société italienne Area SpA, fournisseur de la Syrie en gadgets high-tech redoutables. « Qosmos ne fournira jamais sa technologie à ceux qui la vendent aux régimes autoritaires », pouvait-on lire dans un communiqué. C’est devenu une ligne de défense classique chez certains marchands d’armes numériques, qui nient toute responsabilité en rappelant qu’ils ne traitent pas directement avec les Etats concernés mais auprès d’intégrateurs (Area SpA, en l’occurrence). Pour se défendre, Qosmos pourra compter sur les services de Me Chabert, qui s’est déjà fait connaître en représentant Claude Guéant dans l’affaire Copwatch et l’Etat lors du procès Colonna. La société « n’a absolument rien à se reprocher » a-t-il plaidé à l’AFP.

 

Le 26/07/2012 à 00h00