— Par Joël Des Rosiers, psychiatre et psychanalyste —
Présentation : La race n’est pas, comme le prétendent les nationalistes raciaux, une particularité immédiate, une donnée naturelle. Il s’agit plutôt d’une régression vers la nature comme pure violence, vers le particularisme caché qui, dans l’ordre existant, constitue précisément l’universel. « La race est aujourd’hui l’affirmation de soi de l’individu, intégré dans le collectif barbare.» (Horkeimer et Adorno : 1944). Au cours des deux premières décades du XXIe siècle, une floraison d’études historiques sur la race a été publiée. Pourtant, le silence collectif des psychiatres et des psychanalystes sur cette réalité sociétale limite notre capacité à explorer, enseigner et traiter les effets, tant interpersonnels qu’intrapsychiques des traumatismes racialisés, des préjugés implicites et des privilèges.
Dès le XVIIIe siècle, parallèlement au développement d’un savoir médical sur les corps noirs devenus objets d’études pour des raisons économiques, politiques et sanitaires, se développe sur un mode plus ambigu un savoir psychiatrique sur les mêmes objets dépréciés dont la souffrance psychique n’est reconnue que sur le mode du désaveu et de la dénégation. Proposée par Michel Foucault (1979), la biopolitique décrit « la manière dont on a essayé, depuis le XVIIIe siècle, de rationaliser les problèmes posés à la pratique gouvernementale par les phénomènes propres à un ensemble de vivants constitués en population : santé, hygiène, natalité, longévité, races…» Nous chercherons à démêler comment le discours de la race s’autorise du discours médical.
Les objectifs de la présentation consistent à :
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Réviser la notion historique de race et les motifs de sa permanence
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Illustrer l’intersectionnalité entre race et santé mentale
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Rappeler les représentations du corps de la femme noire en tant qu’objet médical
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Relire l’oeuvre de Fanon, Deleuze, Foucault, Mbembé pour une psychiatrie décoloniale.
Bio : Joël Des Rosiers est psychiatre et psychanalyste. Il est diplômé de l’Université de Montréal après avoir commencé la médecine à l’Université Louis-Pasteur de Strasbourg. Ses intérêts portent sur le trauma psychique, la psychopathologie de la migration et la psychothérapie de la psychose. Il est membre du Canadian Psychoanalytic Society-Quebec branch, responsable de séminaires de réhabilitation à l’Université de Montréal et mentor au programme du Fellowship. Poète et essayiste, il a publié plusieurs recueils dont Vétiver. Pour son essai Métaspora, le prestigieux Prix du MLA (Modern Language Association of America) lui est décerné en 2014. En 2017, il est élu à l’Académie des lettres du Québec.
22/02/2022