Alors que l’État français a été doublement condamné pour son inaction face à la crise climatique, nous avons demandé aux candidats et candidates à l’élection présidentielle comment ils et elles comptaient remettre la France sur la bonne trajectoire, très concrètement. Résultat : seuls deux d’entre eux prévoient des mesures suffisamment fortes pour changer la donne.
Le 25 janvier dernier, les organisations de l’Affaire du Siècle, en collaboration avec une équipe d’expert·e·s indépendant·e·s du collectif Éclaircies et l’association Data For Good, ont adressé « l’Enquête du Siècle » à la plupart des candidat·e·s à l’élection présidentielle : 19 questions passant en revue les cinq principaux secteurs économiques pour respecter l’objectif de baisse de 40% des émissions de gaz à effet de serre en France à l’horizon 2030, prévu par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC).
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Notre intention est simple, dans le prolongement des recours en justice que nous avons portés : l’Etat ayant été condamné à deux reprises par la justice française (dans le cadre du recours de Grande-Synthe, puis de l’Affaire du Siècle), les citoyens et citoyennes doivent savoir clairement ce que les prétendante·e·s à l’Elysée prévoient de mettre en oeuvre pour sortir la France de l’illégalité et s’attaquer concrètement aux causes de la crise climatique.
Une approche concrète face à la crise climatique
Afin de pouvoir évaluer précisément les propositions des candidats et candidates et déterminer si oui ou non celles-ci permettraient de remettre la France sur de bons rails, nous avons collaboré avec les experte·e·s indépendante·e·s du collectif Éclaircies. Une méthodologie précise a été élaborée sur la base du rapport publié par les organisations de l’Affaire du Siècle début 2021 dans le cadre de la procédure Grande-Synthe et ayant conduit à la condamnation de l’Etat pour inaction climatique par le Conseil d’Etat. Cette méthodologie a permis de mesurer, en transparence et après un dialogue approfondi avec les équipes de campagne, l’impact des propositions des candidat·e·s à l’aune des objectifs climatiques de la France pour 2030.
Des résultats inquiétants
Seuls deux candidats formulent des propositions politiques à la hauteur du péril climatique et respecteraient donc tout simplement la loi : Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. Tous deux démontrent qu’il est non seulement possible de réduire nos émissions à court terme mais également que ces changements peuvent être socialement bénéfiques.
En revanche, les réponses fournies par une majorité de candidat·e·s sont décevantes et ne permettraient pas de sortir la France de l’illégalité climatique. Malgré les intentions affichées de « décarbonation », peu de candidat·e·s échappent à la procrastination climatique.
Si certain·e·s n’ont tout simplement pas daigner répondre (Jean Lassalle) ou n’ont pas fourni suffisamment de données exploitables (Nathalie Arthaud et Philippe Poutou), d’autres comme Anne Hidalgo et Fabien Roussel ont fait des propositions intéressantes mais qui manquent d’ambition face à l’urgence climatique.
Pour le président sortant et Valérie Pécresse, qui sont les moins bien noté·e·s, leurs propositions conduiraient à repousser la baisse des émissions de gaz à effet de serre à plusieurs décennies. Pire, elles s’accompagnent de promesses de fausses solutions technologiques comme le nucléaire ou les agro-carburants. Leurs politiques conduiraient avant tout à maintenir le statu quo sans entreprendre les changements immédiats et concrets que la situation exige.
Principale conclusion de cette enquête : trop peu de candidat·e·s proposent des changements structurels significatifs comme la réduction de la consommation de viande, le développement des alternatives à la voiture individuelle ou la sobriété énergétique, dans cette campagne présidentielle qui s’apparente à un rendez-vous manqué pour le climat.
Des manquements graves face à l’urgence climatique
Dans les réponses des candidats et candidates qui ne sont pas à la hauteur du défi climatique, nous avons pu identifier trois caractéristiques communes :
- Le manque de moyens financiers : un consensus grandissant établit pourtant le besoin d’une augmentation significative des financements privés et publics pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone. Ce consensus est, par exemple, aujourd’hui porté de plus en plus fortement à la tête de l’Union Européenne après la crise sanitaire, face à la guerre en Ukraine ou pour atteindre les objectifs du Pacte vert. Mais il ne se reflète pas ou très peu dans les programmes politiques de la majorité des candidat·e·s.
- Le mythe de la technologie : plusieurs candidat·e·s adoptent la posture de miser sur des technologies qui ne sont pas encore disponibles ou qui sont trop lentes à mettre en place pour répondre à l’urgence climatique, ce qui leur permet de justifier l’absence de mesures courageuses, d’éviter la question de la sobriété ou de l’encadrement de l’activité économique.
- Le manque de cohérence des politiques publiques : le défi climatique nécessite que l’ensemble des politiques publiques soient passé au crible des objectifs environnementaux. Il faut réinventer le « en même temps ». Plutôt que de financer les énergies renouvelables et en même temps les projets pétroliers, il est urgent de préférer le financement des énergies renouvelables et en même temps de la baisse de consommation d’énergie, par exemple.
Voir les résultats détaillés de l’enquête
Comprendre les résultats de cette enquête
Nous avons tâché de présenter les résultats de notre enquête de façon synthétique. Nous avons d’abord déterminé les secteurs essentiels de la transition :
- Transports (20% des émissions de gaz à effet de serre en France)
- Logements (14%)
- Agriculture (20%)
- Industrie (10%)
- Energie (22%)
Pour chacun de ces secteurs, nous avons identifié des leviers mesurables (par exemple la croissance du transport ferroviaire, le nombre de logements rénovés, la réduction de la taille du cheptel de bovins à viande…) qui permettraient d’atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone.
Sur la base de ces éléments, pour chacun de ces leviers, nous avons analysé les mesures proposées par les candidats et candidates et évalué leur contribution à la baisse des émissions de CO2 par rapport à la situation actuelle. Sur les graphiques, nous avons ainsi représenté :
- La situation actuelle, matérialisée par des briques et curseurs noirs
- La contribution des mesures proposées par le ou la candidate, matérialisée par des briques de couleurs (ou l’absence de couleurs lorsque la contribution est nulle).
Nous avons également présenté une synthèse de l’ensemble de ces résultats, pour chaque candidat et candidate, tous secteurs confondus. Elle figure en tête de chaque fiche consacrée aux candidat·es.
Ces analyses nous ont permis de distinguer quatre grandes catégories de candidats et candidates :
- Celles et ceux dont les propositions permettraient de remettre la France sur la voie de la légalité, et donc d’atteindre ses objectifs climatiques. Seuls deux candidats y parviennent : Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon.
- Celles et ceux qui proposent des efforts significatifs mais insuffisants pour remettre la France dans la légalité : Anne Hidalgo et Fabien Roussel
- Celles et ceux dont les propositions ne permettraient pas de sortir la France de l’illégalité, faute de propositions structurelles : Emmanuel Macron et Valérie Pécresse
- Celles et ceux dont les réponses à nos questions étaient trop imprécises pour être évaluées : Nathalie Arthaud et Philippe Poutou
Jean Lassalle n’a pas répondu à notre demande.
Le questionnaire n’a pas été adressé à la candidate et aux candidats d’extrême-droite Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan et Eric Zemmour, ceux-ci défendant des valeurs profondément opposées à celles qui sont les nôtres.