Prendre du recul et faire le bilan

Par Marie-Laurence Delor —

Pour mémoire – puisque c’est la « mémoire » qui le plus souvent manque à ceux qui disent en faire un devoir – je livre à nouveau à la lecture ou à la relecture des uns et des autres mon « Mot du jour » du vendredi 29 janvier  2021. Il s’intitulait « Les insurgés fêtards ou des paradoxes rouges, vert, noir » :

« Que disent sur nous même ces vidées qui jouent à la dissidence? Car, c’est bien cela l’essentiel: notre capacité à prendre du recul sur ce que nous croyons être, sur notre culture et nos traditions. Ces « vréyé-monté et ces raché-pwèl hautement militant » confirment, d’une part, le délitement rouge, vert, noir: la même bannière qu’on brandit pour exiger réparation pour le désastre écologique, sanitaire et social de la chlordécone flotte au dessus des « insurgés fêtards » qui essaiment allègrement le covid 19 et ses variants. Ces vidées soi-disant dissidents témoignent, d’autre part, de notre égoïsme festif et de notre  faible inclination à l’effort pour le bien commun. Cet hédonisme englué dans l’instant traduit quant au fond une vision désespérée de l’avenir, de notre capacité à faire peuple…. Pas étonnant que l’argument ou plutôt l’alibi de la transmission ou de la tradition soit d’une telle indigence : tous les établissement primaires et maternelles de Martinique depuis plus de 30 ans mettent en place des ateliers carnaval pour l’évènement. Les collégiens et les lycéen de même un grand nombre de salariés se travestissent depuis « nanni-nannan » pendant la semaine qui précède les jours gras. Où est le danger pour la tradition et la transmission? »

L’ARS dans son point hebdomadaire du mardi 26 janvier 2021, peu avant donc la publication de mon mot, apportait les informations qui suivent :

« Les indicateurs épidémiologiques du SARS-CoV2 en Martinique indiquent une circulation virale stable mais toujours active. Avec 21 nouveaux cas, le taux d’incidence (Ndlr : (nombre de personnes positives au Covid pour 100 000 habitants) est stable et reste inférieur au seuil d’alerte. Avec 2,1%, le taux de positivité de 2,1% (Ndlr : nombre de personnes détectées Covid-19 / nombre de tests réalisés sur une semaine) reste stable et inférieur au seuil de vigilance.

La vigilance doit rester de mise dans les semaines à venir compte tenu du risque d’introduction de nouveaux variants dans nos territoires. Le territoire reste classé en niveau de vulnérabilité élevée ».

(voir FA, édition sur site du 26 janvier 2021)

Depuis, il y a eu pour « sauver nos libertés et nos traditions menacées »de nombreux vidés et autres soirées « marrons », « dress code rouge-vert-noir ». En ligne de mire le « bwabwa »de la préfecture  aux ordres d’un« colonialisme rampant » cherchant à nous éradiquer en tant que peuple sous prétexte de crise sanitaire. La consigne « révolutionnaire » de « ne pas aller se faire dépister »- pour déjouer les pièges de l’ennemi qui prétendait nous soigner malgré nous-circulait abondamment et de manière virale sur les réseaux sociaux de nos « insurgés fêtards ». Et pour bien montrer la détermination sans faille des« patriotes » lorsqu’on s’en prend à leur identité de peuple, une mi-carême déchirée s’imposait…

Le plus grave dans cette longue et consternante séquence d’irresponsabilité festive dont on voit aujourd’hui les résultats, c’est d’abord, le silence des politiques de tout bord (1) témoignant ainsi de la primauté de leurs intérêts de parti et de campagne sur la sécurité sanitaire de la population ; c’est ensuite, la passivité des martiniquais qui en laissant faire et en se taisant accréditaient tout comme les politiques l’idée totalement fausse que cette minorité gesticulante représentait une opinion majoritaire.C’est enfin, la honteuse défection des intellectuels.

Il faut encore le répéter et le re-répéter, la base sociale actuelle de l’indépendantisme et de l’autonomisme –la fraction de l’aristocratie populaire et des classes moyennes paupérisée et frustrée- n’est pas en capacité de porter un projet pour l’ensemble de notre pays. Et comme les classes populaires et les classes moyennes progressistes déçues se retirent de l’espace politique faute d’un projet et d’une équipe de rupture avec la tradition de gestion de la dépendance, faute donc d’une vision stratégique de « réduction de la dépendance », nous sommes plus que jamais dans une situation d’impasse qui explique en grande partie l’hystérisation de l’action politique.

  1. Quelques maires ont pris clairement leur responsabilité, en particulier ceux du Robert, de Schoelcher et de Bellefontaire ainsi que de rares personnalités telle Catherine CONCONNE.

 

Marie-Laurence DELOR

Le 19/03/2021