— Par André Lucèce —
Il s’agit ici d’un point de vue, reposant toujours sur une analyse, concernant la polémique qui a émergé à propos de l’exposition d’art contemporain du Bénin qui s’est tenue à l’Habitation Clément. Certains propos énoncés sous le signe de la morale et de la radicalité me semblent éminemment discutables.
Je pars du principe que les sociétés démocratiques se protègent et se développent par tout ce qui fonde une société humaniste, c’est-à-dire tout ce que nous accumulons en connaissances, non seulement en savoir-faire, mais également par les capacités d’analyse que nous accumulons. Nous Martiniquais, nous avons eu la chance d’avoir des hommes remarquables, pour lesquels j’ai le plus grand respect pour les outils intellectuels qu’ils nous ont fournis et que nous avons utilisés pour progresser.
Parmi ces hommes, dont chacun a quelques noms en tête, il y en a qui se sont battus pour acquérir les droits sociaux, mais également pour nous faire acquérir des principes moraux et intellectuels.
Parmi ceux-ci, il y a notre compatriote Frantz Fanon, auquel j’ai consacré un livre intitulé Frantz Fanon et les Antilles, l’empreinte d’une pensée. Je veux précisément vous parler de cette empreinte, car il aborde la question qui a émergé dans des discours entendus ou écrits à propos de l’exposition d’art contemporain du Bénin qui s’est tenue à l’Habitation Clément.
C’est précisément dans son livre qui parle de nous, Peau noire masques blancs, que Fanon énonce des principes pour lui fondamentaux.
- Principe général : « Seront désaliénés Nègres et Blancs qui auront refusé de se laisser enfermer dans la Tour substantialisée du Passé. »
- « Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d’une culpabilité envers le passé de ma race. »
- « Je n’ai pas le droit ni le devoir d’exiger réparation pour mes ancêtres domestiqués. »
- « Je ne suis pas prisonnier de l’Histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée. »
- « Vais-je demander à l’homme blanc d’aujourd’hui d’être responsable des négriers du XVIIème siècle ? »
Voici ce que nous dit Fanon, cet homme qui à 18 ans partait en dissidence et qui fut récompensé pour son courage à la guerre, celui qui fut le défenseur des Damnés de la terre, celui qui a écrit en guise de conseil : « Allons camarades, il vaut mieux décider de changer de bord, la grande nuit dans laquelle nous fûmes plongés, il faut la secouer et en sortir… » Il faut en effet sortir de l’âge de la colère et de la régression qui fabrique par le ressentiment des ennemis imaginaires.
André LUCRECE