— Par Selim Lander —
Quatre garçons dans le vent, quatre comédiens plein de verves interprètent un texte-montage de Carlo Boso, un panorama diachronique des pratiques théâtrales depuis les Grecs jusques à aujourd’hui avec prologue et final préhistorique. Loufoque, dans un style très comedia del arte – au-delà du tableau à icelle consacrée – avec masques et balais (pas ballet, balais !) et aussi bien épées (ou poignards) et perruques aussi souvent que nécessaire. Ceci dit, Public or not public n’est pas un cours sur le théâtre, non solum parce qu’il y manque quelques étapes essentielles (le théâtre classique français du XVIIe siècle, Beckett et bien d’autres du même acabit) sed etiam parce que toutes les pièces mobilisées pour la circonstance sont traitées sur le même mode fantaisiste. Telle est au demeurant la seule critique que nous élèverons contre ce spectacle : le théâtre est si divers – lyrique, tragique, dramatique, burlesque, … – qu’il est affreusement réducteur de le regarder uniquement à travers une grille comique ! À s’en tenir aux extraits des pièces retenues dans la trame de Public or not public (Hamlet, Othello, Cyrano), les occasions de montrer tous les sentiments mis en exergue par le théâtre ne manquaient pourtant pas. À titre d’exemple de ce qui aurait pu être réalisé, on mentionnera seulement ici la pièce Acting (de Xavier Durringer) qui met en scène deux personnages prisonniers dans la même cellule. L’un, interprété par Niels Arestrup, est un metteur en scène sur le retour qui connaît tout des ficelles du métier ; l’autre, interprété par Kad Merad, veut absolument devenir comédien. Il s’agit pour lui d’apprendre le monologue d’Hamlet ; évidemment il a du mal mais le public a besoin d’entendre le monologue interprété par un « vrai comédien ». Et l’auteur nous offre ce plaisir longuement attendu, Kad Merad trouvant finalement le ton juste. Les quatre garçons sur la scène sont eux aussi – à l’évidence – de vrais comédiens mais l’auteur (et metteur en scène) nous refuse le plaisir de les voir jouer autrement que sur le registre comique. On y croit un instant dans l’extrait des Souris et des hommes : espoir vite dissipé…
Que dire cependant d’un spectacle qui affiche dès le départ l’objectif de nous amuser, lorsqu’il nous amuse ? Que le but est atteint. Dont acte. Il serait en effet malséant de bouder après le plaisir qu’on a pris pendant. Le fait est qu’on rit et qu’on ne s’ennuie pas un instant.
Comme susmentionné, Public or not public est encore une pièce participative. Le public n’est pas seulement appelé à réagir collectivement à ce qu’il voit sur la scène : quelques spectateurs (et surtout une spectatrice en l’occurrence) sont invités à monter sur le plateau et à mimer certaines actions ou à accompagner par les mouvements de leur bouche le discours attribué à une comédienne mais prononcé par un comédien (sachant que la distribution se résume à quatre hommes). En l’occurrence toujours, la demoiselle du premier rang qui est montée à plusieurs reprises sur les planches s’est fort bien tirée de l’exercice de play-back. Enfin (private joke), les rédacteurs de votre blog culturel préféré présents dans la salle se sont sournoisement réjouis de voir leur leader, le valeureux Roland Sabra, réquisitionné lui aussi et contraint de monter sur la scène. Que pour une fois les rôles s’inversent, que le juge (juste mais sévère) des comédiens se trouve soudain lui-même sous le regard des spectateurs, n’y avait-il pas là une manifestation de la justice immanente ?
Avec MM. Nicolas Dandin, Marc Faget, Olivier Goirand et Jérôme Jalabert.
Fort-de-France, Théâtre municipal, du 8 au 10 juin à 19h30.